Les belles histoires de solidarité d’Accueillir 45

Accueillir 45 est une association orléanaise d’hébergement d’exilés demandeurs d’asile. C’est un réseau constitué de citoyens qui a officialisé son action, entre les deux confinements, par la création d’une association. Avec la joie de voir des jeunes adultes, comme Kabine, se reconstruire en France après avoir fui leur pays d’origine.

Céline et Denis ont hébergé et soutenu Kabine durant deux mois par le biais d’Accueillir 45 © SD

La rencontre a lieu à Orléans autour d’un café dans une jolie maison en bois, nichée dans une venelle. C’est ici que vivent Céline et Denis Dupont et leurs enfants. Un couple qui s’est lancé à l’été 2020 dans l’accueil et l’accompagnement de majeurs étrangers par le biais de l’association Accueillir 45. Et ils ne le regrettent pas : « Avoir reçu Kabine chez nous (un jeune adulte africain arrivé en France en 2017 dont vous pourrez découvrir l’histoire en fin d’article) nous a apporté une grande ouverture d’esprit », estime Céline . “C’est un autre regard sur l’autre, ça aide à comprendre le fonctionnement du monde mais surtout ça remet les choses à leur place. Ça permet aussi de se dire que l’on est nés du bon côté de la Méditerranée. »

 Des règles simples d’accueil et d’accompagnement

Si l’association Accueillir 45 est née entre les deux confinements, elle est en fait issue de plusieurs familles qui accueillent depuis plusieurs années dans leur foyer des migrants comme l’explique Boris : « On a toujours accueilli des gens ma femme et moi. On trouve cela naturel. »

En juin 2019, ces familles ont souhaité se réunir en réseau pour fournir un cadre aux familles d’accueil et aux personnes accueillies avec l’adoption d’une charte d’accueil. Ainsi les familles qui adhèrent à l’association, une vingtaine aujourd’hui, s’engagent à accueillir une personne majeure durant cinq semaines au moins, deux fois par an. « Mais dans la réalité, elles accueillent beaucoup plus longtemps », précise Nathalie Grenon, l’une des six membres du comité d’animation et de coordination d’Accueillir 45 qui poursuit : « Le fait de changer de famille toutes les cinq semaines peut paraître contraignant pour les personnes accueillies, mais cela permet aux familles de se retrouver entre deux accueils, et aux accueillis de découvrir des familles françaises ayant chacune leurs règles, leurs façons de vivre, avec des habitudes culinaires différentes. C’est une très bonne base pour leur intégration future car tous les sujets sont abordés en famille, y compris les règles de la République, comme la laïcité. »

 Un accueil de qualité pour ces exilé(e)s

Car en plus d’offrir un lieu à ces personnes pour se poser et se reconstruire, un toit ainsi qu’un petit déjeuner et un repas par jour (sans contrepartie), l’accueilli est en lien, quand il intègre le réseau, avec un(e) référent(e). L’objectif est de l’aider à construire son projet personnel et professionnel en l’orientant et l’accompagner si nécessaire vers les structures ad hoc.

Nathalie Grenon, l’une des coordinatrices d’Accueillir 45 ©SD

Une importante responsabilité souligne Nathalie Grenon, « le référent est un membre d’Accueillir 45 qui dès le départ, fait le lien entre la personne accueillie et les familles. Il peut être sollicité à tout moment par les uns et les autres ». Un dispositif certes modeste mais efficace qui a permis l’accueil de 6 adultes en un an (en 2020, 1960 nuitées ont ainsi été proposées par ces familles).

L’association cherche à intégrer de nouvelles familles d’accueil, des référents ou des soutiens ponctuels. Elle reste souple également sur la durée d’accueil dans les familles. Ainsi certaines familles proposent de prolonger le séjour d’une semaine ou deux car comme l’explique Kabine, « 5 semaines c’est parfois court pour créer des liens ».

Si vous souhaitez vous informer, accueillir ou devenir adhérent de cette association, voire devenir donateur, vous pouvez envoyer un mail à accueillir45@laposte.net

À lire aussi : un collectif d’associations appelle à manifester l’hospitalité vis à vis des personnes migrantes

Le “voyage de survie ” de Kabine

Kabine, jeune adulte africain accompagné par Accueillir 45 © SD

Enfin, il faut vraiment prendre le temps de lire l’histoire de Kabine pour comprendre ce que doit endurer une personne contrainte de quitter son pays, ses amis, ses études, pour devenir « un migrant ». Par sécurité, nous dirons qu’il vient d’un pays d’Afrique de l’Ouest où il préparait tranquillement son baccalauréat avec le rêve « d’étudier les relations internationales ». Toutefois, ses convictions religieuses vont l’obliger à fuir sa propre famille en 2016 pour échapper aux menaces dont il est victime : « C’est mon oncle paternel qui m’a incité à partir et m’a aidé financièrement. » Commence alors un véritable « voyage de survie ». Kabine doit d’abord traverser en bus, et sans papiers, plusieurs pays d’Afrique. « J’avais la peur au ventre tout le temps. Peur d’être recruté par des réseaux islamistes et obligé de devenir un terroriste. » Puis il arrive en Libye. Il y restera un an en faisant des petits boulots, entre racketteurs et mauvais payeurs, pour arriver enfin à se payer le passage jusqu’à l’Europe. « À cette époque explique-t-il, j’étais juste heureux d’être en vie. »

 Un périple long et éprouvant

 La traversée à bord d’un bateau gonflable, bondé, a lieu de nuit avec le risque de chavirer à tout moment. Le lendemain après-midi, les personnes sont prises en charge par l’Aquarius et sont débarquées en Italie. Kabine qui parle le français prend alors un bus, puis un TGV qui le conduit à Paris. « Les gens couraient partout, c’était très déstabilisant pour moi ». Il traverse la Seine et prend le premier train en partance de la gare d’Austerlitz. C’est ainsi qu’il se retrouve à Orléans. Sur place un « compatriote » accepte de l’aider : « Il a appelé le 115 pour me trouver un hébergement d’urgence et surtout il est revenu le lendemain avec une puce pour mon téléphone. » Suivront des cours de français grâce à l’association Olivet Solidarité, le dépôt d’un dossier à l’OFPRA. C’est l’été et le 115 ne peut plus l’héberger. L’association Welcome va prendre le relais, puis enfin, l’aide précieuse d’Accueillir 45 qui outre l’hébergement l’aide à monter son dossier devant la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile).

Et cette histoire-là se termine bien puisque Kabine a obtenu une carte de séjour de 10 ans fin 2020. Il est actuellement en apprentissage pour devenir maçon. Il n’exclut pas toutefois de retourner dans son pays « s’il n’y a plus de danger ».

Sophie Deschamps

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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