Itsi bitsi petit burkini

Par Jean-Paul Briand

Les règlements intérieurs de nombreuses piscines municipales encadrent désormais strictement les tenues vestimentaires. Même si les raisons invoquées sont celles de l’hygiène et de la sécurité, certaines prescriptions questionnent sur un retour de la pudibonderie, l’envahissement de la société par des références religieuses, le rejet de certaines communautés, la méconnaissance, voire le refus, des règles et des valeurs républicaines…

Pour les femmes, pas trop découvrir mais pas tout cacher

Dans les règlements des piscines, pour les homme, c’est simple : Bermudas, strings et caleçons sont prohibés. Une tenue décente et un comportement correct sont exigés. Normal.

Pour les femmes, ça devient un peu plus compliqué. Elles font l’objet d’une attention toute particulière, probablement au nom des bonnes moeurs et pour éviter des gonflements disgracieux chez les maîtres nageurs ou des débordements difficiles à gérer, même dans une piscine. Sur le règlement d’une piscine locale, il est stipulé que « les maillots de bains doivent obligatoirement couvrir largement les aréoles et le pli inter fessier ». Il est dorénavant inconvenant, impudique, provocateur voire obscène, qu’un maillot de bain puisse laisser entrevoir d’une part, comme mon plombier préféré, un début de sillon interglutéal, plus communément appelé raie des fesses, et d’autre part, une partie de cette zone de peau circulaire pigmentée située autour du mamelon. Les jeunes mères qui allaitent sont donc interdites de piscine…

Si, sur les bords des piscines, les femmes ne doivent pas trop découvrir leurs corps, a contrario il est fortement conseillé de ne pas en cacher plus qu’il n’en faut. Ainsi, dans de nombreux règlements, il leur est interdit de porter un maillot de bain couvrant l’intégralité du corps.

Une discrimination pour des raisons religieuses

Appelons un chat : un chat ! Ce sont les tenues de bain islamiques que l’on nomme, par contraction des mots « burka » et « bikini » : burkini, qui sont visées par les interdictions actuelles. Les responsables des piscines devraient relire le tout récent guide élaboré par le ministère des sports en association avec l’Observatoire de la Laïcité : « laïcité et fait religieux dans le champ du sport »  (https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2019/06/laiciteguide_v3b_0.pdf). Concernant les piscines, il est écrit : « Le code du sport et le code de la santé publique imposent pour ces établissements des règles sanitaires, de sécurité et de surveillance. Pour autant, aucune disposition législative ou réglementaire ne traite spécifiquement des tenues vestimentaires. Il est donc laissé à la libre appréciation des établissements et de leurs exploitants le soin de fixer des règles dans leur règlement intérieur. Des règles qui imposeraient le port d’une tenue adaptée à la pratique sportive, en visant directement ou indirectement l’interdiction du port du burkini, ne pourraient être légales que sur la base de raisons objectives telles que l’hygiène et/ou la sécurité, mais aussi démontrables afin de ne pas aboutir à une discrimination indirecte pour des raisons religieuses ». A ce jour, le port du burkini n’est pas interdit, en tant que tel, par la loi française. 

Le burkini est conforme aux normes d’hygiène

Afin de justifier cette interdiction, la sécurité et l’hygiène sont évoquées. L’argument sécuritaire consiste à affirmer qu’en cas de noyade ou d’accident cardiaque, afin d’utiliser un défibrillateur, le temps perdu à retirer ou à découper le burkini serait une perte de chance pour l’accidentée. Prétexte jamais démontré et difficile à accepter lorsque l’on sait que les combinaisons en Néoprène°, hautement plus résistantes et d’un seul tenant, sont utilisées par les pratiquants de la plongée et du triathlon. Pour l’hygiène, aucune étude probante n’a démontré que le maillot de bain couvrant tout le corps avait un impact négatif sur la qualité de l’eau d’une piscine. Dans sa décision du 12 décembre 2018, le défenseur des droits (https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=18234) précise : « Mise à part la proportion de tissu utilisé, le burkini est constitué de la même matière que les maillots de bain classiques d’une ou de deux pièces. Il s’agit généralement d’un mélange d’élasthanne (lycra) et de polyamide (nylon). Il est conçu pour le milieu aquatique et élaboré afin de se conformer aux normes d’hygiène des piscines ».

Le port de tenues de bain de type burkini ne constitue pas une atteinte à la laïcité

Une atteinte à la laïcité ne peut pas plus être alléguée. Il est bon de rappeler ici, quels sont les trois principes de notre laïcité, trop souvent instrumentalisés par méconnaissance ou par opportunisme : 

  1. Neutralité de l’Etat : dans l’exercice de leurs fonctions, il est interdit aux agents du service public de manifester leurs croyances religieuses.
  2. Liberté religieuse : la liberté religieuse ne relègue pas son exercice à la seule sphère privée. L’exercice des cultes pouvant être public sous réserve de l’absence d’atteinte à l’ordre public, ainsi que le prévoit l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
  3. Pluralisme religieux : l’Etat est le garant de la liberté religieuse et de son pluralisme. On a le droit de croire mais aussi de ne pas croire.

La jurisprudence est constante. Les tenues de bain de type burkini ne constituent pas une atteinte à la laïcité. Elles ne peuvent être interdites que dans le cas d’un trouble avéré de l’ordre public. La seule interdiction valide en France, depuis la loi de 2011, est la dissimulation intégrale du visage dans l’espace public. Or, le burkini ne dissimule pas le visage.

