Publications scientifiques : Attention déviances !

La recherche, la science, fondamentale ou appliquée, sont des enjeux majeurs du développement des sociétés modernes. Dans les années cinquante, afin de mesurer objectivement les chercheurs et les travaux des laboratoires, la « bibliométrie » fut la méthode d’évaluation de la recherche scientifique mise en place par les grands pays industrialisés. Elle s’applique à tous les domaines scientifiques et consiste à prendre comme critère d’appréciation l’analyse des publications d’articles dans les revues spécialisées. C’est sur cette base que sont jaugées (et donc financées) les activités de recherche dans les hôpitaux, les facultés de médecine et les instituts médicaux.

La bibliométrie explique la frénésie de publications

L’analyse bibliométrique prend en compte le nombre total de publications, le nombre de fois qu’elles sont citées, la notoriété (Impact Factor) des revues où elles sont éditées et l’indice de Hirsch ou « h-index ».

  • Connaître la somme des publications effectuées par un chercheur isolé est simple. C’est moins facile s’il exerce au sein d’une équipe ou lorsqu’il existe des homonymies. On trouve ce nombre sur des sites tels que PubMed, Biomed, High Wire, Free Medical Journals, etc.
  • Le nombre de fois qu’un article est mentionné en référence, dans un travail de recherche, est difficile à inventorier avec exactitude. Les structures qui le recensent sont payantes et pas nécessairement à jour. Ces chiffres sont disponibles sur des bases de données comme Science Citation Index ou SCOPUS.
  • L’Impact Factor établit une classification, normalement révisable, des journaux scientifiques. Cette hiérarchie est contestable car elle ne mesure pas la fiabilité de l’information donnée. Certaines revues médicales prestigieuses demeurent dans le haut du classement alors qu’elles ont subi une érosion de leur qualité initiale et sont parfois soumises à des conflits et des liens d’intérêts. Les plus éminentes sont : Annal of Internal Medicine – British Medical Journal (BMJ) – Journal of the American Medical Association (JAMA) – The Lancet – New England Journal of Medicine (NEJM)…
  • Le « h-index » est un concept inventé en 2005, par Jorge E. Hirsch. Il établit une relation sophistiquée entre un nombre total de publications dans les revues et leurs citations. L’indice de Hirsch est critiqué car il est uniquement quantitatif et prend en compte aussi bien les citations positives que né

Approximative et essentiellement basée sur la quantité, la bibliométrie reste incontournable pour les chercheurs de part ses implications en terme de notoriété. Elle explique en partie cette frénésie de publications hasardeuses durant la pandémie due au coronavirus.

Publier peut rapporter gros

Toute cette cuisine bibliométrique serait négligeable si le Ministère de la Santé n’avait pas décidé d’employer ces mêmes indicateurs afin de financer les activités de recherche, d’enseignement et d’innovation (MERRI) au sein des structures médicales. C’est le logiciel du Système d’Interrogation, de Gestion et d’Analyse des Publications Scientifiques (SIGAPS) qui convertit l’analyse des publications en points. Ces points servent aussi bien pour l’avancement de carrière des praticiens hospitalo-universitaires que pour définir une partie de l’enveloppe budgétaire des établissements de santé. Pour exemple, en 2017, la valeur du point SIGAPS était de 648 euros par an pendant 4 ans. Une parution dans une bonne revue pouvait ainsi rapporter 15 000 euros à 20 000 euros par an pendant les 4 années qui suivent la publication, soit un total pouvant atteindre 80 000 euros pour l’établissement auquel appartient l’équipe ou le médecin qui a publié. Même si ce n’est pas toujours synonyme de qualité, publier abondamment peut rapporter gros.

Des allégations de mauvaises langues

Il est prétendu qu’un professeur de médecine du sud de la France aurait parfaitement intégré les failles du système pour le détourner. Il se citerait sans retenue dans des journaux créés de toutes pièces et dirigés par de dévoués et reconnaissants collaborateurs. Malgré l’Impact Factor de ces revues digne d’un bulletin paroissial, la publication d’innombrables travaux, souvent de peu d’intérêts et affranchis des règles internationales de l’évaluation scientifique, gonflerait artificiellement son « h-index » et les points SIGAPS de son institut afin d’obtenir notoriété internationale et subsides étatiques.

Ce sont, sans aucun doute, des allégations de mauvaises langues parisiennes jalouses et rancuneuses…

Jean-Paul Briand

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