Le Centre Val de Loire explore sa mémoire

Les amoureux de notre région vont se régaler avec la sortie du livre Lieux de Mémoire en Centre -Val de Loire. Un ouvrage universitaire collégial pour (re)découvrir notre mémoire locale à travers des lieux bien sûr mais aussi des célébrités et puis étonnant encore des évènements, voire des faits divers.

Mathilde Edey-Gamassou, Jeanne d’Arc 2018, personnage emblématique de notre Région photo Sophie Deschamps

Quel point commun y-a-t-il entre l’équipée de Jeanne D’arc, le contraste entre la Beauce et la Sologne, la maison de la Culture de Bourges, Honoré de Balzac, l’assassinat du député-maire Pierre Chevallier ou bien encore la rumeur d’Orléans ? La réponse est que ces lieux, ces personnages et ces faits divers sont constitutifs de l’identité de la Région Centre-Val de Loire. Une approche originale déclinée par 23 intellectuels dont une majorité d’universitaires pour nous intéresser autrement à nos lieux de mémoire, terme générique qui englobe donc l’Histoire, la Géographie et notre passé récent. 

Une définition complexe

Mais au fait qu’est-ce-qu’un lieu de mémoire ? Dans sa préface, Pierre Allorant , professeur d’histoire du droit à l’université d’Orléans nous donne la jolie définition de l’écrivain d’Illiers-Combray pour lequel « les lieux de mémoire sont d’abord des territoires, des “noms de pays”, marqués par le souvenir des actes, réels ou légendaires, des personnalités retrouvées dans la “cathédrale du temps”, là d’où émergent les moments les plus marquants de l’histoire locale, régionale et, inséparablement, du grand “roman national”. D’où un découpage logique du livre en trois parties: les lieux , les acteurs et les moments.

Une identité changeante

L’ouvrage se plait aussi à dégommer quelques poncifs. Ainsi on apprend que le pays de l’Orléanais qui ne veut plus dire grand chose aujourd’hui et dont les contours sont flous, contrairement aux pays de  la Sologne et de la Beauce qui gardent eux une forte identité même s’il sont parfois opposés, la première étant considérée comme pauvre et la seconde comme riche. Ainsi, Christophe Spéroni, professeur d’Histoire à l’Université d’Orléans explique que “depuis les années 70, le vocable “pays” renvoie aussi à une unité territoriale d’aménagement et de développement du territoire (…) Aujourd’hui, La Région Centre-Val de Loire compte une trentaine de pays et sept d’entre eux ont un nom intégrant les termes Beauce ou Sologne.” Un choix qui renforce l’identité et la notoriété de ces deux régions naturelles et en fait “ des lieux de mémoire”.

A l’inverse, souligne Christophe Spéroni, l’Orléanais n’apparaît dans aucune des dénominations alors que ce territoire a eu une existence bien réelle“. Ce qui selon lui “tend à prouver qu’il est plus “un lieu d’histoire” qu’un lieu de mémoire””. Une distinction subtile qui toujours selon Christophe Spéroni “invite à s’interroger sur le processus mémoriel en lui-même : quand , comment et pourquoi certains territoires sont-ils devenus des repères connus du grand nombre, alors que d’autres ne marquent plus les esprits ?”. Et de donner l’exemple des fameux Guides Bleus qui évoquent à maintes reprises la Beauce et la Sologne alors que l’Orléanais n’y est jamais cité.

