Le collectif régional HF : où sont les femmes cheffes dans la Culture ?

Suite de notre série sur les collectifs. Coup de projecteur aujourd’hui sur le collectif régional HF (Hommes-Femmes). Comme tous les autres collectifs HF de France celui du Centre-Val-de-Loire, créé en 2017,  ambitionne de faire plus de place aux femmes cheffes dans le domaine de la Culture, en visant à terme la parité, ce qui est loin d’être le cas à ce jour.

Cécile Loyer, présidente Collectif HF Centre-Val-de-Loire. ©Geraldine Aresteanu

On pourrait penser que dans la Culture, les femmes sont les bienvenues, y compris à des postes de responsabilité. Or, il n’en est rien comme le révèle en 2006 un rapport de Reine Prat, alors haute-fonctionnaire au Ministère de la Culture. « Ce rapport a eu l’effet d’une bombe car il révélait de nombreuses inégalités et discriminations avec des femmes très peu présentes et très peu visibles dans les lieux de pouvoir, explique Cécile Loyel, 48 ans, présidente depuis juin 2020 du collectif HF du Centre Val de Loire, mais ensuite sur le terrain rien n’a bougé, puisqu’un second rapport en 2009 a montré que la situation avait empiré notamment dans le domaine de la danse. C’est la honte car même l’armée fait mieux. » 

Un premier collectif HF voit ainsi le jour en Rhône-Alpes en 2008. Suivi par beaucoup d’autres dont celui du Centre-val-de-Loire en 2017 car notre région ne fait pas mieux avec seulement une directrice de Scène Nationale sur six à la Halle aux Grains à Blois (Catherine Bizouan) mais tout de même depuis quelques années la parité pour les deux CCN (Centres Chorégraphiques Nationaux) avec une femme à Orléans (Maud le Pladec) et un homme à Tours (Thomas Lebrun) ainsi que pour les deux CDN (Centres Dramatiques Nationaux) : Séverine Chavrier à Orléans et Jacques Vincey à Tours.

« Les hommes sont des chefs, vous devez vous y faire ! »

En 2017, la danseuse-chorégraphe Cécile Loyer a donc l’idée avec d’autres femmes de monter un collectif HF en région en temps que directrice-fondatrice de La Pratique (AFA, Atelier de Fabrique Artistique créé en 2011 dans le Berry à Vatan, dans l’Indre) : « En discutant avec différentes personnes, je me suis rendue compte que les femmes s’organisent très peu en réseaux. » Pour tenter d’y remédier,  elle organise alors des résidences pluridisciplinaires uniquement pour des artistes femmes où chacune est invitée à venir avec une artiste de son choix. « Je fais ça pour leur donner de la place, du temps de travail, de la visibilité mais aussi pour les faire se rencontrer. Mais en fait, ça a été très compliqué à mettre en place car les femmes ne voulaient pas venir uniquement pour leur qualité de femme mais pour leur travail. Elles avaient l’impression d’être choisies par défaut ».

Du coup, Cécile Loyer organise une table-ronde avec des responsables culturel.le.s de la Région  et des membres du collectif HF d’Île-de-France et c’est à l’issue de cette table-ronde que le collectif HF du Centre-Val-de-Loire est créé. Logiquement, Cécile Loyer va chercher de l’aide financière auprès de la DRAC du Centre-Val-de-Loire, qu’elle obtient. Ce qui n’empêche pas son conseiller culturel (il est à la retraite aujourd’hui) de lui balancer : « Les hommes sont des chefs, vous devez vous y faire ! » Comme réponse, on peut lui renvoyer la célèbre phrase de Françoise Giroud : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. »

L’enquête régionale de 2020

membres du collectif HF, Cécile Loyer, présidente Charlotte Bartissol, Trésorière et Julie Delille, secrétaire ©Florence Leclerc pour le collectif HF

Le premier travail de ce collectif va être de faire un état des lieux de la place des femmes dans la culture en Région Centre-Val-de-Loire : « Au départ, nous n’avions pas du tout envie de le faire, parce que nous sommes un petit collectif et de surcroît bénévoles. Nous voulions plutôt proposer des formations aux étudiant.e.s, travailler sur les journées du matrimoine. » Mais L’étude met en lumière les inégalités constatées partout en France : « Il y a beaucoup de femmes dans la culture, mais elles sont à la tête de petites structures, elles font tout, l’administration, la direction artistique… Mais plus il y a d’argent dans la structure avec du personnel à gérer, plus elles disparaissent. » Une réelle invisibilité et surtout niée : « Lors de rendez-vous, on nous disait “mais non, les choses changent…” alors que non, on ne fait qu’en parler mais depuis 15 ans rien ne change concrètement ».

Cette enquête très fouillée a aussi permis au collectif HF de formuler des revendications très précises comme rendre obligatoire l’éga-conditionnalité « c’est-à-dire que l’attribution des subventions publiques doit se faire en fonction d’un objectif d’égalité, dans les lieux de diffusion mais aussi  dans les programmations.» Et ça marche. Par exemple, le conseil régional a adopté en 2018 une feuille de route « sur laquelle il est écrit noir sur blanc que l’égalité femmes-hommes doit devenir un automatisme ».

Un collectif très actif 

Après cette enquête, ce collectif qui regroupe aujourd’hui une cinquantaine d’adhérents dont une quinzaine de lieux culturels de la Région ne chôme pas. Citons son implication dans les Journées du Matrimoine (lancées en septembre 2015  par le collectif HF d’Île-de-France) avec l’accueil en 2019 à La Pratique de l’exposition « Don’t Fuck With Me » de la photographe Géraldine Aresteanu et les textes de Patricia Louisor-Brosset. 

Expo “Don’t Fuck With Me”, Journées du Matrimoine à La Pratique, 2019 © Florence Leclerc pour le collectif HF

La crise sanitaire n’a pas non plus ralenti ce collectif HF avec notamment des conférences-ateliers virtuelles sur le Matrimoine avec par exemple l’intervention d’Aurore Evain, metteuse en scène, chercheuse spécialiste de l’histoire des femmes dans le théâtre et la musique. D’autres conférences sont en préparation autour de sujets très variés comme la musique, l’écoféminisme…avec l’idée d’impliquer les adhérent.e.s : « On leur demande de nous faire remonter des problématiques, des questions, des envies afin de monter d’autres conférences, pour l’instant en ligne. »

Autre initiative, Human Tech Days élaboré avec le Fun Lab de Tours. Le concept est simple : créer des pages Wikipédia dédiées aux femmes « oubliées » ou « invisibilisées ». La première sera consacrée à Reine Prat, un clin d’œil à celle qui a tout déclenché grâce à ces rapports (voir début article). 

Par ailleurs, une BD sur l’écriture inclusive est en cours avec déjà 6 panneaux que le collectif aimerait diffuser dans les médiathèques de la Région, et bien sûr en septembre 2021  lors des Journées du Matrimoine.

A noter enfin le projet de faire remonter des structures régionales toutes les bonnes pratiques culturelles en matière d’égalité Hommes-Femmes. Bref la musette de ce collectif est pleine à craquer.

Lire aussi : Maud le Pladec, marraine du programme de mentorat féminin Affranchies !

Sophie Deschamps 

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