« Les fondements démocratiques de notre République sont en danger »

Vendredi 2 octobre 2020, dans les Yvelines, le Président de la République a prononcé un discours particulièrement combatif afin de réaffirmer les principes républicains. Dans les suites de cette allocution, Magcentre a rencontré Gilles Kounowski, président du Laboratoire de la laïcité du Loiret.

Gilles Kounowski, président du Laboratoire de la laïcité du Loiret . DR

Pensez-vous que la laïcité soit en danger ?

Gilles Kounowski : Ce qui est en danger, ce sont les fondements démocratiques de notre République : les libertés, l’égalité et la fraternité mais aussi les solidarités, la sécurité, la séparation des pouvoirs et la mise à distance des dogmes. Et, bien sûr la laïcité qui est l’un des socles de notre République. Elle n’est pas seule à subir la mise en cause des ennemis de nos principes démocratiques, laïques et sociaux. La laïcité est prise en otage par les extrémistes de tout bord. Ceux qui voudraient que la loi religieuse prime sur celle de la République, au premier rang desquels on trouve bien évidemment les fondamentalistes musulmans, mais pas que… Et aussi ceux qui, généralement à l’extrême droite de notre échiquier politique, voudraient en faire une arme contre la différence.

Vous dîtes que la laïcité, qui est un principe de liberté, est aussi une boussole de l’égalité…

G.K. : Oui, elle est totalement incompatible avec les idées xénophobes, fond de commerce de cette extrême droite qui tente, parfois hélas avec succès, à usurper l’idée de la laïcité. Enfin, elle est aussi gravement affaiblie par une certaine gauche, récemment rejoint par des leaders de l’écologie politique, qui en trahissent l’esprit, par confusion ou ignorance. Ils correspondent bien à ce que redoutait, dès 2012, le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, Charb, assassiné en janvier 2015, lorsqu’il déclarait : « J’ai moins peur des extrémistes religieux que des laïques qui se taisent. »

Que faut-il donc défendre en priorité ?

G.K. : C’est la République et la démocratie qu’il nous faut constamment défendre. La laïcité assure avant toute chose la liberté de conscience de tous les citoyens, puis garantit le libre exercice des cultes, sous respect de l’ordre public… Elle a consisté en France, en fonction de son histoire tumultueuse, à mettre la religion à distance de la République pour éviter le retour de l’influence cléricale mortifère de l’ancien régime. « L’État chez lui, l’église chez elle », disait Victor Hugo. Si la laïcité était la seule cause des difficultés ressenties par certains, il n’y aurait pas les mêmes problèmes de communautarisme, voire de séparatisme et parfois, hélas de terrorisme, dans les pays qui n’ont pas fait de la laïcité le fondement de leur construction institutionnelle. Je pense au Royaume Uni, à l’Allemagne, à la Belgique, à la Suède, à l’Espagne… qui sont confrontés aux mêmes menaces que la France. Et je ne parle pas des pays musulmans, les plus menacés par les menées de l’islamisme politique.

Les propositions gouvernementales contenues dans le discours du Président Macron vont-elles dans le bon sens ?

G.K. : Oui sans aucun doute… si elles sont bien suivies d’effet. Les militants laïques, dont je fais partie, avaient quelques inquiétudes sur la réalité de l’attachement du président de la République au principe de Laïcité inscrit dans l’article premier de notre constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances… », après ses propos aux évêques de France lorsqu’il proposait de renouer les liens qui avaient été brisés entre la République et l’Église catholique. Propos d’autant plus surprenant et inquiétant que cette rupture était bien celle qu’avait clairement instaurée la célèbre loi de 1905 dite de séparation des Églises et de l’État. Mais notre Président aura sans doute trouvé de nouvelles et meilleures sources d’inspirations après avoir pris conscience des dangers du communautarisme, qu’il appelle le séparatisme.

Vous doutez de la mise en pratique des mesures annoncées ?

G.K. : Un projet de loi est donc annoncé et qui sera présenté en Conseil des ministres le 9 décembre 2020, date emblématique évidemment, puisqu’il s’agit de la date anniversaire du vote de la loi de 1905 qui pose le principe de la séparation des Églises et de l’État. Il faudra examiner finement le contenu de ce projet dont seuls quelques éléments ont été dévoilés récemment par le chef de l’État : la fin de l’autorisation de l’enseignement à domicile, le contrôle beaucoup plus strict des écoles hors contrat, l’obligation de formation française des imams et la fin de « l’islam consulaire », l’obligation de neutralité réaffirmée des salariés des entreprises bénéficiant d’une délégation de service public, l’engagement à respecter le principe de la laïcité par les associations sollicitant des financements publics… Cette dernière clause est d’ores et déjà pratiquée par les Caisses d’Allocations familiales (CAF) qui financent largement les activités sociales associatives.

Vis-à-vis de la laïcité, quels sont vos attentes ?

G.K. : Qu’elle soit simplement mise en œuvre avec intransigeance et respectée en premier lieu par celles et ceux qui ont la responsabilité de la faire appliquer. Dans ce but, les élus de la République, à tous les niveaux de nos institutions, doivent être exemplaires. Beaucoup mériteraient d’être mieux renseignés sur le droit applicable en matière de laïcité. L’Association des maires de France (AMF) a produit en novembre 2015 un excellent Vade-mecum de la laïcité qui devrait être un livre de chevet des élus locaux par exemple. Qu’à force de pédagogie, nos concitoyens, et particulièrement les plus jeunes de toutes origines, prennent clairement conscience que notre laïcité est le meilleur des régimes pour garantir nos libertés, l’égalité entre tous, spécifiquement entre les femmes et les hommes, pour permettre l’émancipation et le progrès. Pour cela, il faut réinvestir avec vigueur dans la formation à la laïcité et en premier lieu celle des futurs enseignants. Le Laboratoire Loiret de la laïcité est à la disposition des responsables locaux, politiques, administratifs ou éducatifs, pour apporter son expertise et ses moyens humains et documentaires.

Propos recueillis par Jean-Paul Briand

Commentaires

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  1. Bon article sur la laïcité. Mais la laïcité, principe constitutionnel de la République, n’est pas toujours appliquée par les collectivités territoriales, ainsi à Orléans la municipalité participe activement aux cérémonies religieuses catholiques des fêtes de Jeanne d’Arc!
    Municipalité, Clergé et Armée sont main dans la main! et présents ensemble lors des célébrations catholiques.

  2. “Si la laïcité était la seule cause des difficultés ressenties par certains, il n’y aurait pas les mêmes problèmes de communautarisme, voire de séparatisme et parfois, hélas de terrorisme, dans les pays qui n’ont pas fait de la laïcité le fondement de leur construction institutionnelle. Je pense au Royaume Uni, à l’Allemagne, à la Belgique, à la Suède, à l’Espagne… qui sont confrontés aux mêmes menaces que la France” : un pays qui fait de la laïcité un credo comme la France est tout aussi touché que ceux qui ne le brandissent pas comme étendard, signe que la laïcité ne protège pas du séparatisme, de l’islamisme, du terrorisme.

    Par ailleurs, quitte à vouloir insister sur le passif “des religions” sans discriminer entre celles qui sont structurellement violentes et les autres, il faudrait aussi mentionner le passif de l’athéisme, même en s’en tenant au national-socialisme (6 millions de morts au bas mot) et au communisme (120 millions) pour la période contemporaine.
    Je n’irai pas jusqu’à rappeler l’origine – bien française – du mot “terrorisme” et la “religion” de ses adeptes d’alors. Quel autre pays a été contraint d’en faire le nom d’un régime ?

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