Brèves de terrasses entêtées

En refaisant le trottoir, les terrasses des bars favorisent les rencontres demi-mondaines. Par sainte Nitouche et saint Pansard, d’une ville-préfecture à l’autre, on y croisa du beau monde, entre verbiage et verbalisation. En mai, fait ce qu’il te plaît, mais avec beaucoup de modération.

« La terrasse, ça fait vacances, alors que le comptoir, ça fait boulot. » Sans conteste, mes seigneurs, sur ce sujet, Jean-Marie Gourio est un expert en la matière. Ses “Brèves de comptoirs” lui ont valu quelques beaux succès de librairie, mis en scène en 2000 par Jean-Michel Ribes, et honorés par deux Grand prix de l’humour noir, en 1994 et 1998. “De quoi payer pas mal de pourboires”, ironise Néa, pas encore chancelante, assise en terrasse face à Jeanne d’Arc. “Ces deux beaux prix auraient pu figurer en bonne place dans la vitrine de leur créateur, le libraire orléanais Tristan Maya. Mais on l’a enterré deux ans après. Il a du mourir de rire“.

La voilà revenue de son périple, pressée de retrouver la capitale régionale, et toujours aussi impétueuse. “Hé ! T’as vu. l’Office de tourisme a pris la place de la Chambre de commerce. A croire qu’à choisir entre deux statues, il a préféré une pucelle guerrière cuirassée à une Beauce fertile et dénudée. C’est le nouveau symbole de la ville ?” S’agitant sur sa chaise, elle continue son manège, comme si un seul ne suffisait pas place du Martroi. “Tu crois que les éclaboussures des jets d’eau vont suffire à arroser les arbres ? C’est Jean-Paul Imbault qui a prévu çà ?” Apparemment, la finaude suit l’actualité, et le démontre, tout en renouvelant sa commande. “Mais pas une Johannique, ou une Pucelle d’Orléans, n’abusons pas“, assène-t-elle, inspirée.

Nos politiques ont vraiment du nez. Enfin, presque. A Vierzon, le 20 mai, le maire n’aurait pas dû prendre un pot en terrasse avec six de ses connaissances. Un de trop, et ce fut l’amende, qu’il a mal digérée“. Au point d’avaler en plus la plainte d’un policier pour “outrage envers un agent des forces de l’ordre dans l’exercice de ses fonctions“. Il aurait pu prendre exemple sur le premier ministre, Jean Castex, “mieux conseillé pour se faire mousser“. A la Une de la Nouvelle République le même jour, ils n’étaient que 5 avec lui en terrasse, autour d’une table de Blois, pour parler commerces non-essentiels. “Mais l’histoire ne dit pas s’il est reparti avec des petites culottes dans sa besace pour distribuer le soir dans le Paris-Nice. Tant qu’à faire dans la dentelle…“.

Diantre ! Faute de terrasser la covid, la levée du confinement a libéré la parole. Mais pas question d’aller faire pénitence à Chartres, surtout en ce week-end de Pentecôte. Là bas, la municipalité a autorisé les bars à étendre leurs terrasses sur le domaine public, anticipant l’arrivée des traditionnels pèlerins, soumis à des règles strictes. “Je leur laisse l’eau bénite. En terrasse, je préfère déguster un cocktail Echecs et malt. Il est de qualité supérieure“. Que voilà une formule hardie, et plutôt cavalière. Rêver d’une partie d’échecs en plein-air face à la cathédrale relève du pur fantasme, quand on sait que le club local compte dans ses rangs un nouveau grand maitre international de 14 ans d’âge !

Mais Néa n’en a cure, citant Virginie Despentes, quittant en 2020 l’Académie Goncourt, avec tout son bataclan. « On vit avec l’idée qu’il peut se passer quelque chose de grave. On prend les transports en commun, on se met en terrasse pour fumer une clope, on va voir un concert. On va danser. Et on sait désormais que parfois, on ne reviendra jamais chez soi ». Ou alors, continue la mutine, “on s’arrête à une terrasse pour allaiter son rejeton, et cela tourne à l’aigre. ” Avançant une récente agression à Bordeaux, elle devient tout à coup sérieuse. “Tartuffe n’est pas mort. Cachez ce sein que je ne saurai voir, crie la foule, empêchant bébé d’y boire. Bien malade est celui qui y voit du sans-gêne“. Et là, elle ne fait pas référence à l’une des boissons plus ambrées de la brasserie sancerroise.

Allons, mes cousins, en libérant les terrasses, et en soulevant le couvre-feu, l’idée était d’apporter un peu plus de chaleur dans la vie de tous les jours. Espérons toutefois que, l’alcool aidant, faute de modération, cela n’échauffera pas les esprits.

Néo et Néa Triboulet

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