Algérie : Une présidentielle dont le peuple ne veut pas

« L’armée veut s’assurer une continuité du pouvoir, comme celui-ci existait sous Boutéflika, mais c’est désormais impossible ». Vent debout depuis neuf mois contre le pouvoir, les Algériens sont appelés à voter ce jeudi pour une présidentielle dont ils ne veulent pas. Aucun sondage n’a été publié mais les observateurs s’attendent à une abstention massive. En pays berbère de nombreux maires ont d’ailleurs refusé d’installer des urnes. Les bureaux de vote à l’étranger ouverts depuis samedi ne sont pratiquement pas visités et les rares votants essuient des insultes. La diaspora traditionnellement conservatrice est cette fois contre le pouvoir en place.

Pilier du régime sous Boutéflika, le haut commandement de l’armée assume ouvertement le pouvoir depuis la démission de l’ancien président. Il a balayé les voies de transition proposées par l’opposition et la société civile pour réformer le régime, notamment la constitution qui a servi à légitimer le pouvoir d’Abdélaziz Boutéflika.

Les cinq candidats ( Abdelaziz Belaïd, Ali Benflis, Abdelkader Bengrina, Azzedine Mihoubi et Abdelmajid Tebboune) sont tous considérés comme des enfants du système, leurs meetings aux entrées filtrées et sous haute protection policière ont eu beaucoup de mal à remplir des petites salles.

Les petits de décembre

« Les petits de décembre », quatrième roman de l’écrivaine algérienne Kaouther Adimi, illustre admirablement l’histoire contemporaine de l’Algérie, son pays, quitté quand elle avait quatre ans, puis retrouvé en 1994, plombé par le terrorisme. Ce conte met en scène des enfants, deux généraux, une moudjahida à la retraite et une vieille folle aux cheveux rouges et la réalité de l’Algérie de Boutéflika et d’aujourd’hui..

Plus qu’un conte, le chant d’une révolte

Dely-Brahim, petite ville à l’ouest d’Alger, comme beaucoup d’autres du quartier, trois enfants, deux garçons et une fille, jouent au foot entre des cages de fortune sur le terrain vague planté au cœur de la cité du 11 décembre 1960 (date des grandes manifestations dans tout le pays pour l’indépendance de l’Algérie). Inès, Jamyl et Mahdi s’y retrouvent presque tous les jours .Ils sont des enfants ou petits-enfants de militaires. La Cité a été construite pour eux à la fin des années 80. Le terrain n’a jamais été aménagé, les rues qui irriguent le quartier non plus fortune..

Sur le terrain, en ce mois de février pluvieux, Mahdi, Jamyl et Inès ne craignent ni la boue ni les moqueries des adultes. Ils exultent, et se sentent même “voler”. Voilà que deux hauts gradés du régime, des généraux, débarquent devant le terrain, affublés d’un chauffeur armé d’un parapluie. Ils annoncent qu’ils viennent voir “leur terrain”, sur lequel ils projettent de construire “leurs villas”.

Le terrain de foot devient alors le théâtre de la résistance, celui d’une révolte orchestrée par les enfants. Mais “des dizaines d’enfants peuvent-ils lutter contre tout un système ?” La question est posée ) la société toute entière.

Kaouther Adimi campe une farce, les généraux et leurs femmes se ridiculisent , les enfants sont des héros. Mais derrière l’apparente légèreté du récit, c’est la violence du régime algérien, sa corruption, ses dysfonctionnements, l’incapacité de tout un système à se réformer, les dégâts des années de plomb et les désillusions des anciens que montre dans sa vérité crue la romancière.

L’écriture est simple, les phrases courtes q se succèdent dans une économie de mots. L’action occupe le devant de la scène , donnant au lecteur la liberté de se forger une opinion. La révolte des enfants figure de manière allégorique (même si l’histoire est inspirée de faits réels) l’espoir d’une relève, celle d’une génération qui saurait enfin réussir là où la génération précédente, a échoué.

Françoise Cariès

« Les petits de Décembre »

Kaouther Adimi

Le Seuil 248 pages 18 euros

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