Le Congrès de Tours: les cinq jours qui ébranlèrent la gauche

Il y a juste un siècle s’ouvrait à Tours le 25 décembre 1920, le Congrès de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière). La première guerre mondiale s’était achevée avec la victoire des bolchéviks à Moscou et la majorité des délégués présents décidait d’adhérer à l’Internationale communiste (IIIe Internationale ou Komintern), fondée par Lénine. Le 30 décembre, le Parti communiste français était né bouleversant la donne d’une gauche socialiste qui avait trahi son idéal d’Internationale Ouvrière.

Vue générale de la salle au Congrès de Tours. La grande banderole « Prolétaires de tous pays, unissez-vous ! » est déployée sous la bannière « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » et deux portraits de Jean Jaurès. Agence Meurisse, Paris, BnF, département des estampes et de la photographie, 1920

Alors que Jaurès, leader socialiste, s’opposait à une guerre qu’il prévoyait dévastatrice en appelant la classe ouvrière française et allemande à refuser cette tragédie annoncée, dès le lendemain de son assassinat, la veille de la déclaration de guerre à l’Allemagne, la majorité des socialistes se rallie à l’Union Sacrée, persuadée par un Etat Major fanfaron que la guerre sera courte et victorieuse. Certains comme Jules Guesde accepteront même d’entrer au gouvernement.  La réalité de la guerre montrera l’erreur tragique de cette trahison d’un idéal pacifiste ouvrier et la paix de Brest Litovsk voulue par les bolchéviks dés 1917 vint rappeler que la guerre n’était pas une fatalité, redonnant vie au courant internationaliste au sein de la SFIO, courant redevenu majoritaire dès le congrès d’octobre 1918.

Le choix de Tours

Après quatre années d’effort de guerre, dès mars 1919, les luttes ouvrières reprennent et des grèves démarrent dans les mines, le textile, les chemins de fer ou les banques. La répression sera féroce mais le mouvement aboutit à l’obtention de la journée de huit heures. Pourtant la SFIO perd les élections législatives de novembre 1919 et l’idée d’une possible prise de pouvoir insurrectionnelle, malgré l’échec de la tentative du parti communiste allemand, va diviser alors la gauche et devenir la terreur de la bourgeoisie. Ainsi, la ville de Tours fut choisie plutôt que Paris, les militants socialistes les plus hésitants craignant d’être submergés par les partisans de l’adhésion à la IIIe Internationale communiste majoritaires dans la fédération de la Seine.

De fait, le courant favorable à l’adhésion à l’Internationale Communiste est largement majoritaire, tout en refusant les 21 conditions posées par Moscou, conditions qui ne furent pas votées lors du congrès de Tours. Ce camp révolutionnaire, issu des pacifistes, va s’imposer en obtenant les trois quarts des votes, rejetant par la même occasion une “bourgeoisie intellectuelle” pour imposer que le parti soit dirigé par des élites socialistes issues du monde ouvrier. Léon Blum et Jules Guesde resteront fidèles à la vieille SFIO qui restera au sein de la IIe Internationale Ouvrière avant de renouer alliance avec le Parti Communiste dès 1936 pour former le Front Populaire, victorieux démocratiquement en mai, pour imposer de profondes réformes sociales.

Après avoir alimenté les rangs de la résistance française, le Parti Communiste Français devenu l’un des premiers partis de France au lendemain de la guerre (800 000 encartés à la fin de 1946), intègre le gouvernement du général de Gaulle à des postes-clés (fonction publique, Sécurité sociale…). Cent ans plus tard, le PCF, après un soutien presque sans faille à l’Union Soviétique (au bilan “globalement positif”) après son apogée à l’issue de la seconde guerre mondiale, s’est réduit comme peau de chagrin au fil des décennies tout en conservant ça et là une implantation locale et syndicale active.

Un centenaire dont la commémoration restera discrète, à l’exception d’une exposition réalisée par la fondation Gabriel Péri, retraçant cent ans d’affiches (certaines signées par les illustres Pablo Picasso, Georges Wolinski ou encore André Fougeron)  à l’espace Niemeyer (place du Colonel Fabien à Paris) malheureusement fermée pour cause de pandémie,  visible seulement en virtuel .

Gérard Poitou

 

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  1. rappelons une étape importante : le pacte germano-soviétique avalisé sans broncher par le PCF.

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