Les retraites : en grève contre un projet fantôme

En ce 5 décembre, le peuple de France entre en éruption. C’est périodique et dans ses usages. Quand il n’est pas content, quand il craint pour son confort, son avenir ou sa liberté, tel un volcan, il se manifeste et vitupère sa hargne dans les rues. Gare à qui touche à ses retraites sans avoir longtemps et dans le détail préparé le terrain ! Alain Juppé s’en souvient encore qui en 1995 voulut venir à bout des régimes spéciaux. Il déclencha une série de grèves notamment à la RATP et à la SNCF et des défilés pendant plus de trois semaines. En 2003 Jean-Pierre Raffarin mit dans la rue plus de 2 millions de personnes lorsqu’il voulut aligner la durée de cotisation du public sur le privé. Dans les deux cas le gouvernement abordait ces déferlantes avec un projet bien ficelé.

Or, en ce 5 décembre la saison 3 des retraites s’ouvre sur un projet de loi qui n’existe pas encore, sur des rumeurs et des approximations. Nul ne peut en dessiner le déroulé, même pas Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites. Il s’en va de questions d’actualité au gouvernement, aux réunions avec les syndicats affirmant que l’exécutif a la volonté d’instituer un système universel par points à la place des quarante-deux régimes actuels. Comment va-t-il s’y prendre et comment la réforme va-t-elle entrer en vigueur ? Qui pilotera le nouveau système et quels avantages viendront compenser la pénibilité, le travail précaire et les congés de maternité ou parentaux ? Tout est dit et son contraire aussi.

De plus, le président de la République entretient volontiers un flou autour de ses choix.. Echaudé par la « crise des gilets jaunes », il voulait éviter d’apparaître comme celui qui, inflexible, impose : on peut dire que c’est raté. Jamais comme en ce moment il n’est apparu comme le patron omnipuissant mais isolé de la Macronie, mouvement pétri de contradictions, à la fois de droite et de gauche, incapable de maintenir l’équilibre entre les deux qui se déchirent ouvertement. L’incertitude est devenue générale et terriblement anxiogène. Le dernier sondage IFOP publié par le JDD témoigne du dilemme dans lequel se débattent les Français : 76% sont pour la réforme des retraites mais seuls 36% font confiance au gouvernement pour la mener à bien.

Aussi la rue et les grévistes, la base qui déterminera le rôle que pourront tenir les syndicats tranchera sous l’arbitrage impérieux de l’opinion publique Une épreuve de force s’ouvre. Du côté du gouvernement on espère trouver une brèche dans laquelle s’engouffrer, du côté de la rue on veut imposer ses muscles. De maladresse en maladresse le gouvernement qui voulait gouverner à une large majorité a réussi à ranimer la vieille habitude française de la conflictualité.

Françoise Cariès

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