2020 Année de Gaulle, les Artistes Orléanais rendent hommage à Jean Cardot

Témoignage. Les Artistes Orléanais rendent hommage au sculpteur Jean Cardot, membre de l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France, décédé le 13 octobre dernier à l’âge de quatre-vingt-dix ans. En cette année 2020, marquée par de nombreuses célébrations à la mémoire du Général de Gaulle, les Artistes Orléanais se souviennent “avec émotion et tendresse” de leur rencontre avec cet artiste qui fut l’invité et le président d’honneur de leur 100e salon tenu en 2007. Dans ce dossier conçu par Benoit Gayet, président des AO, ils se souviennent de celui qui, par son œuvre sculptée installée sur les Champs-Elysées, à Paris, représenta avec justesse le Charles de Gaulle de la France libérée en août 44, l’Homme de la France Libre”. 

Jean Cardot dans son atelier parisien. Photo: B. Gayet (2006).

Une vie vouée à la sculpture et aux effigies monumentales

De Gaulle, Churchill, Chaban-Delmas, Pierre de Coubertin, Thomas Jefferson… Jean Cardot s’était imposé au fil des ans comme l’héritier d’une tradition séculaire, la statuaire des grands hommes sur les places. Cet artiste reviendra en 2010 dans la capitale régionale, à l’invitation de la ville d’Orléans pour présenter son évocation du Général de Gaulle (plâtre de sa statue monumentale) dans le cadre des manifestations organisées à l’occasion du 70e anniversaire de l’appel historique du général.« Si le temps nous efface peu à peu, les statues perpétuent des mémoires », déclarait Cardot.

 A la croisée des œuvres de Bordes et Belmondo

De fait, des œuvres monumentales comme le Monument à la Résistance et à la Déportation du Val-de-Marne ou la réalisation de grandes commandes publiques occupent une place essentielle dans l’œuvre du sculpteur. Né le 20 juillet 1930 à Saint-Étienne (Loire), Jean Cardot fréquente successivement l’école des beaux-arts de Saint-Étienne, puis celle de Lyon, et enfin l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris dans les ateliers de Marcel Gaumont et d’Alfred Janniot. 

Après l’obtention d’un premier second grand prix de Rome en 1956, il séjourne de 1957 à 1959, à la Casa de Velázquez à Madrid . Il y croisera son ami André Bordes (né en 1928), sculpteur et professeur à l’école des Beaux-arts d’Orléans, auteur notamment de La Beauce, statue de femme nue tenant deux épis de blé dans la main, mise en place en 1983, rue Paul Belmondo, à deux pas de l’entrée du musée des Beaux-Arts d’Orléans. En 1974, il est nommé chef d’atelier de sculpture en taille directe à l’École nationale supérieure des beaux-arts à Paris où il enseignera jusqu’en 1995.

Musée des Beaux-Arts d’Orléans, 18 juin 2010. Photo : B.G.

Pour mémoire, Jean Cardot avait été élu à l’Académie des beaux-arts en 1983 au fauteuil de son confrère Paul Belmondo (sculpteur cher au cœur des Orléanais avec sa Baigneuse située à l’angle des rues du Tabour et Royale) avant de diriger cette institution entre 1992 et 1997.  “Nos ateliers sont des lieux de travail et de réflexions, certes ! mais aussi, et surtout, de bonheur” aimait à dire celui qui créa Flamme de la liberté (2008) pour célébrer l’amitié franco-américaine. 

 “Un art majeur dans notre environnement personnel et public”

Benoit GAYET, président de la société des Artistes Orléanais évoque, dans son écrit dont nous avons de manière non exhaustive extrait les lignes ci-dessus, sa première rencontre avec Jean Cardot. C’était en 2006 dans son atelier parisien, puis à l’institut pour préparer le 100e salon dont il était l’invité et le président d’honneur. 

Une rencontre essentielle

Benoit Gayet : “Ce furent des moments rares, des moments d’exception. Jean Cardot avenant et jovial était un homme d’une grande culture, entièrement voué à la sculpture, un homme passionné par ses divers engagements pour soutenir la création artistique et la cause des artistes.” Et Benoit Gayet de poursuivre, en citant le sculpteur à propos de sa sculpture représentant de Gaulle :  “C’est à l’issue d’un concours organisé par la ville de Paris que j’ai réalisé la sculpture présente depuis 2000 sur les Champs-Elysées. Le thème en était très précis : il s’agissait de représenter le général de Gaulle lors de sa descente des Champs-Elysées, le jour de la Libération en août 44. 

