[Tribune] Populisme et démagogie

Dr Jean Paul Briand

Le terme populisme est devenu péjoratif. Certains relient populisme avec dénonciation et protestation, d’autres l’identifient à un nationalisme identitaire et xénophobe, beaucoup l’associent au rejet des appareils politiciens et des élites économiques et culturelles.

La spoliation des droits démocratiques engendre le populisme

Dans une démocratie, le principe d’égalité entre individus est absolu, mais nécessitent des réajustements périodiques que permettent les élections. Certains se sentent opprimés car privés de cette possibilité d’émettre un avis dans la conduite de la collectivité à laquelle ils appartiennent. Que ce soit au niveau européen, dans leurs communautés nationales ou au sein des territoires, ils souffrent de n’être jamais entendus ou pris en compte dans leur spécificité. Nombre de citoyens estiment qu’ils sont traités avec dérision et indifférence, que l’on se moque de leurs attentes, de ce qu’ils vivent au quotidien. La perception d’une arrogance méprisante, d’une déconsidération dédaigneuse de leur identité, nourrissent le rejet des élus, font le lit de l’abstention et du populisme. La conviction d’être spolié de ses droits démocratiques engendre le populisme.

L’absence de démocratie génère le populisme

Les populismes se construisent sur ce ressentiment et cette indignation. Ceux qui récupèrent et font fructifier cette amertume et la convertissent en colère, s’imaginent que le populisme est le traitement curatif des souffrances des exclus et mal-aimés. C’est en réalité l’authentique symptôme d’un déficit démocratique. Les organisations politiques populistes capitalisent sur le malaise dû à cette impression de dépossession de ses droits, d’être ignoré et méprisé. Il est alors facile de promettre de gouverner autrement, d’écouter le bon sens populaire, de dénoncer et d’écarter les professionnels de la politique. Ce sont les situations de crise démocratique qui créent le populisme. Ce sont les manques de concertations, les choix technocratiques déconnectés de la réalité, l’absence de transparence dans les décisions politiques, qui font prospérer le populisme et la crise de confiance vis à vis de la classe politique dirigeante. C’est l’absence de démocratie qui génère le populisme.

Le populisme pervertit la démocratie

Le mot « démocratie » provient étymologiquement de « dèmos »  qui signifie peuple et de « cratos » qui renvoie à la notion de pouvoir. Abraham LINCOLN a affirmé : « La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Il semble donc logique d’imaginer que dans une démocratie, où le peuple a sensément le pouvoir, que les termes populisme et démocratie puissent se confondre. Le mot « peuple » a une charge symbolique intense et il existe une mythologie de la notion de peuple. Or, il n’y a pas de destins communs et universels. Le peuple est constitué d’un ensemble d’individus dissemblables ayant des intérêts contrastés, multiples et parfois opposés. Dans un même peuple, certaines de ses composantes en excluent d’autres, tout autant légitimes à en faire partie. Politiquement un peuple est un agrégat de multiples groupes humains aux orientations variées et différentes. Le populisme refuse cette réalité et considère de façon fantasmatique qu’il y a une unité du peuple. Il prétend avoir le monopole de la représentation politico-morale de cette entité imaginaire uniforme et homogène. Le populisme a une conception du peuple incompatible avec le pluralisme démocratique. Il refuse la diversité des opinions. Pour le populisme, le peuple est forcément souverain et pur. Toute contestation est considérée comme une anomalie, une déviance voire une forfaiture qu’il faut punir. Le populisme pervertit la démocratie car il n’accepte pas le droit au pluralisme des opinions et à l’opposition.

La démagogie est l’arme du populisme

Dans les mouvements populistes émerge toujours une figure de proue. Le meneur populiste affirme savoir ce que le peuple veut car il se prétend toujours en être issu. Sans ce guide héroïque, sans pouvoir fort et des médias de masse complaisants, le populisme ne peut subsister. De nos jours, pour s’imposer, le leader populiste doit être un tribun médiatique, un « bon client » télévisuel, au langage percutant, théâtrale, non politiquement correct. Il ne craint pas les outrances verbales et de mentir. Il lance des formules chocs, des attaques ad hominem. Il manie la mauvaise foi, la rumeur et la provocation. Pour susciter une adhésion irrationnelle et empêcher de penser par soi-même et toutes critiques, les responsables populistes fabriquent des boucs émissaires : Les migrants mexicains pour le Président américain Donald Trump ; l’Europe pour le Premier ministre anglais Boris Johnson ; l’étranger et les musulmans pour Geert Wilders, patron de l’extrême droite néerlandaise ; les castes dirigeantes pour les « gilets jaunes » ; les noirs, les femmes et les homosexuels pour le Président brésilien Bolsonaro… A partir de ce bouc émissaire le populiste construit un discours démagogique simpliste, qui flatte les instincts et les émotions. Les partisans séduits par ce discours doivent se comporter en membres de fan club pour satisfaire la soif de pouvoir personnel du maître à penser. Un chef de parti populiste est constamment démagogique. La démagogie est l’arme idéale afin de s’accaparer du pouvoir et saccager la démocratie.

« Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles », constate Charles Peguy.

Jean-Paul Briand

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