En attendant la Métropole

Derrière les élections, la clarté démocratique

Pierre Allorant, doyen de la faculté de droit d’Orléans et historien

En 2014, la campagne pour les élections municipales avait permis la timide émergence de la question du conseil d’agglomération, avec, dans chaque commune membre, le fléchage sur les bulletins des candidats destinés à siéger à l’échelle intercommunale.

Pour beaucoup d’observateurs, ce premier pas était annonciateur du proche passage à l’élection directe du conseil de la communauté.

Déficit démocratique

La mutation opérée par l’accès au statut de métropole, avec des compétences et un budget élargis, a rendu encore plus urgent cette évolution démocratique indispensable pour restaurer clarté des choix et des liens entre décideurs et citoyens. Or, la « drôle de campagne » de mars 2020 évoque très peu ce saut qualitatif et le regard des médias reste, comme depuis deux siècles, rivé à « l’élection du maire », en réalité à la seule désignation des membres des conseils municipaux qui choisiront librement la semaine suivante l’exécutif de chaque commune.

Demandez le programme

Ainsi, dorénavant, les grands clubs sportifs, l’université, les entreprises de travaux publics ou délégataires des grands services publics ont pour principal interlocuteur une métropole dont les choix stratégiques ne seront pas soumis explicitement à l’avis des électeurs. Bien sûr, certains programmes des candidats aux municipales évoquent, par exemple, les projets universitaires, les grands équipements sportifs et culturels, le prolongement du tram, une fourche à Coligny vers Saran ou bien une nouvelle ligne circulaire. Mais la décision et le financement ne relèveront pas d’une seule commune, même capitale régionale, et ces choix décisifs ne seront soumis qu’aux élus communautaires.

Déficit d’incarnation ou de transparence ?

Plus frappant encore : alors que l’élection municipale se concentre de plus en plus sur le choix d’une femme ou d’un homme et que les conflits de personnes ont scandé la fin de vie – pas toujours dans la dignité – du conseil municipal d’Orléans, le plus grand flou entoure l’incarnation proposée pour présider la métropole.

Or, la question est légitime de savoir non qui sera président – le respect des électeurs et des communes membres s’impose effectivement – mais qui ambitionne d’y postuler, à Orléans comme dans les autres communes. Cette exigence démocratique minimale est d’autant plus logique que le passage à la métropole a été porté par la quasi-unanimité des forces et leaders, y compris au Parlement.

De plus, si le souci de non-cumul devait l’emporter, induirait-il une démutualisation des services, à rebours des efforts de rationalisation effectués depuis 2017pour la métropole ?

Quant aux équilibres territoriaux internes au ressort métropolitain, le poids des élus communautaires d’Orléans (34/95) est important, mais pas écrasant. Il oblige à des compromis avec d’autres grandes communes (Olivet et Fleury, ou pour la gauche, Saint-Jean-de-Braye, Saint-Jean-de-la-Ruelle voire Saran). Sur quelle base programmatique ou de mode de gouvernance ? Les électeurs ne le sauront pas, ils voteront les 15 et 22 mars en partie à l’aveugle.

Paris, Lyon, Marseille :
Paris vaut bien un arrondissement, le paradoxe lyonnais et l’effondrement de Marseille

La situation de la métropole d’Orleans est-elle comparable à celle de Paris, Lyon ou Marseille ? Les sondages qui se focalisent sur la course à la mairie centrale de Paris n’ont guère de sens, sauf à détecter une dynamique, tant les résultats dépendront des résultats internes aux arrondissements les plus peuplés, les swinging states qui font l’élection (12ème, 15e, 17e…). Bertrand Delanoë est là pour témoigner, fort de son expérience de 2001, qu’on peut gagner la mairie centrale sans obtenir la majorité des suffrages. Au demeurant, au second tour voire au troisième, au sein du Conseil de Paris, David Belliard et Cédric Villani joueront les faiseurs de roi – en l’occurrence de reine.

