[Indre] Plus de 120 000 euros requis contre l’abattoir du Boischaut

Mercredi 20 janvier s’est tenu à Châteauroux le procès pour maltraitance animale de l’abattoir du Boischaut et de ses employés. Parmi les parties civiles, l’association L214 qui avait dévoilé des images chocs en novembre 2018 et poussé à la fermeture du site.

Maltraitance animale

Le 20 janvier, au tribunal de Chateuaroux s’est tenu le procès contre l’abattoir du Boischaut (Indre). ©Morgane Thimel

Les images étaient encore vivaces dans la mémoire de l’ensemble des participants. Parties civiles, avocats ou magistrats, tous avaient détaillé plus de trois heures de vidéos où l’on peut voir vaches, veaux, agneaux et chevreaux être maltraités quelques secondes avant d’être abattus. Ces séquences parfois à la limite du soutenable, tournées entre fin août et début septembre 2018 dans l’abattoir du Boischaut, à quelques kilomètres de la Châtre (sud de l’Indre), avaient choqué au point d’entraîner sa fermeture immédiate sur ordre du Ministre de l’agriculture de l’époque, Didier Guillaume. Dans la foulée, l’association L214, à l’origine de la diffusion des images, portait plainte pour maltraitance animale.

Maltraitance animale

Image extraite de la vidéo de l’association de défense animale L214. Ici un bovin. Crédit L214

Mercredi 20 janvier avait lieu le procès de la communauté de communes de la Châtre-Sainte-Sévère, gestionnaire du site, et de trois employés devant la chambre correctionnelle de Châteauroux. Analyse des images, des actions, du fonctionnement de la structure, de ses investissements… Le président d’audience Philippe Vignon a passé tout au crible malgré l’absence, remarquée, de responsables ou d’élus de la collectivité. Sur le banc, les trois opérateurs étaient seuls, à la fois assommés et circonspects, peu habitués au cérémonial d’un procès. « On aime tous les bêtes… on ne comprend pas pourquoi nous on se retrouve là et pas les autres. On était dix à y travailler. Et là, on est juste trois », lâche le plus âgé, Gérard*, dans la salle des pas perdus, un peu désabusé. Lui est entré à l’abattoir en 2007 ou 2012, il n’est plus très sûr. Comparé à ses deux collègues, ce cinquantenaire passerait presque pour un « petit gabarit ». Julien* et Quentin*, respectivement 39 ans et 25 ans, sont moulés dans des sweats et des pantalons de travail noirs. Les épaules larges, des bras comme des cuisses, ils baissent la tête comme deux gamins dans le bureau du directeur. Le premier est en poste à La Châtre depuis sept ans. Le second était juste de passage, quelques mois de contrat pour compléter ses revenus d’éleveur.

Du personnel pas assez nombreux, pas assez formé

Tour à tour, ils décrivent les scènes extraites des vidéos dans lesquels on les voit maltraiter, un peu malgré eux, les animaux qu’ils devaient abattre. « Avez-vous suivi une formation ? », demande systématiquement le président. Quelques jours épars de théorie à Paris évoquent les anciens. « On n’avait pas vraiment de formation, reconnaît Gérard. Mais, bon, moi, je viens d’un milieu rural, j’ai vu mes parents tuer le cochon quand j’étais jeune. » « Enfin, il y a une différence entre faire ça une fois l’an et abattre vingt-cinq vaches par jour », rétorque Philippe Vignon. Leurs témoignages détaillent le fonctionnement, la polyvalence pour compenser le manque d’effectif. « En plus de l’étourdissement, j’étais à l’éviscération. On m’a montré deux fois comment il fallait faire et c’était mon tour », précise Quentin. Comme ses deux collègues, il a le sentiment d’être le bouc-émissaire de tout un fonctionnement. « J’ai voulu bien faire en venant travailler à la Châtre et voilà le résultat. »

Maltraitance animale

Image extraite de la vidéo de l’association de défense animale L214. Ici un ovin. Crédit L214

Conscients des problèmes, les opérateurs faisaient de temps en temps remonter l’information à une hiérarchie déjà au courant mais bien en peine de résoudre ces dysfonctionnements. Pour satisfaire les besoins de ce territoire rural et des éleveurs voisins, la communauté de communes avaient accepté en 2014 de reprendre la gestion de ce site qui était, auparavant, en délégation de service. Sans trop savoir ce qui les attendait « Ce n’est pas à l’élu de s’occuper de tout ça », indiquait François Daugeron, le président de la collectivité en audition. « Je n’avais pas le pouvoir de m’en occuper, juste de faire remonter les informations », précisait dans les mêmes circonstances René Génichon, en charge de la commission abattoir.

