Deux petits Savoyards au Musée des Beaux Arts d’Orléans

Alors que les salles du XIXe siècle voient leur rénovation en cours retardée pour cause de confinement, le Musée des Beaux Arts continue d’enrichir ses collections et vient d’acquérir un tableau que la directrice du Musée, Olivia Voisin considère comme “l’une des stars des cimaises” de ces futures salles rénovées: Savoyards avec un chien et un singe, 1831 du peintre Louis-Toussaint Rossignon. Hasard d’une vente chez Sotheby’s à Londres, mais pas vraiment, un prix très en dessous de la cote et un soutien financier des Amis des Musées d’Orléans ont permis cette acquisition importante d’un tableau qui s’inscrit dans cette représentation de la misère, tradition picturale qui nous rappelle le peintre espagnol Ribera, mais qui fut aussi très en vogue au XIXe siècle notamment avec le peintre orléanais Antigna que le Musée d’Orléans honorera d’une grande rétrospective en 2021.

Louis Rossignon (1781-1881)
Savoyards avec un chien et un singe, 1831
Huile sur toile – 65 x 54,6 cm
Orléans, Musée des Beaux-Arts
Photo : Sotheby’s

Et puis comment ne pas “craquer” devant cette scène représentant ces deux jeunes Savoyards, déambulant l’air un peu perdu dans cette ville de Paris qu’ils semblent découvrir avec leur curieuse ménagerie, devant cette représentation de la pauvreté encore emplie de la bienveillance de l’artiste…

Interview d’Olivia Voisin, directrice des Musées d’Orléans

MC Pourquoi cette acquisition et que représente-t-elle pour le Musée des Beaux Arts d’Orléans ?

Olivia Voisin photo La Tribune de l’Art

C’est une acquisition dont je rêvais depuis très longtemps mais le prix n’était alors pas du tout celui de cette vente, c’est une œuvre qui avait été retrouvée en 2010 et qui avait été pas mal médiatisée à l’époque parce qu’elle était restée dans la même collection depuis le XIXe siècle. Le commissaire priseur qui l’avait retrouvée à Royan était très fier de cette découverte d’un tableau exceptionnellement dans son jus et le tableau avait été alors vendu très cher, aux enchères il avait atteint 30.000 €, acheté par une grande galerie londonienne et le tableau devait être revendu ensuite trois ou quatre fois plus cher. Le meilleur prix que pouvait faire la galerie était de 100.000 €, autant dire que c’était trop beaucoup trop cher pour nous.

Et puis l’opportunité s’est présentée lors d’une vente par internet ?

Je gardais la conviction que ce tableau était pour nous à Orléans et il se trouve que cette galerie  a organisé une vente chez Sotheby’s à Londres de 100 tableaux qu’elle avait en stock en comptant sur le marché pour faire du vide et une rentrée d’argent. Nous nous étions positionnés sur deux tableaux, le premier nous ne l’avons pas eu, mais pour celui-ci nous étions prêts à aller beaucoup plus haut pour ce tableau qui a vraiment sa place à Orléans, à mon sens, pour deux raisons: la première est liée à Antigna.
Antigna, peintre orléanais, qui va devenir à partir de 1850 un des grands chantres de la pauvreté, va faire partie de tous ces artistes qui vont nourrir leur production autour du thème de la misère, Dans le même temps, Antigna s’inscrit dans une tradition puisque dès ses débuts, dans les années 1840, il va lui aussi peindre des petits Savoyards.

Et deuxième raison, ces Savoyards représentent un thème iconographique très à la mode depuis les années 1820 et nous n’avions pas d’œuvre au Musée de cette période pour illustrer cet ascendant. C’était d’autant plus dommage que nous avons un fonds 1820 1830 important avec le peintre Léon Cogniet. Ces petits Savoyards viennent donc s’inscrire ainsi dans un enrichissement des peintures de la Monarchie de Juillet.

Et qui est le peintre Louis Rossignon ?

Dans ces années 1820, il y a toujours des artistes qui vont fonder toute leur carrière sur la scène officielle et puis il y a ceux qui vont profiter de l’essor du marché de l’art pour travailler en dehors des Salons, c’est le cas de Delaperche quelques années plus tôt qui est totalement absent du Salon alors qu’il produit énormément, et c’est aussi le cas de Rossignon un artiste né en 1781 qui est déjà un vieux de la vieille, il a cinquante ans quand il peint ce tableau, mais  il a su prendre le tournant en 1820 avec cette nouvelle école. Il va savoir se fondre avec les sujets de la mode romantique et par là, si c’est un artiste que l’on connaît malgré tout assez mal, on peut, à travers ce tableau des Savoyards, parler de ces salons qui avaient lieu certes à Paris mais aussi en dehors, un marché de l’art dans lequel Antigna va également s’inscrire après avoir débuté avec les Salons.

Quelle sera la place de ce tableau au Musée des Beaux Arts ?

Ce tableau, qui se suffit à lui même, sera l’une des stars de nos cimaises des salles XIXe, et l’ on peut aborder énormément de thèmes autour de la naissance de cette iconographie de la misère, iconographie qui donnera lieu à notre prochaine exposition “Les Misèrables” (qui risque malheureusement d’être reportée de quelques mois). Cette exposition permettra de voir ce que le peintre Antigna va apporter à cette iconographie et en même temps nourrir cette peinture de la Monarchie de Juillet qui est bien représentée au musée autour du peintre Léon Cogniet et de la période Louis Philippe, peinture qui occupera deux salles dans la rénovation des salles du XIXe siècle.
Le thème des savoyards va ainsi devenir un thème très à la mode tout au long du XIXe siècle, Louis Philippe avait acheté un des premiers tableaux d’Antigna, aujourd’hui perdu, sur le même sujet. On est avec ce tableau vraiment dans la peinture de 1820-1830, avec ce petit singe qui fait la tête sur le dos du chien à ses deux maîtres dans ce décor de Paris, c’est un détail extrêmement savoureux et  j’ai craqué pour ce tableau dont la place est évidemment à Orléans.

Propos recueillis par Gérard Poitou

Pour en savoir plus: https://www.latribunedelart.com/des-petits-savoyards-arrivent-au-musee-des-beaux-arts-d-orleans

 

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