Game of Europe, la dernière séance ?

Alors que le concours de l’Eurovision se termine en marronnier décevant, tel un huitième de finale du Paris Saint-Germain en ligue des champions, l’Europe se passionne bien davantage pour le dernier épisode haletant de la série culte Game of Thrones que pour une campagne des élections au Parlement européen aussi baroque qu’atone.

Par Pierre Allorant

Intervilles, les jambes sans la tête

À l’image de la stupidité légère des jeux télévisés des Trente glorieuses qui voyaient s’affronter, en stéréotypes nationaux caricaturaux, les « villes de foire » de la Hanse à l’Andalousie, le scrutin du 26 mai 2019 balance entre le premier et le second degrés : la consternation devant le ridicule éparpillement en 34 listes, 39 marches pour faire trébucher la raison de l’électeur, et l’hilarité dangereuse devant la maladresse de têtes de liste, drôles d’oiseaux sortis d’un chapeau taquin, telle la Calamity Jane de la liste Renaissance, aux déclarations plus proches de Groucho Marx que de Léonard de Vinci.

Jeux interdits, l’Europe a besoin d’Histoire et de perspectives d’avenir

Alors que les citoyens européens se remettent à peine de la purge décennale qui a amputé depuis 2008 leur pouvoir d’achat et les projets d’avenir des jeunes en dehors des métropoles et au sud d’une ligne Milan/Barcelone, cette drôle de campagne, encore rapetissée en France par le temps additionnel macronien du « Grand débat », fragilise l’équilibre déjà branlant d’une construction qui peine à renouveler ses lignes d’horizon.

La paix et la croissance ont été des objectifs parlants et majeurs pour la génération des baby-boomers, encore traumatisée par le récit direct de la « Guerre de trente ans » qui avait, de Sarajevo à Auschwitz, menacé de suicide moral, politique et démographique les nations européennes. Trente années après la chute du mur de Berlin, d’autres enjeux doivent d’urgence prendre le relais sous peine de laisser la main aux populistes. Mais c’est au moment où le défi climatique et la béance des inégalités fournissent des chantiers opportuns à un volontarisme continental que la scène politique apparaît, à chaque échelle, éclatée et impropre à toute action résolue.

Versailles, rive droite

Si la droite française espère et prie pour retrouver son identité grâce à la campagne sérieuse de son philosophe versaillais – une sorte de pléonasme, un candidat qui garde son sens commun pour éviter une veste – rappelons que, pour un parti unique conçu dans le but de regrouper une majorité dès le premier tour, un score à deux chiffres n’est pas en soi un exploit, juste un soulagement. C’est seulement par comparaison avec la lente agonie de la gauche et avec les ratés de la campagne des Marcheurs que la droite escompte jubiler. Mais le pari de Laurent Wauquiez d’emprunter au discours et obsessions lepénistes pour récupérer sa clientèle est très loin d’être validé.

Le coup de grâce du 21 avril permanent

Du côté gauche de l’échiquier, on se lasserait de décrire le gâchis systématique. Tout montre que la transition écologique passe par l’échelon européen, des politiques publiques vigoureuses et keynésiennes, facilitées par des taux de crédit ridiculement bas, et par un accompagnement social fort et réducteur des inégalités ? Émiettons-nous en chapelles illisibles et rivales afin de ne pas franchir les 5% fatidiques de l’absence d’élus ou les 3% de la ruine !
Avoir à la fois, « en même temps », la droite et la gauche la plus bête du monde, c’est un privilège rare. Et pourtant, même sur ce plan, nos voisins anglais menacent de nous voler la vedette, pour monopoliser les finalistes de cette ligue des champions de l’impuissance publique.

La divine comédie brexitaire

Mille jours après le référendum boomerang organisé par Cameron le maudit, le Jean-sans-terre contemporain, la plus ancienne démocratie parlementaire reste paralysée par le ridicule, d’un vote, l’autre, sans perspective, munie de « leaders » du bipartisme qui ne conduisent rien et ne tracent d’autre chemin que leur médiocre idée fixe de préserver leur boutique partisane à la dérive.
Résultat inouï : la résurrection cauchemardesque d’une extrême-droite hier exsangue, sauvée des eaux de la Tamise par l’incapacité des parlementaires à trancher, au moins entre les formes de retour aux urnes : élections générales ou second référendum.

Face à cette tragédie qui paralyse tout le projet européen, d’où viendra le sursaut ? Pas a priori d’un couple franco-allemand en fin de cycle, de désarrois de l’élève Merkel en désagréments du Petit Prince de l’Elysée. Et cependant tous les démocrates savent, en fidèles lecteurs de La Fontaine, que patience et longueur de temps font plus que force Boris et Farage.

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