Retro: Journée de clôture des Rami : de la poésie à tous les étages

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Date initiale de publication 28 octobre 2019

Des sons venus d’Australie et du fond des temps, des poèmes venus d’Orient et du Portugal, des folks-songs et des chansons follement poétiques. Ça n’a pas arrêté de tout l’après midi qui clôturait en beauté cette édition 2019. Un crû bien mijoté par Gérard Bedu et le Nuage en pantalon.

Brigitte Fontaine cl Marie Line Bonneau

Aux sources de la musique

Après ses deux ateliers d’initiation à son instrument dans les médiathèques d’Orléans, Triton Squad a carrément donné un concert en solo. Il a une dizaine de didgeridoos, tous plus étonnants les uns que les autres, troncs d’arbre percés en tuyau sans aucune embouchure spéciale. Ce sont les lèvres et la modulation du souffle qui créent le son. Ensuite viennent les techniques de respiration pour pouvoir tenir les notes. Brèves ou longues, plaintives, cahotantes ou chatoyantes, ces mélopées « simples », venues de la nuit des temps, prennent aux tripes. On peut les considérer comme narratives et y plaquer des images, ou émouvantes et ressentir des ambiances. Un merveilleux moment venu d’ailleurs, totalement improvisé et totalement maîtrisé. De la poésie sans mots.

Une création spéciale Rami autour de Darwich

Ghanilahou Georgia Hadjab cl Marie Line Bonneau

Ensuite, le texte poétique a pris le pouvoir. Celui de Mahmoud Darwich d’abord, introduit par une très belle phrase au saxo de Simon Couratier. Darwich, ce sont des mots très forts qui racontent la Palestine, la difficulté de cette région, l’exil, mais pas seulement. La très belle voix de Georgia Hadjab a fait vivre ces textes touchants, les a chantés parfois, accompagnée de l’accordéon de Fred Ferrand et des machines, saxos et flûte de Simon. L’humanité du poète est passée dans le travail de ce trio rassemblé par Gérard Bedu pour ces Rami. L’Orient était là, vivant, dans ce qu’il a de plus universel, son ouverture au monde, son intelligence, ses couleurs et sa musicalité.

Fernando Pessoa à nu

Un autre poète a pris le relais, plus mystérieux dans son apparente simplicité. Gaël Mevel a entamé en solo le texte de Fernando Pessoa Ode Marine, un long discours poétique qui ne cesse de nous tromper pour mieux nous conforter. La narration est-elle retranscription du réel ou pure création du personnage qui parle ? Le discours, la poésie créent-ils du réel ? Dans le thème fréquent chez Pessoa du dédoublement, pour ne pas dire dé-triplement ou plus, le narrateur nous emmène très loin avec des paquebots anglais et d’anciens bateaux à voile, dans l’intimité complexe d’un poète en plein questionnement sur lui-même, sur son art. Dans un dispositif très simple, juste soutenu par le violoncelle que Didier Petit caresse en fredonnant parfois, ce texte se déroule dans la nudité qui lui convient. Les deux violoncelles concluent cette longue déambulation dans la poésie.

Une voix étonnante et un air de guimbarde

Puis vint le spectacle de clôture de ces Rami 2019. Mathias Sten a d’abord chanté deux folk-songs en s’accompagnant avec une maîtrise remarquable de sa guitare acoustique. Sa voix très modulée peut monter assez haut en gardant une gravité impressionnante. Deux chansons en français ont suivi, lui donnant l’occasion de siffler et de sortir sa guimbarde. Dans un style qui mélange chanson à texte et musique folk, il tient son auditoire. La salle Touchard plus qu’à demi pleine a apprécié.

Avec « rien » écrit sur la poitrine

Et puis Brigitte Fontaine et son acolyte Yan Péchin ont fait leur entrée, comme deux gamins frondeurs. Toute de noir vêtue, avec une sorte de bonnet phrygien noir lui aussi, mais silhouette rehaussée de bottes blanches, Brigitte reste la trublion espiègle qu’elle a toujours été, hors normes certes mais pas hors jeu. Elle sait lancer des harangues crues mais aussi des fulgurances poétiques, elle sait construire des chansons apparemment décousues mais en fait superbement tricotées, elle sait manier le sarcasme sans être sarcastique pour mieux ironiser. Elle fait la petite fille qui dit « non, j’irai pas » pour mieux conjurer la mort. Car elle reste vraiment petite fille, elle reste celle qui joue avec tout, qui s’amuse sur scène avec les images, les mots, les sens dans un naturel déroutant. Yan à la guitare lui apporte le rythme. Il s’y connaît en chanson, lui qui en a composé et qui a accompagné les plus grands !

Sous ses apparences provocatrices, Brigitte Fontaine nous délivre un beau message d’amour. D’ailleurs elle a bon cœur, même s’il « est une peinture sans peintre pour la peindre. » Le public en a redemandé et elle a donné.

Clôture enlevée de ces Rami 2019. Une fois de plus, la poésie et la musique ont improvisé avec brio un événement qui semble bien de plus en plus trouver son public et s’installer dans sa formule.

BC

Photos Maie Line Bonneau
“Merci de ne pas utiliser les photos sans l’autorisation de l’auteure de celles-ci”.

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