Le difficile déconfinement pour les personnes mal-voyantes

Les personnes handicapées ont été un peu oubliées, il faut bien le dire durant le confinement. Mais que l’on ne s’y trompe pas, le déconfinement n’est pas simple non plus pour elles, notamment pour celles qui sont  malvoyantes. C’est en tout cas ce que confirme Bruno Gendron, président de la Fédération des Aveugles France Val de Loire.

Bruno Gendron, président fédération Aveugles France Val de Loire © SD

Avant toute chose, comment avez-vous vécu le confinement ?

Bruno Gendron : Paradoxalement, je l’ai bien vécu, d’abord parce que j’ai pu travailler dans mon jardin et que j’ai une maison où il y a de l’espace. Ensuite, je suis sorti tous les jours avec des conditions de déplacement finalement bien plus faciles en tant que déficient visuel parce qu’il y avait moins de monde dans les rues, donc moins de personnes le nez rivé sur leur portable et qui vous foncent dedans. Moins de voitures également, garées n’importe où…En revanche, je sais que ça a été difficile pour certains déficients visuels adhérents de l’association parce que le confinement a renforcé leur isolement. 

Est-ce que la Fédération a fait des propositions pour une meilleure prise en compte des personnes malvoyantes durant le confinement ?

Oui, nous avons notamment rendu accessible l’attestation de déplacement papier du gouvernement sur notre site. Mais très vite, le Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées nous a dispensés d’attestation.Et saluons l’attestation numérique qui a été d’emblée accessible. Pour l’enseignement à distance c’était compliqué pour les enfants déficients visuels, certains outils dont Pronote n’étant pas accessibles et si les parents sont aussi malvoyants c’est impossible de l’utiliser. C’est d’ailleurs un gros problème que l’on soulève depuis longtemps et on espère que cette crise va permettre des ajustements. Une autre difficulté a été de trouver de l’aide puisque les personnes qui le faisaient habituellement étaient confinées. Donc, au sein de la Fédération, on s’est réparti notre centaine d’adhérents afin de pouvoir les appeler au moins une fois par semaine afin de prendre de leur nouvelle et leurs proches ont pris soin d’eux. Aujourd’hui, ce que nos adhérents nous demandent c’est de reprendre les activités de l’association parce que c”est important pour eux d’être à nouveau ensemble.

Bruno Gendron, président de la Fédération des Aveugles du Centre-Val-de-Loire © SD

Justement, le déconfinement est-il aussi un défi pour vous?

Oui, parce que nous avons des ateliers qui ne souhaitent pas reprendre avant septembre, ce que je comprends tout à fait. De plus, le plus gros challenge pour nous c’est le respect des distances physiques parce que nous percevons difficilement à quelle distance nous nous trouvons des autres personnes. Cela vaut pour les files d’attente à la boulangerie comme ailleurs, il faut vraiment que les gens se signalent parce que le marquage au sol par exemple n’est pas du tout sensible pour les déficients visuels. Pour y remédier, moi par exemple, dans les commerces je demande si je peux entrer.

Et puis, il y a un sens qui est privilégié par les aveugles et les mal-voyants c’est celui du toucher donc pour nous aujourd’hui c’est très compliqué. Pour la technique de guidage par exemple, la personne mal-voyante prend le coude de la personne voyante. On peut toutefois continuer à le faire à condition de respecter les règles de sécurité, notamment se laver les mains avant et après et que les deux personnes portent un masque, bien sûr. 

Vous avez été prioritaires pour la livraison de masques à votre fédération ?

Non, nous n’avons pas été prioritaires mais l’ARS (Agence Régionale de Santé) a livré l’établissement médico-social (service d’accompagnement à la vie sociale pour adultes) que nous gérons mais pour les particuliers non. Mais de notre côté, nous nous sommes assurés que tous nos adhérents ont des masques, mais aussi qu’ils se lavent les mains correctement.

Est-ce que parmi vos adhérents certains ont peur du coronavirus ?

Oui certains ont peur. La plus grosse angoisse pour eux c’est de reprendre les transports en commun. Moi même pour l’instant je refuse de les reprendre à cause de la distanciation mais aussi du fait que l’on peut poser la main par inadvertance sur la main de quelqu’un d’autre sur les barres d’appui. Du coup, ça limite mes déplacements.

Enfin estimez-vous que ce confinement a eu aussi des effets positifs pour la vie d’après comme on dit ? 

Disons que je fais partie des utopistes qui rêvaient qu’il y ait des prises de conscience. Et depuis le déconfinement, il me semble que malheureusement on a retrouvé ce qui existait avant. Les gens ne se regardent toujours pas et recommencent à nous foncer dedans. Je retrouve à nouveau des voitures mal garées. Donc, j’ai peur que la vie d’après soit pire que la vie d’avant. J’ai l’impression que les égoïsmes se renforcent. Il y a parfois des attitudes de gens qui même face à une canne blanche ne comprennent pas que l’on s’approche d’eux, alors qu’on ne le fait pas exprès. Les vélos c’est bien, mais on aimerait qu’ils roulent sur les endroits autorisés et pas sur le trottoir et a minima qu’ils fassent attention aux piétons. Mais moi je prédis que si j’ai un accident ça sera avec un vélo. 

Propos recueillis par Sophie Deschamps

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