Ils veulent devenir maire d’Orléans : Chapuis-Tripet, le binôme

Portraits Municipales 2020 Orléans

Les 15 et 22 mars prochains les Orléanais auront le choix entre six listes et six candidats au poste de maire : Serge Grouard, Olivier Carré, Jean-Philippe Grand, Baptiste Chapuis, Nathalie Kerrien et Farida Megdoud. Leurs programmes, leurs listes sont désormais connus, des réunions publiques sont organisées, leurs engagements sont publics. Mais on connaît un peu moins les femmes et les hommes qui conduisent ces listes et dont l’une ou l’un sera fin mars la nouvelle ou le nouveau maire d’Orléans. Magcentre vous invite à les découvrir avec une série de portraits qui dépassent le simple cadre de l’engagement politique.

Si un seul visage (la tête de liste) émerge en priorité des listes municipales d’Orléans, pour celle du PS-PC et de l’Union de la gauche, c’est un duo qui apparaît clairement, avec Baptiste Chapuis pour le PS et Dominique Tripet pour le PC. Un couple politique soudé par l’engagement, avec des parcours de vie toutefois très différents. Portraits croisés.

Malgré une campagne municipale intense et des agendas chargés, Dominique Tripet et Baptiste Chapuis ont accepté pour Magcentre de se poser à l’heure du déjeuner afin de nous faire quelques confidences sur leur histoire respective.

D’emblée, on est frappé par la complicité réelle qui existe entre ces deux là. Pourtant ils ne militent pas dans le même parti, ne sont pas d’accord sur tout et sont arrivés en politique en empruntant des chemins très différents. 

 

Un engagement politique précoce pour Baptiste Chapuis et tardif pour Dominique Tripet

Baptiste Chapuis, 38 ans, loirétain d’origine (il est né à Neuville-aux-Bois) est tombé très tôt dans le chaudron de la politique pour ne plus en sortir. Le déclic se produit en 1998 (il a alors 17 ans) lors de  l’alliance entre la droite et le Front National dans les Régions : «J’ai manifesté pour la première fois dans les rues d’Orléans en scandant le slogan « Harang sors ! » (en référence à l’UDF Bernard Harang, élu président de la Région avec les voix du FN avant de démissionner quelques jours plus tard sous la pression médiatique). « Pour moi, ça a été un véritable électrochoc, mon acte fondateur de jeune militant, avec vraiment une colère. Mon engagement s’est fait au début beaucoup dans la rue, dans les manifestations. » Comme en 2002, ce sont d’abord les jeunes qui sont à la manœuvre en 1998 et Baptiste Chapuis s’engage alors auprès des jeunes socialistes du Loiret : « Ce sont eux qui s’occupaient du cortège jeunes. » Baptiste Chapuis est alors élève au lycée Charles Péguy d’Orléans, « un gros pourvoyeur à cette époque de futurs responsables politiques ! » (rire) Les jeunes socialistes eux sont déjà étudiants : « On m’a alors invité à créer une section syndicale UNL (Union Nationale Lycéenne) dans le Loiret. J’en suis devenu d’ailleurs le trésorier national quelques années après. Grâce à l’UNL, j’ai organisé les manifestations contre Claude Allègre et Jack Lang (deux ministres socialistes de l’Education Nationale sous Jospin, NDLR). En fait, j’étais plus à l’aise dans les manifs, sur les poubelles devant les lycées mais j’ai aussi appris à aller négocier dans le bureau avec Claude Allègre puis Jack Lang en tant que syndicaliste. »

Second électrochoc lors de la présidentielle de 2002

Baptiste Chapuis, tête de liste PS-PC “Faire respirer Orléans ©SD

Puis, il devient étudiant à son tour, à la fac de droit et en 2002, il s’occupe « naturellement » de la mobilisation du cortège étudiants dans les manifs anti-Le Pen de l’entre deux tours de la présidentielle à Orléans : « Comme je suis étudiant, j’ai un petit peu de temps (sourire). Je me souviens très bien, le soir du 21 avril, on est ici (à la Fédération du PS du Loiret, NDLR) et on décide à quelques-uns de se retrouver place du Martroi, de crier très fort et quand on revient ici, à minuit, une heure, au lieu d’aller se coucher, on décide de faire un tract. Et jusqu’à 4 heures du matin, on a fait une sorte de décryptage du projet du FN et pourquoi c’est dangereux. Bon, c’était un peu mal écrit et il y avait quelques fautes d’orthographe (rires) mais je l’ai encore à la maison. On le tire ici et dès le lundi matin, on est en mobilisation. Pour moi, c’est une semaine de partiels, j’y passe dix minutes pour rendre une copie et je retourne manifester. C’était très fort et je crois que ça a vraiment fédéré une génération qui s’est engagée à ce moment là. » Pourtant, curieusement Baptiste Chapuis ne vit pas la défaite de Jospin comme un échec : « Bien sûr, j’ai fait campagne pour Jospin, je faisais partie des 2002 jeunes identifiés partout en France pour le soutenir. Mais du coup la colère contre le FN a effacé un peu son échec. On n’a rien vu venir, les affiches du second tour étaient prêtes… »