Après avoir investi 1,5 million d’euros en 2016, la communauté de communes s’était dite dans l’incapacité de poursuivre les investissements pour la mise au nombre des équipements. Une décision qui avait poussé le directeur à bout. Depuis le printemps 2018, il était en arrêt maladie. Depuis, les problèmes s’accumulaient : les lignes non adaptés à la variété de taille des animaux, le matériel défaillants, des défauts dans les circuits d’évacuation, le manque de personnels… Allant jusqu’à entraîner des délits sur l’environnement constatés lors de l’enquête ultérieure. Du sang de cochon s’est ainsi retrouvé dans le circuit des eaux usées et des jus (fluides corporels des animaux) dans la nature.

Maltraitance animale

Image extraite de la vidéo de l’association de défense animale L214. Ici un chevreau. Crédit L214

« Trop de règles tue les règles », lâche Julien, volontairement un peu provocateur, quand vient son tour. Murmures de désapprobation du côté des parties civiles. Alignés sur un banc où ils respectent tout juste la distanciation sociale, se tiennent les avocats d’associations de protections des animaux : L214, en principal accusateur, aux côtés de One Voice, la fondation Brigitte Bardot et l’association Stéphane Lamart. « Au bout d’un moment, quand on est seul, il y en a trop pour pouvoir toute les respecter, réexplique le trentenaire. Je pouvais pas faire autrement. » C’est contre lui que la liste des infractions est la plus longue. Ses mots rappellent la vérité de leur métier, ceux du président prennent de la hauteur. « On est tous conscients du rôle de l’abattoir mais pour autant il faut être dans les meilleures conditions pour le respect des animaux et des normes d’hygiène. »

Au fur et à mesure, les témoignages donnent à voir leur quotidien où la volonté de remplir une mission d’utilité publique notamment pour la filière d’élevage locale a petit à petit effacé la sensibilité des bêtes. Ils mettent également en lumière la tolérance, parfois excessive, des services vétérinaires, pourtant présents sur place, quant aux pratiques des opérateurs. « Tout le monde sait et pour autant, rien ne se passe. Pas une seule suspension ou arrêt. Sans la médiatisation et L214, cela aurait continué, rappelle ainsi Hélène Thouy avocate de l’association dans sa plaidoirie, qui reprécise que 70 % des abattoirs en France ne respectent pas les normes. Nous souhaitons ici dénoncer les problèmes structurels, pas les salariés qui sont, eux, dans ce système. »

Des compensations au nom de la cause animale

À tour de rôle, les avocats ont demandé des compensations – variées – au nom de la cause animale. Quand L214 a souhaité que chacun leur verse un euro symbolique, l’association Stéphane Lamart demandait attendre entre 1 000 et 2 000 euros par accusé en intérêts civils. « Des demandes inadaptées et déraisonnables », selon l’avocate des trois prévenus, qui demandaient leur relaxe.

A l’encontre des deux plus jeunes accusés, la substitut du procureur, Wiebke Trumm, a requis une amende de 400 euros par contravention de 4e classe, 21 reprochés pour Julien et 5 pour Quentin. Faute d’images suffisamment convaincantes et incriminantes à son égard, aucune peine n’a été requise contre Gérard. Quant à la communauté de communes, l’amende pourrait être salée avec une peine requise de 100 000 euros pour les délits sur l’environnement, 5 000 euros pour chacune des trois contraventions de 5e classe et 2 000 euros pour chaque contraventions de 4e classe, quatre en tout. Le verdict a été mis en délibéré par le tribunal et sera rendu le 7 avril prochain.

Volontairement ignoré au cours de l’audience, la question de l’obtention des images-vidéos par l’association L214 est resté en suspens. Elle fera l’objet d’un second procès puisqu’une plainte avait été déposé par la communauté de communes de la Châtre et Sainte-Sévère dès octobre 2018 à la découverte du tournage pour intrusion et captation d’image d’un lieu privé.

Morgane Thimel

* Les prénoms ont été modifiés

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Commentaires

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  1. Moi, ce qui m’étonne le plus, c’est ce qu’on apprend à la fin de l’article: une plainte pour avoir capturé des images de faits délictueux…Chouette, si ça continue comme ça, on peut imaginer bientôt pouvoir porter plainte contre l’État quand un radar nous prend en excès de vitesse, ou contre la société qui l’exploite… parce on ne nous a pas demandé notre accord! Je crois rêver: un peu de sérieux, Messieurs-Dames de la Communauté de Communes: n’aggravez pas votre cas par une plainte inutile qui ne va nourrir que les avocats… Enfin, c’est tout ce que j’en pense sans être lié ni proche des associations plaignantes…

  2. oui quelle honte heureusement que les associations sont présentes pour assister les animaux qui subissent ces horreurs;
    que fait le maire que font les services de contrôle étatiques???vraiment français manger moins de viande par pitié pour eux; et pour l ‘avenir de la planète

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