Changer son regard sur l’embauche et le travail des personnes handicapées

La semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (du 16 au 22 novembre 2020) offre occasion de faire le point sur le Label Handicap Entreprise. Un amendement proposé par la députée LREM du Loiret Caroline Janvier et adopté en mars 2019. Son but est de faire évoluer la mentalité des entreprises sur l’embauche de personnes handicapées. Heureusement, des entreprises publiques comme l’Université d’Orléans ont compris depuis longtemps l’intérêt d’accueillir de telles personnes.

Changer de regard sur l’emploi des personnes handicapées. ©DR

Un an après l’adoption de son Label Handicap Entreprise, la députée LREM du Loiret Caroline Janvier reste motivée mais elle déplore que « la crise sanitaire actuelle freine le déploiement de cette mesure destinée à changer le regard des entreprises sur le handicap, en dehors des contraintes et des sanctions ». Persuadée que les entreprises veulent avoir aujourd’hui une bonne image, la jeune députée a donc eu l’idée de leur proposer ce label pour convaincre les patrons des boîtes d’au moins 20 salariés qui n’ont pas encore atteint le fameux quota obligatoire de 6 % de personnes handicapées. 

Concrètement, ce label incitatif est porté par l’AGEFIPH, (une association créée en 1987 et dont le but est de faciliter l’insertion des personnes handicapées dans l’entreprise) avec la création d’un référentiel qui va lui permettre d’évaluer le caractère inclusif d’une entreprise avec également l’élaboration d’un cahier d’un charges. De leur côté, les entreprises se verront proposer dans les semaines à venir un outil d’auto-diagnostic « avec des critères simples » et téléchargeable sur la plateforme gouvernementale mon parcours handicap.

Caroline Janvier, députée REM du Loiret très impliquée dans l’emploi des personnes handicapées. ©DR

Pour Caroline Janvier, le but est aussi de rapprocher les employeurs de l’AGEFIPH au-delà du lien administratif : « On va chercher le monde de l’entreprise en faisant valoir le handicap comme un levier de performance mais aussi d’amélioration du climat social. » On l’aura compris, le plus grand défi est « de faire changer le regard des patrons mais aussi des salariés, des clients et des fournisseurs sur la personne handicapée, qui par sa capacité de travail et son engagement peut apporter beaucoup à une entreprise ». L’élue a toutefois conscience qu’il faut accompagner les entreprises dans cet effort, via l’AGEFIPH justement « avec une compensation complète de la réorganisation d’un lieu de travail pour y accueillir tous les handicaps, physiques, sensoriels ou psychiques ».

Une démarche gagnant-gagnant qui devrait permettre à terme à plus de personnes handicapées d’obtenir un emploi et aux entreprises de valoriser leur image avec notamment la remontée de bonnes pratiques. Caroline Janvier attend donc une démarche volontaire de ces patrons qui selon elle « ne savent toujours comment s’y prendre avec une personne handicapée mais avec au final un bénéfice pour tous ».

Plus de soixante personnes handicapées employées à l’Université d’Orléans

Heureusement, en France on ne part pas de zéro, avec parmi les bons élèves l’Université d’Orléans. Ainsi, Bruno Gendron, non-voyant y travaille depuis 26 ans en tant que maître de conférence et chercheur au laboratoire d’économie d’Orléans, avec l’aide d’un terminal braille et d’une assistante professionnelle. Pourtant, quand il a envoyé son CV, il n’a pas indiqué son handicap : « Je voulais être embauché pour mes diplômes et mes compétences et rien d’autre. Mais il m’a fallu être capable d’assumer la surprise, voire la gêne de mes interlocuteurs  quand ils m’ont vu arriver avec une canne blanche. » Une “stratégie” payante puisqu’il a décroché le job mais avec aussi la volonté d’apporter des solutions pour pallier son handicap. « Le fait par exemple d’avoir une assistante professionnelle qui me lit les documents que je donne à mes étudiants. »

Bruno Gendron, non-voyant maître de conférences et chercheur à l’Université d’Orléans depuis 26 ans ©SD

« Il y a aussi la face invisible de mon handicap »

Le jeune professeur n’a toutefois pas tout de suite pris la mesure de toutes les difficultés liées à sa cécité : « Je suis obligé d’avoir très souvent recours au par cœur ». D’où un usage permanent de la mémoire “se souvenir d’un trajet, savoir où l’on met les choses, se souvenir des raccourcis clavier”…» qui induit une fatigue supplémentaire dont il a mis longtemps à se rendre compte : « C’est seulement depuis trois-quatre ans que j’ai vraiment pris conscience du poids de fatigue lié à ma charge mentale et à ma concentration. Quand j’étais étudiant, je m’autoflagellais un peu en me disant “c’est pas normal qu’à vingt ans quand tu rentres de cours tu n’as qu’une envie, c’est d’aller te coucher !”…»

Sans compter les autres obstacles : « Quand  j’ai un cours à préparer, je ne peux pas faire comme un voyant et me dire à 20 heures après le dîner, je vais lire un document puis construire mon cours. Moi, j’ai besoin que quelqu’un me recherche le document, qu’il me le lise et que je prenne des notes dessus, donc  je dois constamment anticiper. Et dans la période de confinement actuelle, je dois aussi être capable d’utiliser les nouveaux outils coopératifs en les mémorisant. »

Donc, s’il est important de valoriser les avancées qui aident les personnes handicapées dans leur parcours du combattant qu’est la recherche de travail puis l’exercice d’un métier, il reste du pain sur la planche quand l’on sait que le taux de chômage des personnes handicapées est le double de celui des personnes valides… depuis de nombreuses années.

Sophie Deschamps  

 

Commentaires

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  1. Un excellent article, particulièrement documenté qui montre la qualité du travail de notre député.e Caroline Janvier (LREM), et plus encore son abnégation. La description circonstanciée des difficultés que peut rencontrer un enseignant chercheur non-voyant, doit nous inciter à changer notre regard sur le handicap. Que l’auteur.e de l’article en soit remercié.e.

    • “… changer le regard sur les non-voyant, en somme …” … trop fort mon Jacquounet. Quant au reste, je dirais simplement “bien joué”.

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