J’ai été élu ” tout le temps “

Baptiste Chapuis reste néanmoins très engagé auprès des jeunes socialistes et devient  membre de leur bureau national, un engagement durable donc : « En fait, j’ai été élu tout le temps, en tant que lycéen, puis étudiant. » Pourtant, ses parents ne font pas de politique mais ils sont très engagés dans le bénévolat : « J’ai un engagement associatif depuis que je suis né (rires) à travers mes parents avec le Noël des Isolés, j’ai toujours connu ça. » Puis il ajoute, malicieux : « Je suis un bébé de 1981 ! »

Quand on l’interroge sur le sens de son engagement en politique, la réponse fuse, limpide : « J’avais envie de changer les choses en fait, vraiment, avec le petit côté idéaliste qu’on peut avoir à 17 ans. Du coup, j’ai mis du temps à m’intéresser aux enjeux de la politique locale. En 1998 et en 2002, je n’en avais rien à faire. Ce que je voulais, c’était battre le Front National, c’était les élections nationales qui m’intéressaient. Le combat local, j’y voyais pas d’intérêt vraiment, la campagne de 2001 (à Orléans, NDLR) je m’y suis intéressé mais de loin. »

Amour et politique font bon ménage

Même en amour, la politique n’est jamais loin. En 2006, il rencontre sa futur femme, Fanny, dans un amphi de la fac de droit au moment des manifestations contre le CPE : « Nous étions très fiers de bloquer la fac de droit d’Orléans, une première. Fanny était contre le CPE mais aussi contre le blocage de la fac. Du coup, on a argumenté l’un contre l’autre et c’est à ce moment là qu’on a appris à se connaître. » Ils ont aujourd’hui trois enfants.

Fidèle au PS envers et contre tout

Mis à part 1998 et 2002, Baptiste Chapuis évoque d’autres moments politiques forts auxquels il a participé : « La candidature de Ségolène Royal en 2007, avec une très belle campagne participative, où on réinvente plein de choses, on fait des réunions en rond, un peu en marge du PS avec les comités désirs d’avenir dont je fais partie. On a cassé les codes notamment lors du grand meeting de Charletty qui était extraordinaire. J’ai bien sûr ressenti une énorme déception après la défaite (…) Ensuite, les municipales de 2008 quand Jean-Pierre Sueur vient me chercher pour être son directeur de campagne et sur sa liste. Il m’a vu au moment du CPE et durant la campagne jeunes de Ségolène. » Ce qui lui vaudra d’être élu conseiller municipal d’opposition de 2008 à 2014. On le retrouve aussi en 2010 sur la campagne jeunes des Régionales aux côtés de Michel Sapin puis en 2012 avec François Hollande « mais sur le tard puisque j’étais responsable départemental pour Martine Aubry, dans la primaire ». En 2014, la gauche perd à nouveau les municipales à Orléans… dès le premier tour mais en 2017 il n’est pas pour autant tenté par Emmanuel Macron, « non, jamais ! »

Le choc des attentats de 2015

« La comparaison n’est pas forcément bonne mais c’est un peu ça quand même, à nouveau une grande colère comme en 1998, et très vite qu’est-ce que l’on peut faire. Je me rappelle la première manifestation spontanée le soir même du 7 janvier où nous étions déjà 2000 personnes place du Martroi. Et ensuite le rassemblement à Orléans contre l’antisémitisme après l’assassinat de Mireille Knoll le 23 mars 2018 mais avec peu de personnes. Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est cette absence de capacité d’indignation qui a commencé avec une certaine «banalisation » du Front National. Enfin, plus récemment, c’est ma fille de 8 ans qui m’a emmené à une manifestation pour le climat. »

