Les chauffeurs d’Orgères, crimes et terreur en Beauce

Furetant dans les caisses d’une vente de livres d’occasion associative, je tombai sur un petit livre intitulé “l’histoire de la bande d’Orgères”* mis au rebut par une bibliothèque métropolitaine avec barré au dos la mention infamante “PILON”. Bien dommage que cette réédition d’un ouvrage daté de 1883 se voit ainsi condamné alors que l’affaire des “Chauffeurs d’Orgères” reste une page célèbre de l’histoire de la criminalité en France.

Le 9 thermidor de l’an VIII de la République (28 juillet 1800), le tribunal d’assises spécial de Chartres prononçait le plus lourd verdict de l’histoire de la justice républicaine: 111 condamnations pénales dont 23 condamnations à mort, épilogue d’une bande criminelle de plusieurs centaine de malfrats qui écuma et terrorisa la Beauce par sa violence impitoyable. Précisons que le terme de “chauffeurs” qui les désignait, venait d’une méthode redoutablement efficace pour faire avouer où se trouvait le magot caché de fermiers enrichis que l’on attachait sur une chaise couchée et dont on présentait les pieds dans le feu de la cheminée jusqu’à l’obtention de la réponse. Les victimes n’y résistaient d’ordinaire pas très longtemps d’autant que cette torture s’accompagnait généralement de violences extrêmes sur le reste de la maisonnée.

La Beauce enrichie

La fin du XIXe siècle est une période faste pour la Beauce qui, en plus de bénéficier de l’élévation du prix du blé, va profiter de la vente des biens du clergé pour accroître sensiblement les surfaces cultivables et provoquer un véritable boom agricole. Revers de la médaille, il n’existe encore à cette époque charnière aucun système bancaire permettant de mettre ces lourds bas de laine à l’abri de malfrats d’autant plus envieux que beaucoup de miséreux n’ont pas vu leur sort s’améliorer dans ce désordre révolutionnaire. Ajoutons, pour faire bonne mesure, qu’après la chute de l’incorruptible Robespierre, la moralité publique n’est plus ce qu’elle était et que les malandrins veulent leur part du gâteau pour satisfaire leurs instincts dépravés dans des orgies et autres bacchanales, selon la rumeur. La Beauce va se hérisser de fermes plus ou moins fortifiées, maigres remparts devant la férocité des “Chauffeurs”, tentant ainsi de pallier à une gendarmerie totalement désorganisée, à laquelle seule la reprise en main du Directoire  redonnera l’efficacité indispensable à sa mission d’ordre.

Une émotion grandissante

A partir de 1798, la bande des Chauffeurs (qui se nomment eux mêmes “les bijoutiers de la lune”), s’attaquent aux “bourgeois” dans un rayon qui va de Montargis à Chartres commettant des crimes de plus en plus osés comme odieux, et c’est par hasard que les gendarmes mettront la main sur un membre de la bande qui “balancera” les noms de ses complices, permettant plus de cent cinquante arrestations de suspects, hommes et femmes qui seront tous conduits au château de Villeprèvost dont les caves serviront au juge de paix d’Orgères en Beauce, un certain Armand-François Fougeron, de lieu de détention et d’interrogatoire des prévenus. Le travail du juge Fougeron produira un énorme dossier d’instruction qui permettra ensuite au tribunal de Chartres d’établir un verdict qui se veut exemplaire à plus d’un titre. Curiosité macabre, alors que la morphopsychologie ou “craniologie” des criminels était encore balbutiante, il fut décidé de conserver un masque mortuaire**, “criant de vérité“, de chacun des vingt trois condamnés à mort, à toutes fins scientifiques utiles…

Le début des légendes

Ainsi devait disparaître la bande des Chauffeurs d’Orgères, tous sauf son chef, le bien nommé le Beau François qui réussit à s’évader de la prison-couvent où il était détenu en attente du verdict échappant ainsi à l’échafaud dressé place des Epars à Chartres, et que l’on ne retrouvera jamais, De quelle complicité ce personnage clef aux multiples identités a-t-il pu bénéficier ?

Mais il y a surtout le trésor caché des Chauffeurs, brigands qui devaient nécessairement déposer leur butin constitué autant d’or que d’objets de valeur, voire de lingerie et de vêtements dans un ou des lieux tenus secrets et connus de quelques chefs. Certains méchants jaloux trouvèrent que le juge Fougeron s’était bien enrichi dans les années qui suivirent sa promotion au tribunal d’Orléans, mais d’autres continuent à fouiller le bois de Méréville et alentours en espérant trouver les restes de la dernière bande organisée de brigands de grand chemin…

Gérard Poitou

**On peut voir ces vingt-trois masques mortuaires au Musée de Chartres

Bibliographie succinte:

*Histoire de la bande d’Orgères” A-F Coudray Maunier Paris 2001
(première édition 1858)

“Les Chauffeurs” Gérard Boutet, Jean-Cyrille Godefroy, 1991

“La Loi de la guillotine ou la véritable histoire de la bande d’Orgères” 
Alain Bouzy, le Cherche midi, 2016

 

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  1. Il y a eu une expo sur le sujet à la Médiathèque de Chartres en 2016. J’ai une plaquette de présentation (38 pages) à votre disposition si vous voulez (envoi par mail)

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