C’est devenu une habitude lors des grands évènements et des visites officielles : quelques médias nationaux sont bardés de badges leur donnant accès à tout – et surtout aux meilleurs images – les autres (la basse-cour ?) sont parqués à bonne distance et doivent se contenter des miettes. Ayant fait ce qu’on a pu, voici quelques photos d’ambiance des 589e Fêtes johanniques d’Orléans le 8 mai.

(c) Marie-Line Bonneau
Le 8 mai à Orléans pour les médias désirant suivre l’évènement, comme dans les sous-marins, il y avait l’équipage rouge et l’équipage bleu. La comparaison s’arrête là, dans la marine jamais aucun des deux équipages ne prend l’avantage sur l’autre. Mais pour les cabinets de communication du gouvernement c’est autre chose. Hier c’était le cordon rouge qu’il fallait avoir autour du cou : le précieux sésame qui donnait l’accès au pied de la cathédrale, soleil dans le dos, le meilleur angle pour les images avec Jeanne d’Arc de face. Les bleus, parqués à 100 mètres, devant le bar le Lutécia, n’ont vu que le cul du cheval. Un coup de pied de canasson qui agace sérieusement certains confrères, qui en ont un peu ras le stylo d’être traités comme la basse-cour, la marmaille qui doit se contenter des miettes.
Jurisprudence Macron (2016)
On entend d’ici les ricanements de certains lecteurs qui doivent se dire avec ironie grinçante : « bien fait pour vous ! », tant le média-bashing est dans le vent. Qu’ils ne rient pas trop vite : à force de ne laisser la place qu’aux médias mainstream et aux comptes Facebook particulièrement bien léchés et lissés des élus et communicants (qui sont souvent les mêmes), ils finiront bien par s’apercevoir qu’on leur vend toujours le même plat à la même sauce, avec un sourire commercial. Le pluralisme des médias finira bien par leur manquer, se dit-on.
En ce qui concerne les fêtes johanniques, une des raisons à ce parcage des moutons d’un côté et des brebis du Seigneur de l’autre vient de la « jurisprudence Macron », justement. Il y a deux ans, lors de la venue de celui qui n’était encore « que » ministre de l’Économie et des finances, mais qui venait de lancer son mouvement En Marche ! ce fut l’émeute. Le futur président était entouré d’une nuée de journalistes (une centaine, nous dit-on dans les milieux autorisés) empêchant la star d’accéder au bon peuple afin de lui toucher les écrouelles tout en lui serrant la main. On vit même certains plumitifs et photographes mal élevés – il en existe – sauter des barrières, renversant tout sur leur passage afin de tenter d’obtenir qui la petite phase qui ferait le buzz, qui la meilleure image… Bref, une gabegie dont il était urgent – pour de vrai – d’y mettre fin.
Heureusement qu’une des qualités des journalistes est d’être rusé ! Cela permet parfois de contourner barrières et services de protection, et de jouer à « attrape-moi si tu peux » avec les services de communications au profil-type toujours égal à lui-même : des petits maigrichons pâlots cintrés dans des pantalons slim taille 38, brushing impeccable et lunettes de soleil de grandes marques sur le nez. Ces opportunistes des cabinets nous rappellent les premiers de la classe au premier rang, toujours prompts à la dénonciation des cancres du fond près du radiateur. Qu’ils profitent de leur maigre pouvoir, la vie en cabinet est parfois très brève, et leur siège très éjectable…
Seul avantage d’avoir été « parqués » devant le Lutétia : pour une fois, ceux qui avaient payé le moins cher étaient à l’ombre ; les officiels, communicants et les médias badgés « rouge » étaient en plein cagnard. L’inverse de la corrida, en somme…
F.S.