Aldo Romano fait (re)vivre sa musique

Le Triton, le club des Lilas, dans la banlieue est de Paris, grand défenseur de la musique improvisée, a aussi une édition-production de cd. En mai 2019, il a donné carte blanche à Aldo Romano pour une série de concerts enregistrés ouvrant sur la publication d’un cd. Il est depuis quelque jours dans les bacs, et sur les plate-formes. Parce qu’une musique qui n’est pas jouée est une musique qui meurt, Aldo a choisi de faire venir ses amis pour (re)jouer des morceaux écrits au long de son parcours. D’où Reborn.

Aldo Romano est bien sûr un grand habitué du Triton. Il a joué avec de nombreux partenaires. Et c’est justement pour évoquer toute la richesse de ses rencontres qu’il a choisi de faire revivre des morceaux créés il y a déjà plusieurs années, avec certains mêmes musiciens qu’à la création, mais en renouvelant ses partenaires aussi. Reborn, donc.

Photo Le Triton

Deux frères, Henri Texier et Enrico Rava

Dix invités, qui ne jouent pas tous ensemble, recréent des formations ayant tourné dans les années passées. En premier son ami des débuts, avec qui il a parcouru un long chemin, Henri Texier à la contrebasse. Aldo a fait avec « la contrebasse faite homme », comme il dit, de nombreuses tournées mondiales. Géraldine Laurent au saxo, rencontrée plus tard mais partenaire active, et Mauro Negri à la clarinette, forment pour ce Reborn un groupe purement jazz et proposent trois morceaux, trois compos d’Aldo dont une, Annobon, sort tout droit d’une tournée africaine et date de près de trente ans !

Autre musicien « frère d’âme », Enrico Rava à la trompette. Avec Baptiste Trotignon au piano et Daryll Hall à la contrebasse, ils partagent quatre morceaux d’eau, de rêves et de voyages, se baladant dans des mélodies superbes sous les doigts de Baptistes rehaussées de la simplicité efficace et troublante de Darryl. Le leader se coule dans la douceur de cette formation, qui peut aussi se gonfler de l’énergie des questions et réponses de ces musiciens de jazz en pleine possession de leur art.

Des amis de longue date

Et puis il y a les amis Glenn Ferris au trombone, Michel Benita à la contrebasse et Yoann Loustalot à la trompette qui parcourent deux plages très cuivrées aux mélodies joyeuses comme un voyage vers l’Italie, autant dire vers l’enfance pour Aldo !

Et puis un duo avec Jasper Van’t Hof, qu’il a découvert lors d’un voyage en Hollande. Il a entendu ces drôles de sons de claviers que Jasper faisait sortir de ses traficotages. Ils ont joué, ça leur a plu, et ils se sont régulièrement retrouvés pour partager quelques notes.

Lors de Jazz à la Vilette en 2011 – copyright-cran

De belles histoires

C’est donc un cd très ouvert que nous propose Aldo et ses amis. Loin d’être le bilan d’une vie, juste un petit retour sur le plaisir partagé avec d’autres au long de toutes les années de musiques. Parce que le jazz, c’est avant tout des rencontres, des moments magiques où on discute avec des notes en guise de mots, des mélodies en guise de phrases. A près de 80 ans, Aldo a beaucoup raconté. Cet enregistrement nous en livre quelques histoires. Emouvant !

Bernard Cassat