La Rocade de Bourges passera au-dessus de l’Histoire

Avant que le bitume ne recouvre la zone, des fouilles préventives ont été effectuées sur l’emprise de la future rocade Nord-Ouest de Bourges. Une zone d’habitat d’un premier millénaire mais aussi une sépulture collective néolithique ont été découverts. Ce dernier type de pratique funéraire est inédit pour Bourges et sa région, et semble relié à une méthode d’inhumation commune déjà relevé dans le Bassin parisien.

Archéologie

La couche d’inhumation a été scrupuleusement fouillé et expertisé. ©Laure Pecquer Inra

Les photos prises par les chercheurs de l’Inrap à l’automne dernier sont comme autant d’évidences : le chemin creux médiéval qui semble pourtant avoir été abandonné voilà six ou sept siècles, est perceptible, les trous des poteaux sont bien là, la sépulture n’est pas seulement un enchevêtrement d’os et de squelettes. Ces images ont été révélées lors de la présentation commune avec l’Institut national de recherches archéologiques préventives, des premiers résultats des deux opérations de fouilles archéologiques réalisées sur le tracé de la rocade Nord-ouest de Bourges, à Saint-Doulchard, en 2020.

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Vu de détail d’un individu en connexion. Il est accompagné de quelques objets situés sur son thorax. ©Laure Pecqueur Inrap

Les ornières creusées par de lourds chariots étaient parfaitement visibles après les travaux menés par les archéologues de l’Inrap et de Bourges Plus sur le tracé. Ces fouilles, réalisées sur prescription de l’État, durant quatre mois, de juillet à novembre dernier, ont ainsi mis à jour un site d’occupation du haut moyen-âge mais aussi une sépulture collective du Néolithique récent (3100 – 2900 avant notre ère). Ce dernier type de structure était jusqu’à maintenant inconnu dans le département. Sur une surface « fouillée » de 1,5 hectares, d’autres vestiges, du Mésolithique jusqu’à l’époque médiévale, ont été découverts. Si la documentation de l’histoire de Bourges est déjà étoffée, les découvertes dans sa « banlieue » sont toujours importantes pour la compréhension historique. Déjà, en 2017, sur la commune de Vasselay, deux gisements archéologiques avaient livré une partie de leurs secrets. Sur le premier, qui datait de l’âge du Bronze (entre 1150 et 900 avant J.-C.), ont avait alors découvert une zone d’habitat. Quant à la seconde, elle concernait des fosses d’extraction, des silos pour le stockage du grain, ainsi que des fosses à déchets liées à un habitat du début de l’âge du Fer (entre 800 et 510 avant J.-C.).

Plus de quarante individus enterrés collectivement

Selon les premières constations du rapport de fouilles conduites sous la direction scientifique des chercheurs de l’Inrap, Laure Pecqueur et Alexis Luberne, la sépulture, une fosse rectangulaire, longue de quatre mètres pour 1,75 mètre de large, devait probablement posséder une architecture en bois afin de rendre accessible la sépulture et permettre le dépôt de nouveaux corps. « Elle se devine par une délimitation rectiligne visible tout autour des ossements. De même, la disposition variée des corps au sein de la chambre sépulcrale laisse penser à un accès par le dessus de la sépulture. La tombe a livré de nombreux squelettes fortement imbriqués au sein d’une seule couche d’inhumations. Elle résulte de l’accumulation de corps en raison d’apports successifs tout au long de l’utilisation de la sépulture. Les observations effectuées sur le terrain permettent de comprendre les modalités et la chronologie de dépôt des corps. Les squelettes ont le plus souvent conservé leur intégrité anatomique, indiquant peu de remaniement. On observe peu de regroupement d’ossements, signe du faible encombrement de la chambre sépulcrale. »

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Au premier plan, la zone d’occupation du haut-moyennage. A l’arrière, la sépulture néolithique est protégée par une tente. Le chemin médiéval se trouve à l’arrière de la sépulture… ©Laure Pecqueur Inra

 

Une quarantaine d’individus ont été comptabilisés dans la tombe, tant des hommes, des femmes, que des enfants ou des adolescents. Aucun espace ne paraît avoir été dévolu à une catégorie précise d’individus. Des analyses, ADN « si nous en trouvons » entres autres, devraient enrichir, au cours de cette année, les informations sur cette population. Sur le site on a retrouvé peu de mobilier mais des outils de silex, des fragments de céramiques « mal conservés et dispersés ainsi que quelques éléments en os ou bois de cerf », comme des poinçons, des gaines d’emmanchement, des outils.

Pour Laure Pecqueur, cette forme d’inhumation est une rareté en Berry. « Cette sépulture inédite pour Bourges et sa région, semble reliée au phénomène de l’inhumation collective bien connu dans le Bassin parisien, qui se généralise à partir du milieu du IVe millénaire avant notre ère », explique-t-on dans le rapport.

Pour les amateurs, pas la peine de se déplacer, le site est désormais sous la rocade. Il faut bien que les voitures et l’Histoire avance.

Fabrice Simoes

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