Pierre Allorant
L’histoire politique retiendra-t-elle que pour la saint Valentin 2020, un ancien ministre, candidat à la mairie de Paris, a décidé de se retirer suite à la mise en ligne d’une vidéo pornographique ? L’usage des mœurs pour ruiner une carrière politique est très loin d’être une nouveauté : l’usage si habituel des maîtresses royales donnait lieu à une abondante littérature érotico-politique diffusée par les colporteurs à travers tout l’hexagone sous l’Ancien Régime.
Georges Pompidou /Wikipedia Eric Koch / Anefo
Bien plus tard, un président de l’Assemblée, André Le Troquer, a été mis en cause dans l’affaire des « ballets roses » sous la Quatrième République. Et comment oublier l’ignoble machination ourdie contre Georges Pompidou avec l’affaire Markovic et les montages photos grossiers destinés à ruiner l’honneur de son épouse ?
Mais loin de renoncer, Pompidou transforma sa rage en détermination féroce à écarter tous ceux qui l’avaient trahi, au premier rang desquels le Première ministre Maurice Couve de Murville. Il est vrai que les faits étaient ici totalement mensongers.
Mensonges, sexe et vidéo
Si une « sexe tape » a mis fin à la carrière de Valbuena et de Benzema en équipe de France de football, on a un peu oublié qu’avant de se fracasser sur une arrestation spectaculaire pour viol à New York, la candidature Strauss-Khan était menacée par l’épée de Damoclès de vidéos compromettantes détenues par le camp Sarkozy qui distillait la rumeur.
Salade russe. Le bazar de l’hôtel de ville
L’implosion de la campagne, mal engagée, de Benjamin Griveaux pour la mairie de Paris met en gerbe bien des ingrédients des dérives de notre vie publique. Après le saccage des permanences parlementaires, les attaques diffamatoires et les menaces de mort sur les réseaux sociaux – nos modernes réseaux d’égouts – voici venu le temps du chantage au déballage de la vie privée en «feuilletonnant » à l’instar des séries, et, suprême hypocrisie au nom de l’art et du dévoilement de la vérité. Décidément, cet « artiste » russe accueilli par la France républicaine a conservé une conception de la démocratie plus proche des méthodes de Poutine et des manipulations du FSB que des idéaux de 1789…
À court terme, quel que soit le replâtrage opéré à la hâte, on voit mal qui délogerait désormais Anne Hidalgo de son Hôtel de Ville.
Hiver en mars pour la Macronie
Quant aux échéances municipales désormais si proches, elles s’annoncent mal pour la macronie, impopulaire et désorganisée. Comment le Président de la République et son Premier ministre ont-ils pu si mal géré le capital électoral constitué dans les métropoles lors des Européennes ? Rappelons-nous, c’était hier : pendant que le RN prospérait sur fond de désespérance en campagne et dans les petites villes désertées par les services publics et les médecins, les grandes villes se donnaient aux deux nouvelles forces incarnant les catégories sociales supérieures : l’écologie et le libéral-progressisme.
L’attentisme et le refus de trancher les conflits de personnes à Paris, Lyon, Marseille ont abouti à la division et à la défaite annoncée. À force de coller ailleurs aux maires sortants de droite pour gagner des strapontins municipaux, « En marche » est devenu « asseyons-nous », « en même temps » s’est transformé en banal parti de droite, avec deux périls mortels : en perdant son aile gauche, Macron ne peut plus se targuer d’être le meilleur rempart contre le péril Le Pen, et la baisse significative du chômage ne suffira pas à faire oublier la cacophonie majoritaire. Dès mars 2020, l’électorat modéré risque bien de préférer, comme toujours, l’original à la copie en votant pour la droite classique.
N’en doutons pas : le message sera reçu 5/5 chez Xavier Bertrand et François Baroin. Des Hauts-de-France à la France d’en bas, une promesse de l’Aube pour la droite ? Quant à la résurrection de feue la gauche, il faudra encore patienter jusqu’à Pâques ou à la Trinité, à moins que les économistes français qui conseillent Sanders et Warren ne retraversent au plus vite l’Atlantique pour éclairer nos lanternes en berne.
Pierre Allorant