« Donald Trump a été victime de lui-même »

Des partisans de Donald Trump ont pris d’assaut le Capitole à Washington, siège du pouvoir législatif américain, le 6 janvier dernier afin de contester les résultats de l’élection américaine qu’ils jugent tronquée. Malgré cette atteinte sévère à la démocratie, le 20 janvier prochain, l’Inauguration Day, aura bien lieu et Joe Biden, nouveau Président des Etats Unis, succédera à Donald Trump. Cette défaite trumpiste nous est expliquée par deux Orléanais qui connaissent bien la vie économique américaine.

 

Gérard Grivotet DR

Le premier, Gérard Grivotet, aujourd’hui retraité, a fait sa carrière professionnelle à la direction d’une grande firme américaine, d’abord aux États-Unis puis en France.

 

Charles Grivotet

Le second, son fils, Charles Grivotet, travaille actuellement comme ingénieur au sein d’une entreprise aéronautique internationale et réside d’une façon permanente aux États-Unis, depuis dix ans.

 

 

 

Comment expliquez-vous l’élection en 2016 de Donald Trump ?

Gérard Grivotet : En 2016, le contexte était favorable pour Donald Trump car l’économie américaine, après avoir subi la crise des “subprimes” de 2007 à 2008, s’était redressée. Trump n’a pas hésité à s’attribuer le bénéfice de cette amélioration. Il a également aussi profité du mouvement « dégagisme » qui a éliminé beaucoup de « vieux politiciens professionnels » et entraîné l’élection de leaders populistes dans de nombreuses démocraties. Le candidat Donald Trump avait promis des baisses massives d’impôts et d’importants investissements dans les infrastructures. Sur le plan du commerce international, il avait clairement exprimé sa défiance envers le libre-échange et les accords qu’il considérait comme défavorables aux intérêts du peuple américain. Il a ainsi dénoncé de nombreuses conventions internationales, diminué la participation américaine dans plusieurs organismes mondiaux (ONU, OMS…). Il a utilisé la hausse des droits de douane comme moyen de pression notamment envers le Mexique, le Canada, la Turquie, l’Europe et la Chine que Trump considérait comme le principal adversaire commercial et technologique des US. Par ailleurs Trump bénéficiait d’une image de « business man qui a réussi », qui plaît énormément aux américains moyens à la culture complètement différente de la nôtre.

 

 
Alors, pourquoi n’a-t-il pas été réélu ?

Gérard Grivotet : Trump a tenu en partie ses promesses démagogiques mais au prix d’un fort accroissement de la dette publique fédérale. Malgré les mesures protectionnistes, le déficit commercial des États-Unis a continué à se creuser en passant de 502 milliards de dollars en 2016 à 617 milliards de dollars en 2019. Donald Trump aurait néanmoins pu être réélu contre Joe Biden qui représente l’archétype des politiciens rejetés en 2016. Donald Trump a été victime de lui-même par son excentricité, sa personnalité caractérielle, sa mégalomanie et son inconstance.

 
Qu’elles furent les conséquences des années Trump sur les échanges des US avec l’Europe et la France ?

Gérard Grivotet : Les grandes entreprises américaines sont implantées en Europe avec des unités manufacturières importantes. Il existe un flux d’importations et d’exportations entre les deux continents qui s’équilibrent pratiquement. Pour l’Europe, les années Trump n’auront pas eu tellement d’impacts sur ces échanges commerciaux. Idem pour la France, mis à part des secteurs comme les vins, les fromages et les produits français dits « de luxe », mais les demandes des consommateurs américains sont telles que tout va très vite rentrer dans l’ordre.

Charles Grivotet : Il y a eu en effet quelques taxes sur des produits français en réponse à la “taxe nationale sur le numérique” qui a été imposée notamment à Amazon, Facebook et Google. C’est caractéristique de la politique de Donald Trump qui, au lieu de négocier, sanctionne violemment telle une brute dans une cour d’école : Celui qui me frappe, je le frappe encore plus fort.

