COVID-19 : ADN, ARN, vaccins à ARNm, précisons les choses…

Alors qu’une course déraisonnable s’est engagée, à coup de scoops médiatiques, entre les plus grandes firmes pharmaceutiques pour imposer sur le marché leur vaccin contre le SARS-CoV-2 (responsable de la Covid-19), des éclairages s’imposent. ADN, ARN, vaccins à ARNm… Explications avec le Docteur Jean-Paul Briand*, chef de la rubrique Santé de Magcentre.

Alors que les laboratoires français accusent un net retard dans l’élaboration d’un vaccin, le Royaume-Uni a déjà lancé sa campagne de vaccination depuis début décembre. ©Pixabay.com

Un virus peut-il affecter notre capital génétique ?

Jean-Paul Briand : Oui. Mais avant tout, pour répondre à cette question, il faut d’abord rappeler comment fonctionnent les cellules à partir de notre patrimoine génétique. L’information génétique, qui donne à notre corps les instructions pour nous construire et nous permettre de fonctionner, est répartie sur les chromosomes, localisés dans le noyau de chaque cellule de notre organisme. Le noyau est séparé du reste de la cellule par une membrane contenant des ouvertures (les pores nucléaires). Chaque chromosome est formé de deux brins parallèles, enroulés sur eux-mêmes en une double hélice. Cette double hélice, constituée d’acide désoxyribonucléique (ADN), est le support de toute notre information génétique héréditaire. Chacun des deux brins de cette double hélice est dû à l’enchaînement de quatre molécules plus petites, les nucléotides, que l’on désigne par les initiales respectives de leur constituant: A, G, C, T. 

Les gènes interviennent à quel moment ?

J-P.B. : L’information génétique est identique dans toutes les cellules de notre corps. L’ensemble des chromosomes forme le génome. Les gènes sont des segments de chromosomes (des morceaux de séquences d’ADN). Chacun étant l’unité de base qui prédétermine une caractéristique précise d’un organisme vivant. Ces gènes renferment une (ou des) information(s) permettant aux cellules de fonctionner et de fabriquer des protéines, grosses molécules fabriquées à partir de l’assemblage de 20 molécules différentes : les acides aminés. Le passage d’un gène à une protéine est donc la traduction d’un code de quatre entités (A,G,C,T : le code génétique) à un code constitué de 20 structures biologiques (les 20 acides aminés). 

Le passage du gène à la protéine est indirect. Il nécessite un intermédiaire, formé d’une simple hélice, constitué également de l’enchaînement de quatre nucléotides. Leur code génétique est A,G,C,U (au lieu de A,G,C,T). Il s’agit d’une molécule d’acide ribonucléique (ARN) qui est donc le résultat d’un processus appelé transcription (passage de l’ADN à l’ARN). Cette transcription a lieu dans le noyau. Cette molécule d’ARN va ensuite sortir du noyau par les pores nucléaires. Dans la cellule et à l’extérieur du noyau, elle sera traduite en protéines.

Les virus ont-ils eux aussi de l’ADN ou de l’ARN ?

J-P.B. : Oui. Il existe des virus à ADN et des virus à ARN.

  • Pour les virus à ADN : l’ADN viral est récupéré par la machinerie de la cellule infectée. C’est elle qui le réplique et qui exprime les gènes du virus pour produire les protéines virales. Parfois, l’ADN viral s’intègre dans le génome des cellules infectées. Avec ce type de virus, il y a donc bien un risque pour les gènes. C’est ainsi qu’il peut apparaître secondairement des cellules cancéreuses comme avec le virus de l’hépatite B et le papillomavirus responsable de cancers de l’utérus.
  • Concernant les virus à ARN, on distingue deux cas : 
  • Pour certains virus à ARN, comme le virus du Sida, l’ARN viral est d’abord transformé en ADN sous l’action d’une enzyme transportée par le virus lui-même. L’ADN viral fabriqué peut pénétrer dans le noyau par les pores nucléaires, puis s’intégrer au génome des cellules infectées. Il a donc là aussi un risque pour les gènes. La cellule infectée prend en charge l’ADN viral comme s’il s’agissait du sien et le transcrit de multiples fois.
  • Pour d’autres virus à ARN, comme le SARS-CoV-2, l’ARN viral reste en dehors du noyau. La  machinerie cellulaire le traduit et fabrique les différentes protéines virales. Dans ce cas il n’y a pas d’intégration du génome viral dans le noyau des cellules infectées et a priori il n’y a pas de risque que le virus s’intègre dans le génome. 
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Comment fonctionnent les nouveaux vaccins à ARN ?

