Gavin Bryars, musicien anglais contemporain, raconté par Jean Louis Tallon, écrivain orléanais

Un livre d’entretiens transcrits et ré-écrits, fruit du travail de Jean-Louis Tallon, vient de sortir. L’écrivain orléanais retrace le parcours du musicien anglais Gavin Bryars, figure importante de la musique post-minimaliste, et complète les entretiens avec de nombreux documents. Il interroge son interlocuteur sur son parcours, sur le mystère de la création. Une magnifique entrée dans le monde de la musique contemporaine.

Gavin Bryars à la Tate Modern ©Alan Kerr

MagCentre: JeanLouis Tallon, quelle est votre expérience orléanaise ?

Jean-Louis Tallon – Photo C.T.

Jean-Louis Tallon: J’ai été responsable de la communication à la FNAC d’Orléans, et je suis actuellement responsable culturel de l’Université d’Orléans. Nous organisons, avec mon équipe, des événements culturels pour les étudiants et pour les Orléanais dans le centre culturel Le Bouillon sur le campus, lieu pluridisciplinaire où ont lieu des spectacles de théâtre, de danse, de musique, etc.

MC: Comment êtes-vous arrivé à Gavin Bryars ? Votre première écoute ?

J-LT: Dans le courant de la musique minimaliste, j’ai d’abord écouté Philip Glass, Steve Reich, Meredith Monk. Mais j’ai accroché assez tôt avec Gavin : le disque qu’il a sorti en 1993 (j’ai 20 ans à cette époque-là) et qui s’appelle Jesus’ Blood never failed me yet. C’est un « revival » de la pièce qu’il a écrite au début des années 70. Elle a eu un énorme succès et bénéficie d’une diffusion qu’elle n’avait pas eue à l’époque. Ont suivi d’autres découvertes, The Sinking of the Titanic, et d’autres encore…

MC: Pourquoi aller au-devant de lui, pourquoi faire ce travail autour de lui ? Est ce qu’il y a eu un déclic ?

J-LT: C’est plus une démarche générale que j’ai depuis quelques années. Je réalise des entretiens d’auteurs et de musiciens depuis plus de vingt ans. J’ai écrit un ouvrage avec Pierre Bergounioux qui est écrivain, ensuite un ouvrage d’entretiens avec Meredith Monk et Philippe Hersant. Donc ça s’inscrivait dans cette démarche d’être le témoin de trajectoires de compositeurs, puisque je m’intéresse beaucoup à la musique contemporaine, et à ce courant minimaliste et post-minimaliste en particulier.

Là, je voulais promouvoir ou faire connaître encore mieux Gavin Bryars qui, à mon sens, est l’une des signatures musicales les plus importantes de ces cinquante dernières années. Mais aussi faire des objets littéraires à partir de paroles rapportées, de paroles transcrites et ré-écrites. Des objets littéraires un peu particuliers puisque ce sont des livres d’entretiens.

Répétitions du Gavin Bryars Ensemble – Salle de l’Institut – Janvier 2011 – ©Jacques Malherbe

MC: Oui, votre classement, votre structure du texte le montre…

J-LT: J’ai rencontré Gavin il y a déjà une vingtaine d’années, mais les entretiens sont ramassés sur deux ans à peine. De décembre 2017 à Oullins jusqu’à juin 2018 chez lui à Billesdon en Angleterre. Et le livre suit mon propre cheminement, ma rencontre avec lui. Et puis il y a eu un raccord supplémentaire en mai 2020, parce qu’il avait écrit des choses entre temps, et puis on vivait une période tellement particulière ! Je voulais aborder cet aspect-là des choses : qu’est-ce qu’un compositeur dont les œuvres ne peuvent plus circuler parce que les salles sont fermées ?

MC: Qu’est-ce qui a changé dans votre manière d’écouter sa musique ?

J-LT: Je l’écoute mieux. Il a donné un éclairage sur certaines œuvres que je n’avais pas. Mais je voulais surtout mieux comprendre ce qu’est une vie de compositeur au-delà de la musique, quelles sont ses motivations. Le public ne sait en général pas qu’un compositeur travaille sur commande. Il ne crée pas un opéra parce qu’il en a envie, mais parce qu’on le lui a commandé. Ce qui n’est pas le cas d’un écrivain, par exemple. Les musiciens ont un rapport à la création tout à fait intéressant à fouiller pour prendre conscience de la manière dont tout processus créatif fonctionne. Qu’il soit musical ou non. Pour cela, on a aussi besoin de savoir d’où vient la personne.

En l’occurrence, Gavin est né à Goole dans les années 40, dans un milieu très modeste. La radio a été capitale pour sa découverte de la musique. C’est une réalité lointaine pour nous maintenant, qui sommes entourés de musique. C’est intéressant. Et puis ensuite, quel est son parcours, pourquoi il en vient à se tourner vers la composition, pourquoi telle œuvre, pourquoi tel sujet. C’est cette histoire que j’ai voulu retracer. Il y a aussi un côté magique de la rencontre : Gavin a beaucoup d’anecdotes pour chacune de ses œuvres.

MC: Une short list pour entrer dans l’oeuvre de Gavin Bryars ?

J-LT: En fait, c’est une musique à la fois exigeante mais facile à écouter, dans laquelle on peut rentrer facilement. Ce n’est pas dissonant, ça ne heurte pas les oreilles. Il est beaucoup demandé. De nombreux ensembles veulent jouer ses pièces. Il a fait une création à Toulouse en 2019. Il vient de terminer un concerto pour alto. Il a une activité de compositeur très importante. Et ses œuvres sont assez bien diffusées.

Après Jesus’ Blood never failed me yet et The Sinking of the Titanic qui sont deux incontournables, il y a d’autres morceaux importants. La pièce Biped, composée pour Merce Cunningham, est attractive et agréable. Four Elements également, sur un cd ECM.

Mais j’ai bien sûr envie de recommander toute son œuvre.

Propos recueillis par Bernard Cassat

Gavin Bryars

en paroles, en musique

Entretiens avec Jean-Louis Tallon

Le mot et le reste

345 pages

23 euros

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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