[Billet] « Sa vie de jeune homme… »

Dominique Tripet avait rejoint Magcentre, en 2016, pour une chronique régulière dont le premier et seul billet surprit alors plus d’un lecteur . Elle se présentait elle-même: « Femme, et par conséquent militante féministe. » Ancienne présidente du Planning Familial, elle a abandonné ce mandat lorsqu’elle a été élue au conseil municipal d’Orléans en 2014, « j’ai respecté mes engagements de ne pas cumuler ». Son engagement féministe  revient aujourd’hui sur Magcentre avec ce billet d’actualité.

Dominique Tripet. MG/Magcentre

C’est tout de même curieux cette propension que nombre peuvent avoir, à nous ressortir des formules usées, éculées, alambiquées pour se défendre ou défendre un homme accusé de viol, d’agression sexuelle, ou de toute autre forme de violence à l’égard des femmes…

Alors quand il se trouve que cet homme est un ministre de la République Française, Ministre de l’Intérieur qui plus est, honteusement soutenu malgré les faits qui lui sont reprochés par notre Président de la République, comment dire ?

Ne nous prendrait-on pas, nous, les femmes, pour des quiches ?

Parce que nous, nous l’imaginons bien la discussion franche d’homme à homme* que ces deux-là auraient eu. Parce que les agressions de femmes, à ce niveau, ne peuvent se traiter qu’entre gens de même caste, porteurs de « joyeuses » et autres « valseuses » à l’entrejambe. Discussion qui à n’en pas douter a fini par une tape dans le dos entre hommes et une circonlocution qui ressemblerait à celle-ci :

«  Allez mon grand, au nom du saint patriarcat et de la domination masculine réunis, je t’absous, va, et que l’on ne t’y reprenne plus… »

Des quiches, je vous dis !

Et le florilège s’étoffe de jour en jour. Après la discussion franche « d’homme à homme » entre les deux cités plus haut, voici la « vie de jeune homme** » brandie par le mis en cause pour s’affranchir de toute responsabilité. C’est vrai quoi, « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » n’est-ce pas ?

Ah mince, il en avait 10 de plus au moment des faits, me dit-on dans l’oreillette ! Et que 17 ans ou 27 ans, cela ne fait rien à l’affaire, un viol est un viol ?

Des quiches, des quiches, des quiches…

Et pour finir, encore que rien n’est moins sûr, voici que le mis en cause se victimise en se prétendant « tranquille comme Baptiste*** », le saint homme.

Bon, ne tournons pas autour du pot ! Car les quiches aussi, peuvent être cash ! Et en avoir assez des expressions à la « mords-moi le nœud**** ».

Même qu’elles peuvent se rêver vengeresses, telles les victimes de l’épicier Maigrat dans Germinal, et à brandir comme elles, l’objet du délit, tranché et cloué sur un bâton…

Car contraindre une femme à faire une fellation contre service, ce n’est pas obtenir une « faveur » sexuelle, ce terme qui euphémise non seulement un viol, mais est aussi une incitation à une forme de prostitution qui tombe sous le coup de la loi.

  • L’article 225-5 du Code pénal incrimine aussi le fait d’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution (y compris occasionnelle) ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle se prostitue ou continue à le faire.

Et essayer de cacher cela derrière une « vie de jeune homme », c’est simplement légitimer le continuum des violences faites aux femmes !

Car pour elles concrètement, la vie de « jeune homme » de nombre, cela signifie être objectifiées, harcelées, agressées, marchandisées, violées…

Même que les quiches savent bien qu’il n’y a pas que les « jeunes hommes » qui mènent une vie de patachon.

Et ce sont ces gens-là qui prétendent nous défendre, nous les femmes ? Ils auront beau dire que ce quinquennat est décrété grande cause nationale pour l’égalité Femmes/Hommes, la réalité c’est qu’ils nous prennent bien pour des quiches…

Mais que la révolte des femmes gronde….

 

*Discussion d’homme à homme : Entre deux ou plusieurs hommes de même rang ou de même dignité.  

**Vie de jeune homme ou vie de patachon : Le patachon a désigné celui qui parcourait les routes en conduisant sa patache. Il était réputé pour être toujours par monts et par vaux, menant une vie dissolue et s’arrêtant dans toutes les tavernes pour s’enivrer.

 ***Tranquille comme Baptiste : ce serait Baptiste, le baptiseur de Jésus qui en serait à l’origine. Il était en effet décrit par Matthieu et Luc comme un personnage se contentant de très peu de choses[1], et ne se souciant ni du passé, ni du futur.

*****A la mords moi le nœud : se dit d’une chose mal conçue, peu crédible ou stupide. Cette expression dérive de à la mords-moi le jonc datant du début du XXe. Le jonc était le mot argotique pour or : on mordait les pièces d’or pour contrôler leur authenticité. Mais le jonc est également un mot familier pour pénis tout comme nœud au XIXe. L’expression à la mords-moi le nœud est rapidement préférée à partir des années 1950.

 

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