L’été indien du paysage politique européen

Par Pierre Allorant

En cette trêve de la mi-août, fête mariale qui fut un temps, sous les deux empires, la Saint-Napoléon, le paysage politique de 4 des 5 plus importants États européens apparaît fracturé, en mutation majeure, seule l’Allemagne vivant encore l’été de la Saint-Martin de la longue ère de stabilité et de prospérité incarnée par la chancelière Merkel.

Le Golden Gate Quartet

En attendant la fin du cycle en « Kanzlerdemokratie », la France de la 2e phase du quinquennat Macron, et encore davantage l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Désuni sont, cet été, à un tournant de leur histoire politique contemporaine.

Municipales, mode d’emploi

La mairie de Saint-Jean-de-la-Ruelle. (Loiret)

Après une année de réformes entreprises au pas de charge par un jeune président duquel aucun corps intermédiaire ne pouvait entraver la marche, puis la plus longue crise sociale depuis le printemps 1968, comment se présente l’échéance municipale de mars 2020 ?
Avec en arrière-plan une réforme radicale du mode de calcul des retraites et le débat sur la PMA pour toutes, le scrutin qui intéresse et mobilise le plus les citoyens, avec les Présidentielles, est le plus compliqué à analyser dans ses ressorts. Non seulement les électeurs se déterminent à la fois en fonction de leur appréciation de l’action du gouvernement et de leur jugement sur le bilan de l’équipe municipale sortante, mais aussi ils expriment des aspirations contradictoires : d’un côté, le maire reste le seul élu à trouver grâce aux yeux de ses concitoyens, alors que le climat populiste incite à mettre dans le même panier de fruits véreux tous les autres élus, mais d’un autre côté l’aspiration au renouvellement, au rajeunissement et à la féminisation des équipes reste élevée.

Portés haut sur le podium des élections européennes, comment des partis peu ancrés au sein des conseils municipaux – le Rassemblement national, la République en marche et les Verts – vont-ils réussir à transformer l’essai au détriment des cohortes sortantes de conseillers LR et PS ? L’hésitation est présente même au sommet, comme en témoignent les variations du parti présidentiel, tiraillé entre la stratégie de soutenir les maires sortants compatibles et la tentation des comités locaux et référents départementaux d’investir des militants neufs. La géométrie des alliances, bouleversée par l’implosion du clivage droite/gauche et par la dégénérescence des anciens partis de gouvernement, constituera, avec le désir brûlant d’inventer la ville durable et respirable, l’une des clés de la bataille des mairies, sans qu’on puisse exclure a priori un nouveau ressac de la vague de dégagisme de 2017, confirmée en 2019.

Douleur ou gloire pour Pedro ?

Comme dans le dernier Almodovar, le corps marqué de cicatrices de Pedro Sanchez témoigne de la difficulté à trouver une majorité durable en Espagne, en dépit de sa nette victoire aux dernières élections générales. Les divisions avec Podemos, l’impossibilité de s’appuyer sur les indépendantistes catalans et la résurgence d’une alliance baroque entre les néo-franquistes de Vox, le Parti populaire dont ils sont partis et les centristes déconsidérés de Ciudadanos menacent l’Espagne d’un rapide retour aux urnes.

Tous ligués contre la Ligue ? Pleins pouvoirs et réminiscences de 1919.

Beaucoup moins bien lotie économiquement que l’Espagne, l’Italie affronte une crise politique encore plus grave. Le coup de poker du ministre de l’intérieur Salvini, admirateur explicite de la Marche sur Rome – « pleins pouvoirs », vous avez bien dit « pleins pouvoirs » ? – déclenche en plein été une bourrasque au sein même du gouvernement de coalition : la Ligue pense le moment venu de retirer son masque pour dévorer son ancien partenaire « attrape-tout », le mouvement anti-élites 5 étoiles, qui ne brillent plus ou sont déjà mortes d’incohérence stratégique.
Reste le sens de l’Etat du président de la République et, espérons-le, l’instinct de survie des partis du spectre démocratique, mais avouons que compter sur l’esprit civique de la momie Berlusconi ou sur le retour en grâce du Parti Démocrate de Mattéo Renzi pour sauver la République italienne, son appartenance à l’Europe et l’équilibre de l’euro revient à peu près à faire confiance à Trump pour mettre fin aux fusillades meurtrières sur le sol américain.