 
Que peut changer, pour notre pays, l’élection de Joe Biden ?

Charles Grivotet : L’arrivée de Biden permettra certainement d’avoir une politique plus pragmatique avec des négociations authentiques et moins d’impulsivité. N’oublions pas que Joe Biden a choisi, comme Secrétaire d’État, Antony Blinken, un francophile ayant vécu en France. Cette nomination permettra sans doute de raviver les relations qui ont été abîmées au cours des tumultueuses dernières années.

 
Qu’en sera-t-il pour les relations internationales ?

Gérard Grivotet : En matière de politique étrangère, Joe Biden entend privilégier les rencontres bilatérales avec ses homologues internationaux. C’est un changement radical après quatre ans de tweets assassins envoyés par Donald Trump. Le Président élu a d’ores et déjà annoncé son souhait, dès la première année de son mandat, de réunir un sommet sur les valeurs démocratiques. Il est par ailleurs favorable au maintien des Etats-Unis dans l’OTAN.

Sur le plan commercial, l‘arrivée de Joe Biden ne changera pas radicalement les échanges avec l’Europe et la France. Dans les pas de Donald Trump et son « America first », le démocrate Biden désire mettre en avant les produits fabriqués aux États-Unis. Il a annoncé vouloir consacrer 400 milliards de dollars aux achats de produits américains par le gouvernement fédéral. Néanmoins, étant plus favorable au libre-échange que Donald Trump, Joe Biden pourrait revenir sur les taxes de certains produits européens, dont les vins français, taxés actuellement à 25%. Par contre, le bras de fer avec la Chine ne devrait pas faiblir sous Biden.

 
De nombreux Français partent aux US pour y travailler, vous l’avez vécu. Y a-t-il eu des difficultés particulières sous Donald Trump ?

Charles Grivotet : Donald Trump n’a pas facilité l’immigration aux États-Unis, en faisant souvent l’amalgame entre immigration légale et illégale. Son cheval de bataille était d’ailleurs de construire une barrière physique entre les États-Unis et le Mexique pour empêcher l’immigration. En 2019, le Département d’État a revu à la baisse la validité de certains visas pour les Français, passant ainsi de 5 ans à 15 mois. Alors qu’il n’y a eu aucun changement pour la durée des visas des américains venant en France, les autorités US ont légitimé leur mesure restrictive en prétextant que les américains souhaitant séjourner en France subissaient une contrainte identique…

Depuis le mois de mars 2020, dans le cadre de la pandémie de Covid-19, Donald Trump avait mis en place une interdiction : le « “Travel Ban” pour les ressortissants de l’espace Schengen souhaitant se rendre aux États-Unis. Les cas de Covid-19 étant bien plus importants aux États-Unis qu’en Europe, nous verrons si Joe Biden décidera de procéder autrement…

Gérard Grivotet : Dans les 30 dernières années, la politique d’immigration aux US a toujours été restreignante. Pour les touristes les séjours sont limités à trois mois. Toutes les personnes qui ont vécu une « expatriation » professionnelle vers les US connaissent les difficultés des étapes administratives. Elles sont d’ailleurs souvent gérées par les entreprises elles-mêmes et/ou des cabinets d’avocats. Donald Trump voulait démontrer ostensiblement sa volonté de mettre un frein sérieux à l’immigration vers les US, même en faisant l’amalgame entre immigration légale et illégale. Mais ne nous faisons pas d’illusions, avec l’arrivée de Joe Biden, l’immigration américaine restera une immigration « choisie » et stricte.

Propos recueillis par Jean-Paul Briand

Photo de Une : Joe Biden, nouveau Président des Etats-Unis, prendra place à la Maison Blanche le 20 janvier 2021. Photo Pixabay

Commentaires

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  1. Merci beaucoup pour cet éclairage “vivant” d’une situation complexe où il est probable que certaines idées de Great America soient plus durables que celui qui les a tweetées.

  2. une question comme ça : “Biden fermera-t-il Guantanamo ?”, ce que le prix Nobel de la Paix Obama n’a pas fait.

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