Des Floraisons, un festival de danse en huis clos à la Scène nationale d’Orléans

Pour que les jeunes compagnies de danse émergentes de la région centre ne soient pas trop pénalisées par la situation, la Scène nationale d’Orléans a maintenu son festival des Floraisons prévu cette fin de semaine. En huis clos, règles de confinement obligent. Seuls quelques professionnels ont pu y assister, pour choisir les spectacles de leurs prochaines programmations.

A découvrir: deux spectacles Des Floraisons

Nous avons demandé à deux artistes des premières représentations comment ils vivaient cette période étrange où ils ne peuvent pas exercer leur métier pleinement.

Jeanne Alechinsky, tout d’abord, qui dansait Mon vrai métier c’est la nuit, avec son complice et associé Yohan Vallée. Une réflexion très physique sur les minorités, visibles ou non, sur l’ombre.

Mon vrai métier c’est la nuit © Benoît Erwann Boucherot

« Nous n’avons pas de lieu de création. On a été soutenu par nos réseaux professionnels qui nous ont donné résidence dans leurs lieux. C’est de l’aide à la création pour les émergents, et ça fait du bien.

Il y a nécessité de faire du lien avec les gens, surtout quand on parle d’un tel sujet. L’artiste de spectacle vivant, c’est quelqu’un qui travaille avec le lien physique, émotionnel.

On reçoit beaucoup de choses qu’on voudrait transmettre, des visions, de la poésie. Par exemple, un geste qu’on a vu dans un hosto psy, on l’a travaillé, on le refait. On écrit de façon assez particulière avec Yohann, on ne répète pas les gestes, on les fait les uns après les autres. Chacun a une histoire, est nécessaire. C’est très lié à un travail émotionnel. C’est pour ça que j’étais très heureuse de danser, jeudi. Manifester ce que j’ai reçu.

“Comme un canal”

Je me sens comme comme un canal : oui, c’est moi, c’est mon idée, oui, j’ai créé, mais surtout je dois transmettre. Un canal, un médium qui peut toucher les gens de façon universelle. Et c’est pour moi nécessaire qu’on puisse reprendre un jour ces activités de spectacle. Ca arrivera, je ne suis pas inquiète, mais c’est vrai que ça nous permet de nous rendre compte combien c’est important… »

Malgré toutes ces difficultés de représentation, Jeanne voit l’avenir calmement. « On est devenus artistes associés d’un théâtre à Paris, l’Etoile du nord, pour nous soutenir à la fois dans la diffusion de ce spectacle et sur la création du prochain, en mars 22. Si on arrive à boucler un budget, ce qui n’est pas évident. Mais oui, on repart sur une autre création, tous le deux, avec un musicien sur le plateau, qui jouera en live, un travail sur la solitude, Porte vers moi tes pas. »

Autre spectacle, autres créateurs. Melting Times, interprété par Eva Klimackova, qu’elle a chorégraphié avec son ami Laurent Goldring. Lui est chorégraphe et plasticien. Par son travail de vidéo, il collabore avec danseurs et chorégraphes. Il travaille sur leur corps en vidéo, et à partir de ça, une performance se monte, parfois en relation avec une structure

Melting Times DR

«  Il y a clairement une volonté politique et économique de faire basculer l’ensemble des activités vers le numérique, que ce soit au niveau du travail comme au niveau des représentations. Le spectacle vivant doit cesser d’exister. J’ai toujours fonctionné sur la ligne entre spectacle vivant et image : ce que j’essaye de penser, c’est le lien entre l’image et une certaine forme de réel. L’exploration des corps pour les films vaut pour la scène, et c’est cet équilibre là qui est en train d’être rompu. Mais être pluridisciplinaire, c’est très beau sur le papier, très compliqué dans les faits.

“L’immense bazar habituel”

La situation actuelle ne change pas énormément par rapport à l’immense bazar habituel.

Il me paraît important de remettre tout ça dans la perspective d’industrialisation du travail intellectuel qui est en train de se passer. Comme on a industrialisé le travail manuel. Pour arriver au désastre de la fin de l’artisanat et de la mort de l’expertise. Il y a eu quelques activités de luxe qui se sont maintenues à titre résiduel.

Culturellement, c’est ce qui se passe. Tout ce qu’il est possible de transformer en matière interchangeable est en train d’être fait. Le spectacle vivant ne peut survivre qu’à l’état résiduel, comme l’opéra, très luxueux et très réservé.

C’est intéressant de mettre cela en parallèle avec bouquin de Christophe Lasch La révolte des élites et la trahison de la démocratie ; comment différents territoires en partie culturels, en partie touristiques, ont été reconfisqués, comme si le résultat de la démocratie, c’était des clusters partout. »

Propos recueillis par Bernard Cassat

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