RDV Histoire de Blois : Esther Duflo, « L’économie, c’est de l’artisanat »

Économie utile pour des temps encore plus difficiles, la conférence d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, en visioconférence depuis les USA, a ponctué magistralement les 23e Rendez-vous de l’histoire.  L’économiste a analysé les raisons du discrédit de nos gouvernants en réaffirmant sa confiance dans l’État.

Prix Nobel d’économie à seulement 47 ans conjointement avec Abhijit Banerjee (son époux), et Michael Kremer, Esther Duflo, est professeure au célèbre et prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ses travaux en matière d’économie du développement, en particulier la santé, l’éducation, l’accès au crédit ou la corruption éclairent notamment les politiques publiques de lutte contre la pauvreté.   

« Le déclin de la confiance envers les gouvernements est une réalité. Depuis Ronald Reagan en 1980, l’État n’est plus la solution mais le problème ». C’est de ce constat qu’est partie Esther Duflo en pointant « la fin du rêve américain » puisque ce pays est désormais celui dans le monde où la probabilité de rester pauvre pour un enfant à la naissance est la plus importante (33%) et celle de devenir riche la plus faible.  

« Les États interviennent quand il y a des problèmes mais il n’y a aucune preuve que le privé fasse mieux », explique aussi la chercheuse en donnant l’exemple de l’efficacité comparée entre Pôle Emploi et les opérateurs privés de placement en France. Une étude (Behaghel, Crépon, Gurgand) a ainsi démontré que la performance du secteur privé est moindre pour insérer les demandeurs d’emploi de longue durée.

Pour Esther Duflo, « ce discrédit est grave de car il rend difficile l’exercice du pouvoir, n’attire pas les meilleurs et place une contrainte sur les fonctionnaires ». A partir d’études et d’exemples concrets comme celui de l’eau au Pendjab, du jeu de la triche ou la crise de la COVID-19, elle démontre « qu’on a besoin de l’État pour les arbitrages d’intérêt général, la relance économique, de l’investissement et l’entreprise collective de gouvernance », laissant transparaître ses convictions en faveur de la redistribution des richesses.   

Adepte des expériences de terrain, son approche est d’ailleurs résolument pragmatique : « L’économie est plus de l’artisanat qu’une science exacte. Gouverner, c’est résoudre le mieux possible les questions de plomberie pour que les choix de valeurs ne deviennent pas dramatiques. Les Etats doivent admettre ce fait et ne plus affirmer leur toute puissance ». Autrement dit, l’idéologie et les débats idéologiques sont stériles face aux problèmes concrets à « un moment charnière de notre histoire ». 

Jean-Luc Vezon 

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