La mémoire retrouvée de la guerre de 1870

La guerre de 1870 est, il faut bien le dire un conflit oublié sauf quelques images fortes comme le départ de Gambetta de Paris en ballon pour Tours, Napoléon III vaincu à Sedan, La Commune et son impitoyable répression, la naissance de l’Allemagne moderne à Versailles dans la galerie des glaces, et bien sûr la perte de l’Alsace-Lorraine.

Livre Guerre 1870 © SD

Toutefois, la mémoire de cette défaite de la fin du XIXème siècle resurgit enfin comme en témoigne un important colloque qui a réuni de nombreux experts à Orléans les 6 et 7 juin 2016 à l’Hôtel Dupanloup. Le livre 1870, entre mémoires régionales et oubli national, se souvenir de la guerre franco-prussienne en est le prolongement et reprend donc les grandes interventions de ce colloque sous la direction de trois professeurs d’histoire contemporaine Pierre Allorant, Walter Badier et Jean Garrigues.    

Dans son introduction générale, Pierre Allorant, explique que cette guerre a été « recouverte par l’écran des deux guerres mondiales » tandis que Jean-Noël Jeanneney, l’un des contributeurs de ce colloque en rappelle « la portée et l’influence ultérieure sur le destin de la France », tout en soulignant que l’évolution des mœurs, les progrès scientifiques et les formes mêmes de cette guerre nous la rendent lointaine, ajoutant « les barbaries du XXème siècle faisant apparaître celle-ci, quel que soit le sang versé, presque comme artisanale ».

Une guerre qui a fait de nombreux morts dans notre région, notamment dans l’Eure et Loir et le Loiret. Ainsi à Orléans, place de la Bascule,  un monument commémore la bataille du 11 octobre 1870. La carte postale reproduite ci-dessous présente le monument,  photographié avant la Première Guerre mondiale avec ce descriptif : « En ce lieu, sous le feu d’un effroyable bombardement, 6 000 français de l’Armée de la Loire, se dévouant pour la défense d’Orléans et l’Honneur de la France, ont arrêté et refoulé jusqu’au soir le choc de 45 000 Prussiens : 300 payèrent de leur vie cette résistance héroïque. »

Monument commémoratif guerre 1870 – Contrairement à l’inscription sur la carte postale, il s’agit du monument aux morts des Aydes à Saran © DR

De fait, le Loiret et l’Eure-et-Loir font partie des départements qui possèdent de nombreux monuments aux morts, érigés suite à ce conflit qui a fait 139 000 morts en France (combat ou maladie) et 51 000 côté allemand. Autre lieu de mémoire dans notre région, le musée de Loigny-la-Bataille qui vient de rouvrir ses portes. Cette guerre “oubliée” passionne aujourd’hui de nombreux historiens dont on l’a vu, Pierre Allorant. Il a bien voulu répondre à trois questions : 

Pierre Allorant, historien © DR

Pourquoi ce titre 1870, entre mémoires régionales et oubli national ?

Pierre Allorant : Le titre souligne un paradoxe : la « grande défaite », si douloureusement ressentie dans l’opinion française jusqu’en 1914, a été effacée de la mémoire nationale, d’abord par le traumatisme de la « Grande Guerre », puis par la débâcle de juin 1940 et l’occupation. Elle n’est plus guère enseignée et même l’image d’Epinal de Gambetta et de sa sortie de Paris assiégée en ballon s’est effacée des manuels scolaires. En revanche à l’échelle locale et au niveau régional, le dynamisme de musées (Loigny-la-Bataille, Gravelotte), l’enthousiasme de militants associatifs (Amis de Sonis, Patay) entretiennent des lieux de mémoire, alors qu’en parallèle internet diffuse grâce à de nouveaux vecteurs et relaie reconstitutions et événements en costumes d’époque.

Pourquoi une approche pluridisciplinaire donc au-delà de ce que peut en dire l’historien est elle indispensable pour comprendre plus particulièrement cette guerre là ? 

Pierre AllorantLes regards croisés apportent toujours un enrichissement des perspectives. Historien et juriste, j’aime utiliser les écrits privés, la correspondance familiale, ici celle de couples séparés par la guerre : les maris « confinés » dans Paris assiégé, leurs épouses et enfants mis à l’abri des violences de l’occupant à Ostende.

Quelles leçons peut on encore en tirer en 2020 ?

Pierre Allorant : Le 150e anniversaire de 1870 sera le moment d’une redécouverte de l’une des Premières guerres industrielles, meurtrières, où les civils souffrent autant que les combattants, décisive dans la formation du sentiment national. Comme l’Amérique de Trump ne peut être comprise sans la guerre de Sécession, redécouvrir 1870, la Commune, l’établissement de la République nous parle d’aujourd’hui et d’une autre forme de siège, sanitaire.

Propos recueillis par Sophie Deschamps

1870, entre mémoires régionales et oubli national, se souvenir de la guerre franco-prussienne est publié avec le soutien du laboratoire POLEN de l’université d’Orléans.

 

 

Commentaires

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  1. Étrange carte postale qui, contrairement à sa légende, ne représente pas du tout l’actuelle place de la Bascule située en rive gauche de la Loire à ORLÉANS, mais plutôt un endroit (et sa statue) situé à la limite nord d’ORLEANS et de SARAN !

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