Ennio Morricone, le cinéaste du son, n’est plus

Musicien multiforme, mais surtout connu pour ses musiques de films, il s’est éteint lundi dernier après une vie bien remplie. Il a travaillé dans la musique savante, la musica assoluta, comme il l’appelait, aussi bien que la populaire (musica applicata), il a écrit pour des chanteurs-euses de variétés ou pour l’orchestre de la RAI. Avec toujours un sérieux, une profondeur qui lui vaudra dans la fin de sa vie des récompenses multiples.

Entre toutes ses productions, ce sont bien sûr les musiques pour les films de Sergio Leone qui restent dans les esprits. L’une des plus spectaculaires est sans doute l’homme à l’harmonica, où, à partir d’un demi ton très hésitant sur cet instrument enfantin, la musique se répète, introduit les soufflants qui ondoient derrière comme les dunes de sable du Texas, la guitare électrique au son rude de ces années soixante, proche des cloches qui la secondent, puis la basse qui ouvre le paysage et les violons soutenus par des chœurs, ciel implacable de l’ouest et symbole aussi du drame. A partir de presque rien, un détail, comme les mouches à l’image, le son s’ouvre jusqu’à l’horizon. On est en plein western, pas spaghetti du tout, mais dans toute l’étendue de l’image scope, dans ces espaces américains infinis, théâtre de ces vies minuscules qui pourtant rejoignent les tragédies antiques à travers l’homme à l’harmonica. Ou cet irlandais révolutionnaire qui ne cesse de siffler et dont le thème, sorte de berceuse chantée d’une mère protégeant son enfant, doux murmure chom chom chom, couve une violence faite à un peuple entier.

Des personnages sonores

Les musiques de Morricone n’illustrent pas, n’accompagnent pas les images ou l’histoire racontée, elles sont l’expression même de ces taiseux magnifiques, elles exposent et expliquent les sentiments qu’ils sont incapables de dire. Au point que Sergio Leone disait qu’Ennio Morricone participait au scénario de ses films ! Et pour Il était une fois l’Amérique, la musique a été écrite à partir du scénario, et enregistrée 7 années avant le tournage.

Photo Georges Biard,

Mélangeant des éléments de musique populaire, lui qui vivait en orchestrant de la variété, des instruments peu employés dans les musiques de films comme la guitare électrique, la trompette (comme son père, Ennio était trompettiste), le sifflement, il a créé un style incomparable qui a influencé non seulement tous les musiciens de cinéma, mais l’époque toute entière.

C’est avec une grande intelligence artistique qu’il mélange constamment l’émotion et le clinquant, la subtilité dans des effets presque pompiers, la sensibilité et le lyrisme. Et un humour, une distanciation qui bien souvent renforcent son propos.

Grazie, Maestro

BC

 

 

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