C’est à la représentation nationale de régler le problème des burkinis

Ce n’est pas aux gestionnaires de piscines, d’essayer de faire barrage au fléau de l’intégrisme religieux en établissant des règlements clivants, inefficaces et illégaux. C’est les exposer à des provocations déstabilisantes, menées par des groupes militants, comme cela s’est produit dernièrement dans une piscine publique de Grenoble.

C’est à la représentation nationale de décider, sans tarder, de la juste réponse de l’Etat afin de régler une fois pour toutes le problème des burkinis, source délétère de conflits qui, au fil de ces temps troublés, font le lit des extrémistes de tous poils, barbus ou rasés…

Les religions détestent le corps des femmes

En 1960, Dalida chantait « Itsi bitsi petit bikini » qui devint un succès phénoménal, repris par Johnny Halliday, Line Renaud et bien d’autres…Ce maillot de bain deux pièces, qui montrait pour la première fois le nombril de la femme, fut inventé par un français afin d’éviter les marques de bronzage. Des actrices comme Brigitte Bardot, aux temps de sa splendeur, et Ursula Andress, dans le premier James Bond, en firent la promotion. Si les intégristes islamiques veulent aujourd’hui imposer le maillot de bain intégral, il faut se rappeler que le port du bikini fut longtemps considéré par le Pape comme un péché ! 

Toutes les religions détestent le corps des femmes et aujourd’hui la chanson de Dalida pourrait s’intituler « Itsi bitsi petit burkini ».

JPB  juillet 2019

Commentaires

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  1. Tout le monde il est beau,tout le monde il est gentil !
    Bienvenue dans Bisounoursland,notre pays ou le communautarisme et ses signes ostentatoires ne se développent pas.
    Tout va donc bien.

  2. Il faut bien constater que Monte Chiusi fait partie (et aussi parti ?) de ces Français qui souffrent d’islamo-psychose.
    Si le Docteur Briand pouvait lui prescrire une thérapie…
    Cet article, très argumenté, est tout à fait intéressant et devrait permettre à certains de réfléchir avant de jeter le burkini et les femmes qui le portent avec l’eau du bain.
    D’ailleurs, les musulmanes ne sont pas les seules à vouloir le porter : c’est aussi le cas des femmes de confession juive, les femmes qui souhaitent mettre leur corps à l’abri des rayons UV cancérogènes ou tout simplement masquer les imperfections de leur corps ou les effets du vieillissement, faute de pouvoir “réparer des ans l’irréparable outrage” !
    Une réserve aux propositions du Docteur Briand : laisser à la représentation nationale actuelle le soin de régler la question du burkini reviendrait à l’interdire, compte tenu des opinions de la majorité d’aujourd’hui.

  3. “les religions détestent le corps des femmes” c’est un dernier paragraphe qui résume des siècles d’histoire et de domination masculine.
    Marie a pourtant fait ce qu’elle pouvait pour rattraper le péché originel ; pauvre Eve qui sort d’une côte pour tomber sur le serpent !
    Ce dernier paragraphe de l’article serait-il là pour réfuter à l’avance l’idée que l’auteur s’adresse en fait à de futures électrices ou de futurs électeurs.
    Il n’est peut-être pas choqué de subir le spectacle d’une femme couverte de noir de la tête aux pieds qui suit un homme décontracté en short et tee-shirt. En tout cas il ne le dit pas.
    Sa vision de la laïcité s’en accommode mais dirait-il la même chose d’un quidam proclamant publiquement sur ses vêtements t que DIEU N’EXISTE PAS, LE PARADIS NON PLUS.
    Pour qui se souvient de ces années noires de l’Algérie où journalistes, intellectuels, artistes, universitaires étaient assassinés au nom de ces prétendues lois de dieu (définies comme bon le semble selon les endroits et les périodes) la montée du religieux nous ramène en France bien loin en arrière, à une autre domination du religieux avant la loi de 1905.
    LUMIERES où êtes-vous !

  4. Une analyse superficielle qui fait l’impasse sur les acteurs réels de l’affaire de Grenoble, c’est à dire les mouvements islamistes et la mairie EELV.
    Pour en savoir plus, voir le blog d’un militant laique sérieux et bien informé : https://naembestandji.blogspot.com/2019/07/alliance-citoyenne-et-ses-alliees.html
    La défense de la laicité ne peut être laissée à nos élus nationaux, c’est l’affaire des citoyens ; nous voyons notre société se fracturer et nous en ont assez de lire des généralités du type “Toutes les religions détestent le corps des femmes” qui sont dignes de Bouvard et Pécuchet !
    Et qui voudrait d’un maire EELV sur le modèle d’Eric Piolle à Orléans en 2020 ?

  5. André vous faites référence à Eve. Or il semblerait, d’après certains textes, qu’Adam eut une autre épouse avant Eve, nommée Lilith. Créée de la même manière qu’Adam, et non d’une de ses côtes, elle exigeait d’être son égale. Adam refusa cette égalité et Lilith s’enfuit de l’Eden. Elle fut remplacée par Eve, épouse soumise comme le souhaitait Adam. Déjà la parité Femme/homme posait problème…
    Je ne comprends pas l’allusion électorale ?
    J’essaye d’appliquer avec difficulté : « l’indifférence chaleureuse et la neutralité bienveillante ».

  6. ” Prescription somme toute classique ” d’oldpuzzle ,
    avec l’angélisme du camp du Bien et du Progrès .
    Attention peut-etre à ne pas rester surexposé trop longtemps au déni des réalités ( Seine-Saint-Denis ,
    banlieue grenobloise par exemple ).

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