Lieux de mémoire en région Centre-Val de Loire #3 Un panthéon, de Simone à Maurice

Alors que la crise sanitaire a réduit la voilure de l’autre festival de Loire – les fêtes de Jeanne d’Arc, reportées à fin septembre et privées de défilé pour le centenaire de la canonisation et de la célébration nationale – le compte à rebours avant l’entrée de Maurice Genevoix au Panthéon est déclenché. Dans 4 mois, 40 ans après sa mort, l’auteur de Raboliot sera à nouveau le porte-étendard de « Celles et Ceux de 14 ». 

Charles Péguy.DR

Deux ans après Simone et Antoine Veil et cinq ans après son jeune disciple littéraire du Grenier, Jean Zay, le temple de la République va à nouveau accueillir un illustre Orléanais, qui a d’ailleurs failli être accompagné d’un autre, tombé dès l’effroyable été 14 : Charles Péguy. Cent ans après le Soldat inconnu, pour l’abri duquel l’Arc de Triomphe l’avait emporté sur le Panthéon, un écrivain, aujourd’hui injustement méconnu, va retrouver les feux de la rampe que la République gaullienne puis giscardienne lui réservait sur les étranges lucarnes, de Georges de Caunes à Jacques Chancel, de l’Invité du dimanche au Grand échiquier.

 

Entrer, sortir du Panthéon : création révolutionnaire et socle impérial

Mais qu’est-ce donc que ce Panthéon et quels critères régissent les admissions à ce curieux « Parcoursup » de la Sorbonne des Grands Hommes ? Comme Sainte-Sophie, d’Ataturk à Erdogan, le Panthéon a été désaffecté par la Révolution française pour accueillir les cendres de la fine fleur des Temps nouveaux : Mirabeau, Voltaire, Rousseau. Mais la porte est à double sens, car l’accélération du processus révolutionnaire révèle les turpitudes du grand orateur monarchien, avant que la Terreur ne fasse le tri entre le bon grain des patriotes et l’ivraie des girondins et autres modérantistes. Napoléon Bonaparte, soldat de la Révolution, transforme son temple en nécropole des dignitaires impériaux morts en fonctions, fournées militaires et civiles qui occupent encore la moitié des rangs.

Les alluvions de 150 ans d’honneurs : Trois Républiques pour une France 

Pour reprendre le titre des mémoires de Michel Debré, député-maire d’Amboise, les trois dernières Républiques ont complété le tableau d’honneur, le Panthéon étant rendu à cet office à compter de l’entrée de Victor Hugo en 1885. Zola, Gambetta au lendemain de la Grande Guerre, Jaurès avec le Cartel des gauches en 1924, Paul Painlevé en 1933 sont choisis par les députés de la « plus longue des Républiques », la très parlementaire Troisième née d’une débâcle militaire à Sedan et qui sombre dans une autre 70 ans plus tard, entre forêt des Ardennes, repli à Bordeaux, piège du Massilia et suicide assisté à Vichy, il y a exactement 80 ans.

Si la Quatrième République a été très parcimonieuse sur ce plan en réservant l’entrée au Panthéon aux scientifiques Paul Langevin et Jean Perrin, au gouverneur « Français libre » Félix Éboué, à l’émancipateur Victor Schoelcher et à Louis Braille, le Panthéon reste à jamais associé à la mémoire du « préfet résistant » d’Eure-et-Loir, à Jean Moulin l’unificateur salué avec un lyrisme d’outre-tombe par Malraux en décembre 1964.

Panthéon DR

Hasard ou nécessité, après une longue éclipse sous Pompidou et Giscard, les portes du Panthéon ne rouvriront, exceptée l’intronisation médiatisée de François Mitterrand, que 23 ans plus tard – durée semblable à la traversée du désert de l’opposition de gauche – avec l’hommage au juriste René Cassin. Mitterrand, le familier des cimetières, le fidèle aux amis disparus et au culte des morts, est très largement le recordman des panthéonisations puisque Jean Monnet l’européen, puis avec le bicentenaire de 1789 Condorcet, l’abbé Grégoire et Monge, enfin en avril 1995 Pierre et Marie Curie ont reçu cette consécration sous ses deux septennats.

Depuis lors, Jacques Chirac a tenté de raviver la flamme avec précisément André Malraux, et un discours de Christine Albanel plus plat que la plaine de Beauce, ce plat Pays qui est le nôtre, puis un hommage en 2002 à Alexandre Dumas le métis, pour conjurer la haine frontiste. Enfin François Hollande a réuni en gerbe quatre mousquetaires de la Résistance, chacune et chacun porteurs des valeurs de la République, de A comme Anthonioz à Z comme Zay.

Un Panthéon pour le Centre-Val de Loire ? 

Si Blois possède l’abbé Grégoire émancipateur des juifs français, Chartres le premier résistant de la veille, avant le 18 juin, le Loiret Mirabeau et Orléans Jean Zay et bientôt Genevoix, il reste de nombreuses gloires artistiques, littéraires, scientifiques, médicales ou de combats militants à honorer en Centre-Val de Loire : George Sand, Antoine et Henri Becquerel, Marcel Proust, Olympia Cormier, Rabelais, Jeanne Champilou, Olivier Debré… il n’y a que l’embarras du choix. 

Derrière « Celles et Ceux de 14 », Péguy et Alain-Fournier pourraient aisément emboîter le pas. Et pourquoi pas ensuite fêter Joséphine Baker, histoire de rappeler que tout un chacun a « deux amours », son pays et Paris, comprenez sa petite patrie et l’Humanité, ses valeurs universelles au-delà de tous les suprémacismes communautaires ?

Cendres de Loire

Quant aux cendres de Jeanne d’Arc, d’aucuns y verraient une faute de goût. Remuer les braises, ranimer la flamme : même sans Panthéon, et nous laissant sans voix, elle restera toujours la Soldate inconnue. Avec « Celles et Ceux de 1429 ».

Pierre Allorant

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