Du fond de ce coffre quatre siècles vous contemplent…

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Article publié le 2 avril 2015 dans la rubrique Conférence

Ce mercredi soir, la conférence des Amis des Musées d’Orléans était consacrée à l’histoire du coffre de Mazarin récemment acquis lors d’une vente aux enchères à Cheverny, par le Rijksmuseum d’Amsterdam, pour la coquette somme de 7,3 millions d’euros ! (voir Magcentre)

S’il est sans doute difficile de traduire par écrit la passion et la verve de notre narrateur, Me Philippe Rouillac lui-même, commissaire-priseur bien connu, qui découvrit et vendit le fameux coffre, l’histoire de cet objet qui traverse quatre siècles et quatre pays, mérite d’être rapportée…

PANNEAU FRONTAL 1

Panneau frontal: le Dit du Genji

Tout commence bien sûr par un coup de fil à Me Rouillac, d’une personne souhaitant vider une maison de famille mise en vente dans la région. Le mobilier décrit semble sans grande valeur, et Me Rouillac éconduit poliment son interlocutrice, qui insiste néanmoins, à propos d’une horloge hollandaise et finit par convaincre notre commissaire priseur à se rendre sur les lieux. La pendule hollandaise est une copie sans grand intérêt, et la propriétaire déçue et gênée propose à son visiteur alors de goûter un vieux whisky dont son père, qui vécut en Angleterre, était un fin connaisseur, hésitation puis acceptation par politesse… et notre hôte ouvre alors un coffre où sont soigneusement rangées ses apéritifs, le “coffre à papa”, précise-t-elle, proposé à quelques brocanteurs qui n’en voulurent pas !

Une incroyable découverte

Et l’incroyable se produit alors, Me Rouillac se souvient immédiatement, en voyant ce pauvre coffre à apéritif, de la carte postale d’un coffre identique (en réalité plus petit), carte achetée, lors d’une visite, encore adolescent, au Victoria and Albert Museum de Londres: il s’agit sans aucun doute de l’un des coffres japonais en laque ayant appartenu à Mazarin !

Panneau arrière, Fleurs de magnolias et oiseaux

Panneau arrière, Fleurs de magnolias et oiseaux

Attardons-nous sur ce coffre: 9 m² de panneaux en laque (quand on sait que les plus beaux objets en laque du Japon détenus par les musées français font quelques centimètres carré), dont on estime la réalisation à 12 ans de travail par environ 20 artisans. Un chef d’œuvre  qui mêle feuilles d’or et d’argent, poudre d’or et d’argent, incrustation de nacre, de coquillage, de perle rehaussé de clous d’argent, une maitrise extraordinaire de scènes représentant d’innombrables  personnages, animaux, végétaux et paysages du Japon: voir le détail de la description sur le site de Me Rouillac.

Histoire d’un meuble

Mais comment ce meuble d’exception finit en “bar à papa” ? A l’origine, ce sont des marchands hollandais, les seuls à commercer alors avec le japon qui achètent quatre coffres issus du mobilier impérial, coffres en laque offerts à la fille du Shogun pour son mariage, les conditions de la transaction sont inconnues mais peu de temps après l’empereur du Japon interdira toute exportation, sous peine de mort, d’objets en laque. (Le deuxième de ces coffres est donc à Londres, le troisième, démembré, à Berlin et le quatrième reste à retrouver…)

Le Cardinal Mazarin, collectionneur d’art insatiable (il déclara sur son lit de mort “Le plus dur, c’est de laisser tout ça !”) fait acheter le coffre aux enchères à Amsterdam en 1658, et trois ans plus tard, à la mort donc de Mazarin, c’est le roi de France Louis XIV qui hérite de l’immense collection, et bon prince, le roi laisse à Hortense Mancini, nièce du Cardinal, le fameux coffre. Le coffre reste en France jusqu’à la Révolution Française, il est alors vendu en Angleterre et le dernier propriétaire connu, sir Gory cherche à le céder en 1940. Mais Londres subit alors l’implacable bombardement aérien de l’Allemagne nazie, et le précieux coffre disparaît sans laisser de trace…Aurait-il brûlé ? ou peut-être le frère de l’empereur japonais Hirohito, présent à Londres pour raisons diplomatiques, a-t-il voulu récupérer ce meuble symbole du génie japonais, à l’ambassade du Japon qui fut ensuite pillée ? Le mystère reste entier sur une trentaine d’années quand le coffre réapparait dans un luxueux appartement londonien, loué à une famille française expatriée, qui ayant pris ce coffre “à bouteille” en affection, décide de l’acheter à son bailleur pour 300 pounds (15 000 Francs d’alors !) et de le ramener en France, on connaît la suite…

Et désormais, ce coffre en laque du Japon, sans doute l’un des plus beaux meubles au monde, trône au Rijkmuseum, à côté de la salle des vingt Rembrandt, dans une cage de verre blindé, couvercle fermé, présenté non restauré, en attendant que le bois se stabilise.

Gérard Poitou

http://www.amismuseesorleans.com/

 

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