Le Brexit à qui perd gagne ? Boris, Jeremy, Tony, Gordon, Elisabeth et les autres

Non, l’ambiance en Angleterre n’est pas aux comédies familiales bourgeoises de la France pompidolienne de Claude Sautet. Mais alors qu’on peut redouter un retour aux urnes précipité et instrumentalisé par les populistes en Espagne et surtout en Italie, le retour devant le peuple semble la seule voie raisonnable pour sortir de l’imbroglio du Brexit. En effet, le projet ubuesque prêté au spin doctor de Boris Johnson de contourner le Parlement pour précipiter un Brexit dur sans accord de sortie négocié avec l’Europe menace plus encore que la construction communautaire, l’esprit même des institutions britanniques, fondées sur la suprématie parlementaire.
Après avoir fait voler en éclat les liens entre nations du Royaume-Uni, fragilisé la livre et plombé la croissance, désormais à quai, la surenchère du gouvernement conservateur, très minoritaire dans l’opinion, vole décidément d’exploits en records. Loin de conserver, il détruit tout, tétanisé par la concurrence du fou de la couronne, le xénophobe Farage, et obsédé par le pis-aller d’éviter à tout prix le second référendum réclamé par les libéraux-démocrates et des élections générales. Dans ce marasme, le leader travailliste saura-t-il enfin se hisser à la hauteur des enjeux ? Son appel à l’union de tous pour annuler le Brexit apparaît bien tardif, après des années de tergiversations politiciennes.

Once upon a time in…Europe.

Sans en appeler à Kill Bill, ou à Kill Boris, nous ne sommes ni au Texas, ni en Ohio, le recours au titre du dernier film de Tarentino peut dégager la voie. Oui, il était une fois l’Europe, sans Brad Pitt ni Di Caprio, mais avec Churchill, De Gasperi, Adenauer, puis Suarez et Gonzales, Kohl et Mitterrand. Pères fondateurs, revenez : ils sont devenus fous !
À l’heure où la Chine masse ses troupes face au sursaut démocratique de Hong-Kong, où Trump menace la planète par son imprévisibilité et son bras-de-fer commercial tous azimuts, l’Europe se divise, regarde ailleurs, oublie ses valeurs, du cimetière marin de la Méditerranée au cimetière de l’Etat de droit de Varsovie et de Budapest.

L’union libre ou la violence aveugle

Une idée neuve en Europe ? Le bonheur de peuples libres, fiers de la première tentative de construire ensemble un continent pacifique, prospère, solidaire. Bref, le seul contre-modèle crédible à la société du « chacun pour soi, chacun son colt » prônée par Trump, le « suprémaciste en dépit de son plein gré », caution malgré lui du terrifiant « terrorisme blanc ».

P.A

Commentaires

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  1. Pierre, deux éléments :
    Au niveau international, un sujet qui me paraît inquiétant, même si la communauté internationale semble indifférente : l’Inde, pays le plus peuplé du monde, qui a la bombe atomique et qui vient d’élire un gouvernement ultranationaliste aux méthodes paramilitaires, a révoqué brutalement l’autonomie du Cachemire. Cette action provoque la colère de son voisin, le Pakistan, pays musulman et puissance nucléaire…
    En politique nationale : Le candidat Macron avait promis « 20% de proportionnelle à l’Assemblée et 25% à 30% de parlementaires en moins ». Si cela se met en place, nombre de député(e)s LREM savent qu’ils risquent de perdre leur job. Certain(e)s vont chercher à se recycler dès les municipales. A suivre localement…

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