La double hélice, structure de notre ADN. ©Pixabay.com

J-P.B. : La vaccination a pour but de stimuler les défenses immunitaires d’une personne contre un agent infectieux en l’exposant volontairement à cet agent ou à l’un de ses composants appelé antigène. La stratégie sous-tendue par les vaccins à ARN fait appel à des biotechnologies qui sont étudiées depuis plusieurs années, consistant à faire produire l’antigène de l’agent infectieux que l’on veut combattre directement par les cellules de la personne que l’on cherche à protéger. Ainsi on injecte de l’ARN (encore appelé ARN messager ou ARNm) capable de faire produire par la cellule la protéine virale vis-à-vis de laquelle on veut avoir une réponse de défense efficace. Il faut donc que l’antigène infectieux produit (après injection de l’ARNm) ne déclenche pas la maladie ou une réaction grave de type allergique mais une réponse immunitaire efficace avec un minimum d’effets secondaires.

Que veulent déclencher les vaccins à ARNm pour lutter contre le Sars Cov-2 ?

J-P.B. : Le virus  SARS-CoV-2 pénètre à l’intérieur de nos cellules grâce à une protéine de surface S ou protéine spike. Si notre organisme arrive à fabriquer un anticorps bloquant cette protéine S, le coronavirus ne pourra plus parasiter nos cellules pour s’y répliquer et entraîner la maladie Covid-19. Tous les candidats vaccins à ARNm ont pour but de générer des anticorps qui ciblent cette protéine spike. Ils neutraliseront ainsi l’attachement du virus aux cellules de l’hôte, avant d’y pénétrer, en particulier au niveau pulmonaire.

Quelles sont les incertitudes sur ces nouveaux vaccins ?

J-P.B. : On ne sait pas encore si le virus, après vaccination, peut persister, en particulier au niveau du nez et de la gorge. Si les vaccins ne « stérilisent » pas ces portes d’entrée mais freinent uniquement la multiplication et la dissémination du virus dans les autres organes, alors le risque de transmission virale à d’autres personnes persistera. La protection ne sera qu’individuelle. Par ailleurs, les vaccins cherchent aussi à stimuler une immunité cellulaire se traduisant par l’activation de cellules de défense. Ces dernières entraînent une mémoire immunitaire, protégeant contre une éventuelle future infection impliquant le même pathogène et une capacité de détruire rapidement les cellules infectées. Des incertitudes subsistent sur la capacité des candidats vaccins à ARNm anti-Covid 2 à arrêter totalement la contagiosité et à protéger durablement.

Doit-on se faire vacciner le plus tôt possible ?

J-P.B. : Normalement, les campagnes de vaccinations s’effectuent dans des approches de prévention globale. Dans le cadre de la pandémie actuelle, cela concerne des milliards de personnes, dont la grande majorité est en bonne santé. Logiquement, une telle démarche de prévention doit être mesurée et responsable. Aussi, tant que toutes les données scientifiques sur ces nouveaux vaccins ne seront pas parfaitement connues et que l’immunité collective ne sera pas suffisante, l’application des mesures de protection s’imposera

Propos recueillis par Estelle Boutheloup

* Ni virologue ni expert en épidémiologie, le Docteur Jean-Paul Briand a construit ses propos à partir de ses lectures et de ses souvenirs de faculté de médecine. Il remercie la Docteur Clémence Guillaume, médecin biologiste du Centre Hospitalier Régional d’Orléans, qui a eu la gentillesse de relire la partie technique du texte.

Photos ©Pixabay.com

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