Honoré de Balzac exposée à la maison de Balzac à Paris
L’écrivain Honoré de Balzac a souvent évoqué notre région dans ses romans photo Sophie Deschamps

Un territoire façonné par les femmes et les hommes

Même si le personnage historique le plus célèbre de notre région reste Jeanne d’Arc et dans une moindre mesure George Sand (dont on peut regretter qu’elle ne soit pas citée dans le livre) des hommes ont naturellement laissé leur empreinte parfois écrite à l’instar du grand écrivain Honoré de Balzac et son œuvre majeure La Comédie Humaine. Dans le chapitre qu’elle y consacre Aude Déruelle, professeure de littérature à l’Université d’Orléans explique que “au début des années 1830, Balzac invente un nouvel objet romanesque, la province, à laquelle il attribuera en 1842 une importante section de la Comédie Humaine, les “Scènes de la vie provinciale”. On peut ainsi citer Le Curé de Tours, Le Lys dans la Vallée (vallée de l’Indre), Eugénie Grandet (Saumur), La Rabouilleuse (Issoudun) ou bien encore Autre étude de femme, Louis Lambert (Vendôme)

Pour Aude Déruelle, Balzac utilise plusieurs procédés dans cette mise en avant de la province : Le grand dans le petit, Le caché, Les parisiens en province et enfin La farce. Et de conclure : ” Au sein de ce nouvel espace que Balzac configure et ouvre au roman, la province ligérienne et berrichonne constitue manifestement un objet de prédilection qui a l’avantage de réunir aussi bien mesquineries et autres petitesses, vrais défis à la représentation qu’un esprit caustique d’ascendance franchement rabelaisienne”.

Les faits divers font aussi mémoire

Certains s’étonneront de trouver dans cet ouvrage la mention de l’assassinat du député-maire d’Orléans Pierre Chevallier le 16 août 1951 (nommé au gouvernement la veille d’où son surnom de “Ministre d’un jour”)ou de voir évoquer la rumeur d’Orléans. Pour Pierre Chevallier, Noëlline Castagnez, professeure d’histoire contemporaine à l’Université d’Orléans, explique que “ce drame banal de l’adultère (Yvonne Chevallier tue son mari de trois balles parce qu’il allait la quitter pour une autre puis se livre à la police, NDLR) provoqua des réactions passionnées d’une grande violence en rouvrant les blessures de guerre à peine cicatrisées dans l’opinion publique locale “. Il faut aussi se rappeler que les funérailles de Jean Zay avait été célébrées seulement trois ans plus tôt, en 1948. ” Ensuite, poursuit Noëlline Castagnez, l’association Les Amis de Pierre Chevallier peinèrent à instaurer une mémoire durable de leur grand homme, d’autant que ses réalisations furent immédiatement reprises par ses successeurs“. Enfin analyse l’universitaire “c’est le procès de sa meurtrière, son étonnant verdict d’acquittement et leur exceptionnelle médiatisation qui achevèrent d’effacer son souvenir” Et de conclure avec un brin de malice : “Sexe et politique n’ont pas attendu l’affaire Strauss-Kahn pour faire recette.”

Bref, c’est un livre érudit dont la lecture est plaisante et qui n’implique nullement de la faire dans l’ordre chronologique, chacun pouvant aller picorer directement vers ce qui l’intéresse. A noter enfin que cet ouvrage vient compléter le dictionnaire des 250 lieux, personnages et moments publié en avril 2018 par les Presses Universitaires François-Rabelais. L’occasion aussi durant l’été de parcourir la Région avec un œil neuf !

Sophie Deschamps

A lire aussi : Le Berry veut croire en son avenir et La région sort ses 250 papiers… d’identité

Lieux de mémoire en Centre-Val de Loire  sous la direction de Pierre Allorant, Walter Badier, Alexandre Borrell et Jen Garrigues(éditions PUR, 324 pages, avril 2021, 25€)

Commentaires

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  1. J’ai cherché et trouvé ce livre place de la République.
    A priori, un ouvrage très documenté et certainement intéressant, il aurait mérité des pages en plus par une taille de caractères supérieures.
    Je l’ai feuilleté (mains et doigts propres hydro-alcoolisés) et l’ensemble m’a découragé (je m’attendais à un style comme la “une de couverture”), trop austère, surtout à 25 € !
    Si la chance est avec moi dans quelques mois ou années le prix sera cassé et il ne manquera pas un mot, ni une ligne !
    C’est un livre d’enseignants pour enseignants, pas nécessairement la raison d’un succès public, dommage !

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