Zoom sur l’entreprise ROC après la venue du garde des Sceaux

Christophe Villemain, PDG du Groupe Villemain dont l’entreprise ROC basée à Saint-Cyr-en-Val (Loiret) a eu la surprise de recevoir la visite, le 10 septembre dernier, du nouveau garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti suite au plan de sauvegarde accordé à l’entreprise en 2016 par le Tribunal de Commerce d’Orléans. Le chef d’entreprise a accepté de se confier à Magcentre sur cette visite et la bonne santé retrouvée de son entreprise, même s’il a dû réduire la voilure.

Christophe Villemain, PDG ROC et groupe Villemain © SD

C’est un groupe qui évolue au sein du cercle très restreint de la restauration des monuments historiques. Créée en 1993, l’entreprise basée à Saint-Cyr-en-Val (Loiret) est florissante et mène des restaurations prestigieuses dans notre Région (cathédrale d’Orléans, de Chartres, Chambord) à Paris (église de la Madeleine, Notre-Dame-de Paris, Hôtel Lutétia…) en France (Fort de la Conchée dans la baie de Saint-Malo, cathédrale Saint Paul-Aurélien à St Pol-de-Léon en Bretagne) mais aussi à l’étranger notamment au Caire en Egypte.

Restauration ROC, Fort de la conchée, baie de Saint Malo © ROC

Restauration maisons centre-ville Orléans © ROC

Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes pour l’ancien tailleur de pierres et son ETI (entreprise de taille intermédiaire) forte de 770 salariés et de 24 agences, réparties sur l’axe ligérien  jusqu’en… 2013.

Un chantier parisien fait tanguer le groupe Villemain

Le groupe Villemain participe alors à la restauration d’un hôpital parisien, quand un major du BTP refuse de payer un surcoût de travaux de 13 millions d’euros (Le nom de ce géant du BTP ne sera pas cité, la procédure judiciaire  étant toujours en cours). Dès qu’il comprend qu’il ne sera pas payé et en l’absence de trésorerie suffisante, Christophe Villemain n’attend pas de s’enliser dans ses problèmes financiers et pousse tout de suite la porte du Tribunal de Commerce d’Orléans, le 18 février 2013, une date gravée à tout jamais dans sa mémoire. La désignation d’un mandataire ad hoc neutre va permettre de mettre tout le monde autour de la table, ce que Christophe Villemain n’avait pas réussi à obtenir. C’est néanmoins très vite la lutte du pot de fer contre le pot de terre : « Mon chiffre d’affaires annuel correspond à une heure de celle de ce major, nous ne jouons pas dans la même cour. J’en étais conscient avant et je sais pertinemment que la vie d’une entreprise est faite de hauts et de  bas », explique très lucidement Christophe Villemain. 

“Nous sommes tombés dans un guet-apens”

Mais ce qui dans ce cas précis déclenche la colère du chef d’entreprise, c’est, avec le recul, la conviction « d’être tombé dans un guet-apens ». Il explique alors en détail comment s’est passée la signature du contrat : « J’ai signé des papiers au moment de l’appel d’offre que je n’aurais pas dû signer. Mais malheureusement un chef d’entreprise qui n’a pas de service juridique peut très facilement tomber dans ce genre de piège. J’ai pourtant mis des heures et des heures à signer l’appel d’offre chez le major, mais on ne peut pas tout lire, c’est impossible. » Christophe Villemain a bien compris la leçon et il a aujourd’hui un service juridique. Mais pour lui, le législateur doit s’en mêler : « Il faudrait une loi où c’est vraiment le devis que l’on établit qui est contractuel. » Il n’a malheureusement pas eu le temps d’en parler au ministre de la Justice. 

Une passe difficile où il a fallu tenir le coup

Car il n’est pas sorti indemne de sa mésaventure. Pour s’en sortir, il a dû se mettre en sauvegarde sur la société holding pour restructurer la dette. Il a aussi dû vendre certaines de ses entreprises « à bas prix à des concurrents mais au moins tout le personnel a été sauvegardé. Mais il y a eu aussi malheureusement des liquidations sèches avec des licenciements ». Il lui reste aujourd’hui 250 salariés.