D’adolescent militant à adulte plus ” posé

Cet entretien est aussi l’occasion pour Baptiste Chapuis de faire une sorte de bilan après 22 ans de militantisme : « Je suis peut-être aujourd’hui plus calme parce que j’étais quand même très remuant, j’ai organisé beaucoup d’événements dans la rue… Je suis à présent plus posé mais j’ai gardé ma capacité d’indignation. Comme Dominique d’ailleurs, c’est pour ça que l’on aime bien faire campagne ensemble parce qu’on se retrouve sur un certain nombre de combats et de valeurs. C’est aussi la particularité de notre liste puisque nous avons vraiment fait le choix du binôme. »

Dominique Tripet renchérit : « Ce binôme fonctionne bien parce qu’on est  complémentaires dans nos luttes et nos idées et non parce que c’est un homme et une femme. On se retrouve sur le militantisme, on a cette même vision de l’engagement. »

Dominique Tripet ©SD

Justement, pour  Dominique Tripet, 63 ans, l’engagement en politique est au contraire tardif, en 2008, à 51 ans, après une carrière professionnelle et syndicale à la Poste et à France Télécom, le tout en ayant élevé sept enfants « de pères différents », précise-t-elle en riant. Le déclic arrive en 2007, après l’élection de Nicolas Sarkosy. Dominique Tripet se souvient : « Je pestais devant mon poste – Y’en a marre, il est en train de bouffer tous nos droits et nos acquis sociaux.- ma petite dernière, qui avait alors 11 ans m’ interpelle – Maman t’es bien gentille, tu râles tout le temps devant ta télé, mais en fait tu fais quoi ? Et là je me suis dit : ” Mais elle a tout à fait raison, plutôt que  me plaindre, qu’est-ce que je peux faire ? Et avec qui ? ” »

Du coup, Dominique Tripet décide de s’engager dans la campagne municipale de 2008, à Orléans, auprès du Parti Communiste : « Ce parti , c’est celui que j’ai connu dans mon enfance mais dont je me suis éloignée ensuite. Je ne me reconnaissais pas en Robert Hue mais en Marie-Georges Buffet, si. Une femme qui a toujours lutté sans faille contre les violences faites aux femmes mais aussi pour la parité. Je l’ai rencontrée lors de sa venue en 2009 à Orléans, à l’époque de – Chantal, t’as pas oublié le Cantal ?– Un spot sexiste qui banalise les violences conjugales et les féminicides. Cette publicité a réactivé mon traumatisme, j’en ai vomi. »

Une femme meurtrie par des violences conjugales

Car si Dominique Tripet s’engage en politique plus particulièrement sur la question des violences faites aux femmes, ce n’est pas un hasard. Elle en a fait elle-même la douloureuse expérience lorsqu’elle vivait à Blois : « Je me suis fait réellement jeter d’une voiture par mon compagnon avec un sac sur la figure et les enfants qui hurlaient derrière, parce que j’avais osé mettre du vernis transparent. » Une violence qui l’oblige alors à changer de vie et de ville : « Quand j’ai pu prendre ma retraite anticipée le 1er octobre 1997, j’ai débarqué à Orléans dès le lendemain pour échapper à mon agresseur. Mais au début, j’étais un fantôme. Je ne voyais personne. Je conduisais mes enfants à l’école et je les ramenais à la maison, c’était tout. »

De plus, elle va avoir du mal à trouver une oreille compatissante, même auprès des médecins : « On tape à la porte de praticiens qui ne sont pas toujours les bons, voire qui vous enfoncent. Puis, vous avez le coup de chance de tomber sur la bonne praticienne. Celle qui vous écoute, vous épaule, ne juge absolument pas et réinterroge ce que vous êtes en réalité pour vous redonner confiance en vous et dignité. Parce que vous êtes détruite intérieurement, dévalorisée. On vous a dit à longueur de journée que vous n’étiez rien en tant que femme, en tant que mère. Et surtout c’est la double peine, quoique vous fassiez. Vous restez chez vous pour vous occuper des enfants, on vous dit : ” De toute façon, tu gagnes pas ta vie, t’es rien du tout. Tu vis grâce à mon argent, t’as rien à dire – Mais quand vous travaillez, c’est – t’es pas là pour t’occuper des mômes, c’est normal s’ils font des conneries. ” »

