Léonard de Vinci : et si le mythe du génie tombait ?

À Amboise, le château du Clos Lucé vient de réhabiliter une halle industrielle pour accueillir un tout nouvel espace d’exposition consacré au maître toscan. Ces « Galeries Léonard de Vinci, peintre et architecte » marquent un nouveau temps fort dans l’exploration de ses œuvres où bornes multimédias, maquettes manipulables, animations 3D et mapping plongent les visiteurs dans son processus créatif du dessin à la peinture. Un cheminement qui montre aussi que Léonard de Vinci n’a pas inventé seul. De quoi écorcher le mythe du génie ?

L’immersion dans cette nouvelle exposition démarre par un jeu d’arcade à bord d’une machine volante… ©EB

« Léonard est un homme sans lettres, un bâtard qui n’avait pas le droit d’aller à l’université. C’est un autodidacte qui s’est initié auprès d’amis et de connaissances comme Pacioli, Bramante, Brunelleschi… Il va se frotter aux idées des autres. Il n’a pas inventé tout seul : c’est une révolution copernicienne de dire cela !, déclare Pascal Brioist, professeur-chercheur sur Léonard de Vinci, qui a écrit ici les textes de toute la scénographie et choisi les œuvres à reproduire en maquette. Dans cette exposition, on essaie de décaper le mythe mais il faut éduquer le public sans violence : le Clos Lucé a ce grand courage ».

Une passion pour les maths

Direction en contrebas du château, au premier étage d’une ancienne halle industrielle du XIXe fraîchement réhabilitée. L’aventure de Vinci commence ici. Aux manettes de bornes d’arcade, vous chevauchez un ornithoptère et survolez le palais royal de Romorantin reconstitué en 3D. « De quoi conquérir les 15-35 ans, déclare François Saint Bris, président du Château du Clos Lucé. Partager une aventure entre les gamers et leurs enfants ». Une entrée en matière pour comprendre les processus et techniques de créativité architecturale du maître italien. « Léonard avait une passion pour les mathématiques, poursuit François Saint Bris. Auprès de Luca Pacioli qu’il rencontre en 1496, il s’initie à Euclide et va beaucoup travailler l’arithmétique et la géométrie ». Il s’imprégnera aussi de la théorie de Platon et de ses cinq polyèdres, contribuera en 1497 avec Pacioli au livre La Divine Proportion où il se penche sur le nombre d’or, grâce à une boussole, un odomètre et une chaîne d’arpenteur, réalisera des cartes très précises pour les campagnes militaires.

Construite en 1869, l’ancienne halle industrielle a été réhabilité pour accueillir cette nouvelle exposition sur 500 m2. ©Atelier d’architecture Chaix & Morel et associés

Architecte militaire, religieux et de théâtre

« 1490 -1495, est une période de grandes créativités pour Léonard, intervient Pascal Brioist, qui a écrit les textes de toute la scénographie et choisi les œuvres à reproduire en maquette. « C’est un ingénieur proche des réalités de terrain ». Alors que la peste sévit à Milan en 1490, des villes sont à refonder. Léonard, urbaniste, réfléchit à un nouveau quartier fonctionnel de Milan, intégrant hygiène et circulation. Il se lance aussi dans son fameux projet fou de cité idéale à Romorantin (Loir-et-Cher) où il propose des innovations « high-tech » comme des écuries automatisées pour évacuer les eaux usées ou encore un système d’alimentation du foin dans les mangeoires ! Sur le plan religieux, il s’intéresse aux églises à plan centré dont il admire les effets de symétrie, comme avant lui Brunelleschi, Alberti, Bramante, Francesco di Giorgio. Sur le plan militaire, il planche sur des schémas de bombardes géantes, imagine des forteresses renforcées en forme d’étoile, à des moyens de dévier les projectiles… Enfin, il conçoit des décors et des machines théâtrales incroyables notamment pour les spectacles de la Cour de Ludovic Sforza, duc de Milan. « C’est un Léonard Christian Lacroix qui fabrique aussi des costumes somptueux ». En 1518, il mettra en scène à Amboise le mariage de Lorenzo II de Médicis et de Madeleine de la Tour d’Auvergne avec la reconstitution d’une bataille de Marignan. Il reconstituera aussi une voûte céleste avec une course des planètes et les signes du zodiaque tournant en un seul mouvement.

La projection des œuvres permet de montrer et d’expliquer le travail du maître italien comme ici sur les mains. ©EB

Un spectacle immersif, point d’orgue de la visite

En redescendant au rez-de-chaussée, une salle multimédia voûtée (17 m de long, 5,5 de large et 6 m de haut), rend hommage cette fois à Léonard de Vinci, le peintre. Quatorze minutes où le visiteur est plongé dans une scénographie sonore avec mapping, réalité virtuelle et augmentée. Une galerie réunissant 17 chefs d’œuvre en dimensions réelles. Une plongée détaillée dans les études, croquis et dessins préparatoires de Léonard. « Plus de 200 images issues des dessins et tableaux originaux identifiés et traités par 14 institutions internationales », explique François Saint Bris. Une succession d’images allant de la salle du couvent de Santa Maria delle Grazie de Milan avec la représentation mythique de La Cène, à des juxtapositions de dessins de visages, des études de drapés, « sujet qui obsède Léonard et qu’il travaille à fond », souligne François Saint Bris. Mais aussi l’analyse de la perspective et de la composition dans L’Adoration des Mages, « tableau inachevé avec 90 personnages où Léonard se représente », des agrandissements d’arrière-plans de peintures dévoilant paysages, couleurs, montagnes, grottes mystérieuses, rivières… ou encore les derniers dessins de la série des déluges exécutés au Clos Lucé. « Léonard était un travailleur acharné. Cette technique immersive permet de transmettre tout cela et de déceler ces choses que l’on ne pourrait pas voir ».

Une œuvre de Léonard à nouveau au Clos Lucé ?

Avec un investissement global de 2,3 millions d’euros, cette nouvelle exposition culturelle et scientifique accompagne la transformation digitale du Clos Lucé et conforte le site dans son ambition de devenir le premier lieu de synthèse sur Léonard de Vinci et la Renaissance en créant dès 2024 « un Centre international d’interprétation Léonard de Vinci », confie François Saint Bris. Grâce à cette nouveauté, le Clos Lucé espère revenir au taux de visiteurs de 2019 (520 000 visiteurs) et capter un public plus jeune, d’étudiants et d’adeptes des nouvelles technologies, en attendant une prochaine exposition en 2023 consacrée à l’anatomie – thématique encore inexplorée au Clos Lucé – et la venue prochaine d’un nouveau chef d’œuvre du grand maître.

Estelle Boutheloup

Photo de Une ©Ingame

Horaires et Tarifs

Le Clos-Lucé est ouvert tous les jours de 9h à 20 heures en juillet et août

Entrée :17,50 euros pour un adulte, 12 euros de 7 à 18 ans, forfait famille (deux adultes, deux enfants) 47euros

Trois espaces de restauration sur le site : , un snack, une crêperie et un restaurant Renaissance avec des plats d’époque

Tel : 02 47 57 00 73

http://vinci-closluce.com/fr

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Commentaires

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  1. Très bon “papier” qui donne envie d’aller à nouveau sur place apprécier l’immense talent de Léonard de Vinci. On aimerait en savoir plus sur le lieu ! quelques photos supplémentaires seraient également appréciées…

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