Et la blessure reste à vif : « C’était dur, je n’avais fait qu’embaucher et six mois avant j’avais fait un repas pour féliciter tout le monde et six mois après, voilà. J’ai un caractère plutôt fort mais je ne vous cache pas que j’ai eu des idées suicidaires à ce moment-là. Ce qui m’a permis de tenir, c’est la confiance de mes salariés, ceux qui m’ont dit, ” on va gagner ensemble”. Même si certains ont quitté le navire, il reste un noyau dur extrêmement fort ». Avant de glisser : « En tout cas, ça démolit un bonhomme, je ne suis plus le même. Le ressort n’est pas cassé mais il est affaibli. » Il trouve toutefois du réconfort en aidant les autres : « Il ne se passe pas un mois sans qu’une entreprise ne m’appelle en me disant “je dois signer un contrat, est-ce-que tu peux y jeter un oeil ?” »

Restauration Lutetia, 2017, Paris ©SD

Hôtel Lutétia restauré, 2018 Paris ©SD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le chantier de l’hôtel Lutetia lui permet  de rebondir

Christophe Villemain a choisi aussi de jouer la transparence vis-à-vis de ses fournisseurs et de ses sous-traitants : « De toute façon , je ne pouvais pas les payer, donc autant dire la vérité. Certains ont fermé leur compte chez moi mais d’autres ont été compréhensifs. Je me rappelle d’un monsieur qui avait des nacelles et qui m’a appelé un matin à six heures pour mettre gratuitement à ma disposition une nacelle dont il ne se servait pas. » Une solidarité s’organise autour du groupe : «En une soirée, j’ai récupéré 1,7 million d’euros, c’était fabuleux ! »

Et puis, il y a les entreprises qui continuent à accorder leur confiance, notamment pour la restauration du grand Hôtel Lutetia à Paris  même si Christophe Villemain a dû batailler pour les convaincre : « Le Lutetia nous a fait confiance alors que l’on était en pleine tempête. Comme on avait déjà travaillé avec eux, ils voulaient que ce soit nous mais nos difficultés leur faisaient peur. Du coup, je leur  ai répondu “si tout le monde fait comme vous, demain on est morts ! ” D’autant que cette semaine-là, j’avais déjà subi l’annulation de sept chantiers ! Mon interlocuteur m’a alors demandé une demi-heure de réflexion avec son comité mais il est revenu au bout de vingt minutes en disant “on vous fait confiance, vous faites le chantier”. »

Christophe Villemain, PDG du Groupe Villemain dont l’entreprise ROC © SD

Un guide pour aider les entreprises 

Christophe Villemain s’est aussi  lancé dans l’écriture d’un livre, une sorte de guide pour aider ses confrères entrepreneurs à ne pas tomber dans les mêmes pièges que lui : « J’explique dans chaque chapitre ce qu’il ne faut pas faire et surtout ce qu’il faut refuser de signer avec à chaque fois des témoignages d’entrepreneurs. J’ai même rajouté deux autres chapitres pour dénoncer  les méthodes de ces grands groupes. C’est de la délinquance en col blanc et c’est honteux. Moins d’entreprises feraient appel au tribunal de commerce si ces majors les respectaient. »

 Le but est aussi de faire connaître la panoplie d’outils qui existent aujourd’hui pour accompagner les entreprises en difficulté, comme la sauvegarde mais «qui sont assez récents et encore mal connus des chefs d’entreprise ». Un gros chantier que Christophe Villemain a aussi à cœur de mener à bien.

Sophie Deschamps

 

 

 

 

Commentaires

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  1. Article très intéressant de Sophie Deschamps qui nous offre un regard plein “d’humanité” sur ce Chef d’entreprise et cette entreprise connue des Orléanais. La vie d’une entreprise de cette nature n’est pas “un long fleuve tranquille”… Le savoir-faire de celle-ci est remarquable et méritait ce clin d’œil de la Rédaction.

  2. bravo à cet entrepreneur et au beau travail de ses équipes ! Il est courant de dauber sur les entreprises dans notre beau pays mais voilà un aperçu de la vraie vie des patrons !

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