Lyon présente un cas à part avec la double élection du maire et du président de la métropole et la possibilité d’un résultat paradoxal : une victoire de Gérard Collomb à la métropole, mais une perte de la municipalité au profit des Verts ou de LR.

Enfin Marseille, sur fond de faillite financière et morale d’une gestion où l’intérêt de bien des habitants, surtout les jeunes et les pauvres, a été délibérément oublié, pourrait plébisciter sa double présidente du département et de la métropole, dans des conditions de légalité de la communication institutionnelle discutables.

Détricoter les Noirs désirs

Dans les 22 métropoles, ne regarder que la course à la mairie risque de faire passer à côté de l’essentiel, et pire, d’aggraver le malentendu démocratique en masquant aux citoyens les enjeux majeurs.

Puisque nous sommes au milieu de l’autre série française de l’année – bien moins talentueuse que le cultissime Baron noir – mais basée sur une histoire vraie, « Pénélope, la petite épistolière des lettres de mon château », imagine-t-on le général de Gaulle se présentant anonymement à une élection ? La question mérite examen.

S’en laver les mains

Le moment de ce quinquennat tourne vite et l’heure de vérité démocratique viendra, après le rendez-vous territorial du printemps 2021, en 2022. Raison de plus pour ne pas alimenter la pandémie de défiance complotiste, du « on nous cache tout », excepté le voyeurisme sur la vie privée étalée des puissants. Attention, danger. Et personne ne pourra s’en laver les mains.

Chronique de Pierre Allorant

Commentaires

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  1. Enfin ! Je trouve à travers les propos de M. Allorant la question que je me pose depuis le début de cette campagne des municipales (et des précédentes également) : Qu’en est-il de Métropole ? Habitant Olivet, j’assiste impuissant aux échauffourées des candidats maires d’Orléans, amis de trente ans ! Et je regarde le programme du maire sortant d’Olivet, qui semble percevoir sa commune comme un village isolé au milieu de la Sologne ! Or les communes de notre agglomération sont toutes étroitement imbriquées les unes dans les autres. Tel habitant du côté gauche de la rue Basse Mouillère est habitant d’Orléans tandis que son voisin d’en face est d’Olivet ! Personnellement je réside plus près de la place de l‘Indien à la Source que de la place Louis Sallé ! Il m’importe donc de connaître la politique qui sera menée au niveau de la métropole. Mais ces élections ne me permettent pas de voir au-delà du périmètre de ma commune ! Quel candidat osera envisager une fusion des communes formant aujourd’hui la métropole, ou, pour le moins, engager une étude sur les avantages et les inconvénients d’une telle opération ? Les villes allemandes comme Brème ou Nuremberg l’ont fait et c’est ainsi que ce pays compte 11 000 communes contre les 35 000 en France, tandis que la Grande Bretagne en compte 10 000, l’Espagne et l’Italie 8 000. Quelle gabegie administrative ! Que d’argent, d’énergies, dépensés !

  2. Enfin une analyse de la vraie situation des pouvoirs des municipalités par rapport à ceux de la Métropole, pertinente en termes généraux mais manquant d’objectivité concernant Orléans . Elle laisse en effet penser que tous les candidats seraient également indifférents à cette question alors que si certains demeurent muets et que d’autres s’engagent à ne pas postuler à la Présidence de la Métropole, Olivier Carré et c’est le seul comme rapporté à plusieurs reprises par la presse, assume sa volonté, s’il est élu maire de la ville centre , de se présenter au suffrage des 21 autres maires pour la dite présidence.
    Vraiment dommage, un silence qui nuit aux qualités pédagogiques de la chronique de Pierre Allorant. . . .

  3. Article très juste, pour désigner une composante essentielle de la fragilité de la démocratie locale : les citoyens ne savent pas pour quoi – et qui – ils votent.

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