Loi “Sécurité Globale”: lettre ouverte au député Richard Ramos

[Tribune] *Par Dominique Lebrun

À M. Richard RAMOS
Député du Loiret

Orléans, le 18 novembre 2020

Bonjour Richard,

Je me permets de t’interpeller au sujet de la proposition de loi «sécurité globale», en discussion actuellement à l’Assemblée Nationale. Parmi les nombreuses propositions dangereuses de ce texte, trois articles risquent de limiter la liberté de manifester dans des proportions injustifiables, liberté déjà fortement restreinte sur le terrain et de nouveau remise en cause par le Schéma national du maintien de l’ordre.

L’article 21 concerne les caméras portables qui, selon les rapporteurs du texte, devraient équiper « toutes les patrouilles de police et de gendarmerie […] dès juillet 2021 ». S’il est voté, le texte autorisera donc la transmission des flux vidéo au centre de commandement en temps réel. Cela permettra l’analyse automatisée des images, et notamment la reconnaissance faciale des manifestants et des passants, en lien avec les 8 millions de visages déjà enregistrés par la police dans ses divers fichiers.

Ces nouveaux pouvoirs ne sont justifiés par aucun argument sérieux en matière de protection de la population et ne s’inscrivent aucunement dans une doctrine de gestion pacifiée des foules. L’effet principal sera de faciliter de façon considérable des pratiques constatées depuis plusieurs années en manifestation, visant à harceler des opposants politiques notamment par des placements en « garde à vue préventive », par l’interdiction de rejoindre le cortège ou par des interpellations arbitraires non suivies de poursuites. Ces pratiques illicites seront d’autant plus facilement généralisées que l’identification des militants et des militantes sera automatisée.

L’article 22 autoriserait la surveillance par drones qui, selon le Conseil d’État, est actuellement interdite. Ici encore, la police n’a produit aucun argument démontrant qu’une telle surveillance protégerait la population.

En clair, le déploiement massif des caméras mobiles et des drones, couplés aux caméras fixes déjà existantes, entraînerait une capacité de surveillance généralisée de l’espace public, ne laissant plus aucune place à l’anonymat essentiel au respect du droit à la vie privée et ne pouvant avoir qu’un effet coercitif sur la liberté d’expression et de manifestation.

L’article 24 vise à empêcher la population et les journalistes de diffuser des images du visage ou de tout autre élément d’identification de fonctionnaire de police ou militaire de gendarmerie. Autrement dit, les images des violences commises par les forces de l’ordre ne pourront dès lors plus être diffusées. Une telle disposition serait contraire à la liberté de la presse, liberté qui se paie cher parfois… Les journalistes doivent travailler sans craindre en permanence la censure, c’est aussi une question de démocratie.

Aussi je souhaite vivement que tu t’opposes à ces trois dispositions qui réduisent la liberté fondamentale de manifester dans le seul but de faire taire la population et de mieux la surveiller.

Souhaitant que tu prennes en compte ces arguments, reçois Richard mes sincères salutations.


*Dominique Lebrun est facteur à Orléans centre ville depuis 1982, retraité, militant communiste depuis 1976, conseiller municipal d’Orléans de 2008 à 2014. 

Richard Ramos (Modem) a fait savoir par retour qu’il ne voterait pas ce texte de loi.

Commentaires

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  1. Merci Monsieur Ramos ! Ce qui serait intéressant serait de connaitre AUSSI la position de nos si actives et sympathiques députées du Loiret, Mesdames Caroline Janvier et Stéphanie Rist…
    Une réponse publique, que chacun sache à qui il a affaire…?

  2. Une seule question ; la captation doit-elle nécessairement entraîner la diffusion ?
    Faut-il accepter la diffusion d’images d’un employé municipal mangeant ou discutant pendant ses heures de travail, d’un enseignant “engueulant” un élève dans sa classe, d’un facteur s’arrêtant boire un pot pendant sa tournée, d’un animateur repoussant sèchement un jeune qui s’en prend à un autre jeune ? Faut-il filmer tout en permanence, sans flouter et donner les images en pâture sur les réseaux qu’on appelle sociaux ? On peut même imaginer qu’avec les nouvelles techniques on peut modifier le visage des fautifs. On a bien vu la tête d’une comédienne absente dans l’un des derniers épisodes de “Plus belle la vie” !

    • Et alors, en quoi vos arguments justifient-t-ils une loi liberticide !? Tout l’arsenal législatif existe déjà pour sanctionner ceux qui feraient un usage malintentionné d’images captées.
      la protection de nos libertés prime sur tout. Stop à cette dérive autoritariste de nos gouvernements depuis plusieurs années déjà.
      La France, soit-disant “pays des Droits de l’Homme”, toujours prompte à donner des leçons aux autres, devrait balayer devant sa porte au lieu de se faire remettre en place comme avec cette loi Sécurité Globale par l’ONU ou le Défenseur des Droits.
      Le nouveau monde de LREM est un bien triste monde qui surtout ressemble furieusement à l’ancien monde…en pire
      Je vous invite à réfléchir un peu plus profondément à ce sujet en vous basant sur la devise de la République dans laquelle figure la liberté !

  3. Merci à Dominique Lebrun d’interpeller ainsi son député , qui est également le mien , et dont on peut espérer autre chose que de faire le godillot d’un pouvoir aux abois .
    Le dernier épisode en date concernant la liberté d’informer vue par ce pouvoir est une fois de plus révélateur d’une réalité condamnée non seulement par les syndicats de Journalistes , les organisations internationales de défense des droits de l’homme , mais aussi par la pdg de Francetv dont l’un de ses reporters d’images s’est fait mettre en garde en vue , parmi d’autres collègues Dont certains se sont fait matraqués Alors qu ils couvraient précisément une manifestation pacifique contre ces projets de loi liberticides

  4. J’ai sans doute mal compris les articles du projet de loi. En tout cas, je n’ai pas eu de réponse aux questions posées précédemment (la différence entre captation et diffusion). Quant à la liberté de la presse, on pourrait en parler longuement. La menace économique semble plus grave (et plus discrète) dans notre pays que la menace politique. : Depuis Hersant en passant par Bouygues et d’autres ont connait le poids des patrons d’entreprises sur la presse (y compris dans leurs menaces sur la suppression de la publicité). Il est vrai que l’autocensure suffit souvent à limiter le droit d’expression.

  5. Bravo M. Poitou pour cette réflexion pertinente qui fait avancer le débat. Il y a sous vos impératifs un certain mépris des lectrices et sans doute aussi des lecteurs.

Les commentaires pour cet article sont clos.

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