Retour sur les bancs de l’école

Dominique Tripet s’efforce aussi de prémunir ses enfants : « Vous devez poursuivre vos études et bien travailler en classe. » Mais parfois ce sont eux qui la  bousculent. Ainsi en 1999, quand elle demande à l’un de ses fils, alors en classe de 5ème, bon élève mais turbulent, de ne plus se faire remarquer, celui-ci lui rétorque : « C’est bien gentil de me dire tout ça, mais toi, t’as pas fini tes études, t’as pas ton bac, t’as rien du tout ! » Piquée au vif, elle passe un DAEU (diplôme d’accès aux études universitaires), puis en 2000 entre en fac d’histoire pendant deux ans : « Après, j’ai été obligée de me recentrer sur mes enfants qui avaient encore besoin de moi ! »

« Olivier Carré m’a laissée carte blanche »

Toutefois, dans son engagement politique, Dominique Tripet prend soin de dissocier son combat pour les femmes victimes de violence de son passé et de sa résilience : « Il ne faut surtout pas penser que l’on se répare soi en les aidant elles. J’ai commencé ma thérapie en 1997 et j’ai attendu 2008 avant de me lancer. »

En 2014, elle devient ainsi conseillère municipale d’opposition pour le PC. Ce qui n’empêchera pas le maire LR Olivier Carré, convaincu par sa connaissance du problème (et pour cause…) de lui confier en 2016 une mission pour trouver des solutions pour les femmes victimes de violence en partenariat avec le CCAS (centre communal d’action sociale) : « Je dois reconnaître qu’Olivier Carré m’a laissée carte blanche et que je n’ai jamais eu de bâtons dans les roues. Les services ont aussi joué le jeu et les gens se sont formés. » D’ailleurs, une maison d’accueil d’urgence pour les femmes va ouvrir à la fin du mois à Orléans.

« Avant #Me too, les victimes étaient silenciées »

Il faudra attendre 2018 et le mouvement #Me too pour que la parole des femmes violentées se libère enfin : « Il y a un avant et un après. Parce que, quand en 2007 j’ai commencé à essayer de raconter par petites touches ce qui vivaient ces femmes, on m’a répondu : ” Ce n’est pas parce que tu as vécu ça que toutes les femmes le vivent ! ” En fait, on me silenciait. Et toutes les victimes, on les silenciait, sans exception. On leur disait ” Quand même, tu devrais prendre sur toi, voire pire, qu’est-ce que tu as fait, qu’est-ce que tu as dit, comment tu t’es habillée ? ” Tout était bon pour culpabiliser la victime. Même quand les choses étaient insupportables ” Oui, il t’a frappée mais il avait bu. ” On arrivait quand même à trouver des circonstances atténuantes à l’agresseur ! Et donc, avec #Me Too, j’ai trouvé extraordinaire toutes ces jeunes femmes qui ont pris la parole, et qui ne se sont pas laissées faire, et ça, ça fait avancer les choses. De plus, ça montre une véritable visibilité dans notre pays, de ce qu’est le sexisme, le machisme, la domination masculine. » Un mouvement qui a aussi le mérite, selon elle, de changer le comportement des hommes : « Je trouve bien que dorénavant des hommes se posent en alliés, et je dis bien en alliés, parce que certains ont des positions très justes. En revanche, ce qui me fait tiquer, c’est quand un homme qui se revendique un féministe de la première heure, est en fait un agresseur. On en trouve même dans les partis politiques, de droite comme de gauche ! »

Et même si l’on a bien compris que les femmes restent son cheval de bataille (leur programme de campagne comporte 12 mesures sur la place des femmes dans la ville) ,Dominique Tripet a bien sûr d’autres combats politiques : « La pollution, la gratuité des transports en commun, les pistes cyclables, le logement, la précarité, notamment celle des jeunes. »

Quelle mesure prioritaire pour le mandat à venir ?

Pour terminer ces portraits, revenons aux municipales avec une mesure prioritaire. Pour Baptiste Chapuis, c’est la gratuité dans les transports en commun « dans un premier temps pour les moins de 26 ans, les retraités et les personnes précaires, puis en fin de mandat la gratuité pour tous, avec à la place des contrôleurs, des agents de médiation pour sensibiliser au bon usage des transports ».
Dominique Tripet, sans surprise, espère, elle « mettre en place rapidement un dispositif pour les agresseurs en les sortant du domicile familial dès la première violence et avant qu’ils ne deviennent des assassins ».

Sophie Deschamps

Retrouvez le programme de la liste Faire respirer Orléans ici 

Commentaires

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  1. Un binôme ou culte de la personnalité ? C’est la seule liste sans photo de l’ensemble de l’équipe !

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