Au départ, la grande difficulté qui s’est posée à moi, a été de saisir le personnage. Alors je me suis entouré de photos et j’ai essayé de me mettre dans sa peau, d’imaginer ce qu’il avait pu ressentir après quatre années d’exil en se retrouvant dans une capitale libérée. J’ai ressenti cette exaltation intérieure d’un homme qui ne devait plus toucher terre, cette force contenue doublée d’une immense satisfaction. Et c’est ce que j’ai voulu exprimer. Lorsque l’on représente un tel personnage, à une telle dimension, il faut être capable de créer une sculpture qui ait une “présence” et qui s’inscrive bien dans son environnement. Il faut que le sujet soit ressemblant, bien sûr, mais que l’on y reconnaisse également la personnalité du sculpteur. C’est ainsi que je conçois mon travail, selon la formule de Degas qui disait : “Je ne figure pas, je transfigure”. Deux bonnes années ont été nécessaires pour parvenir au résultat final, dont six mois de travail avec les compagnons de la Fonderie de Coubertin, qui possèdent un exceptionnel savoir-faire.” 

 Ousman Sow et Jean Cardot

Rencontre entre Ousman Sow et Jean Cardot. Photo: B. Gayet (2010).

Benoit Gayet, encore : “Nos différentes rencontres ont été l’occasion de riches échanges. J’en garde de très beaux souvenirs comme cette visite des Ateliers Saint-Jacques et de la Fonderie de Coubertin rassemblés au sein du Domaine de Coubertin situé à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Au cours de cette passionnante visite, une belle surprise nous a été offerte comme cette rencontre inopinée avec le grand sculpteur Ousmane Sow. Je connaissais son travail en particulier celui qui l’avait révélé au grand public français, en 1999, avec son exposition sur le pont des Arts, à Paris”. 

Né le 10 octobre 1935 à Dakar, Ousman Saw, artiste sénégalais est décédé le 1 décembre 2016. Sa dernière statue, un “Charles de Gaulle”, a été installée à Versailles dans la cour du conseil général des Yvelines. En décembre 2013, Jean Cardot l’avait accueilli à l’Académie des Beaux-arts, ce qui faisait de ce Sénégalais le premier artiste africain à entrer sous la coupole. Ousman Sow vint par ailleurs exposer en 1990 en la collégiale Saint-Pierre le Puellier d’Orléans.

Un besoin d’art monumental dans l’espace public. 

C’est une grande préoccupation du président des Artistes Orléanais. Benoit Gayet : “Depuis de nombreuses années la Société des Artistes Orléanais à l’occasion de ses salons annuels ou expositions fait le choix d’inviter ou d’exposer des grands noms de la sculpture comme Jean Cardot, mais aussi Marino D Teana,  Jean Anguera, Vincent Batbedat, Jean-Paul Moscovino, Bernard Foucher, Marc Petit, Tetsuo Harada … Elle continuera à le faire parce que la sculpture est l’expression d’un art majeur qui trouve naturellement sa place dans notre environnement personnel et public. Lorsqu’elle est monumentale, elle participe comme moyen de construction de l’identité d’un territoire. Aussi, favorisons l’introduction de l’art monumentale contemporain dans les espaces publics, un vecteur d’embellissement et d’animation du paysage urbain. Rappelons-nous que le 18 septembre 1944, place du Martroi, le général de Gaulle, devant une foule immense déclara : « Où donc la libération peut-elle prendre une signification aussi grande qu’à Orléans, ici, devant la statue de la sainte libératrice, la statue de Jeanne d’Arc ! » . Mon souhait le plus cher, et je sais qu’il est partagé par de nombreux Orléanais, serait que notre belle cité, labellisée villes d’Art et Pays d’Histoire initie, comme l’ont fait bien d’autres communes de France et en d’autres pays dans le monde, un projet d’installation d’une œuvre majeure à la mémoire du Général de Gaulle. La place d’Orléans qui porte son nom en serait l’écrin naturel plus exactement sur l’Esplanade de la France Libre, au milieu de ses frères d’armes.” 

Témoignage et propos recueillis par Jean-Dominique Burtin. 

L’Hommage de l’Académie des Beaux-Arts 

Lors des obsèques de Jean Cardot, Jean Anguera, président de l’Académie des Beaux-Arts, rendit hommage au sculpteur. En ces termes : “Tous les peuples, à toutes les époques, ont confié à la sculpture le soin de préserver notre image, de prolonger au-delà de la mémoire humaine ce qui de l’homme est le plus éphémère c’est-à-dire notre apparence. Cher Jean, ton œuvre, tout l’effort de ton existence ce fut la sculpture.

Ton œuvre a connu une double carrière, deux essors successifs. Elle a d’abord été l’attention d’une expression très personnelle, libre et volontaire. Elle a suivi ta volonté de révéler ce qui t’habitait, tu l’as chargé de montrer la forme et la nature de tes sentiments en dehors de toute contrainte et de toute attache. Puis satisfait et avec la pensée d’avoir suffisamment puisé dans le minerai de ton univers intérieur, tu t’es progressivement tourné vers une autre sculpture celle qui à travers d’importantes commandes pouvait fixer l’image de l’homme et particulièrement de ces hommes dont nous nous sentons le plus redevables.

A travers la sculpture restituer l’apparence de ces hommes illustres, présenter à notre mémoire leur image, l’offrir à la postérité, ce fut ton second travail dont tu t’es si bien acquitté.”

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