L’intérêt pour la santé du « jeûne détox » : réalité ou intox ?

Detox
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Alors que la pandémie de Covid 19 a entraîné une nette aggravation de la faim chronique, paradoxalement de très nombreuses officines organisent des séminaires pour jeûner. La région Centre-Val de Loire n’est pas épargnée. En Touraine des séjours de jeûne hydrique (seule l’eau est autorisée), de 700 euros à plus 2500 euros (hors hébergement) sont proposés. L’encadrement se présente comme spécialiste en bio-énergétique, en art-thérapie, en massage métamorphique, en Tao et autres techniques aux noms controuvés et mystérieux, occultes et souvent à consonances exotiques. Ces cures de « détox », qui séduisent de plus en plus de citadins, sont-elles des pratiques aberrantes voire dangereuses ou présentent-elles un intérêt pour la santé ?

Le terme « détox » n’est pas un terme scientifique. Dans le cadre de ces « cures de détox », durant lesquelles on arrête de s’alimenter, on imagine bien ce qu’il veut exprimer. Ces cures sont censées purifier l’organisme de tous les produits nuisibles provenant de notre alimentation mais aussi de l’environnement. Des « toxines » qui encrasseraient, pollueraient et affaibliraient notre corps. Rappelons que notre organe d’élimination par excellence est le foie. C’est lui qui fait la majeure partie de cette « détoxification » en déversant dans la bile les substances inutiles, ensuite éliminées dans les selles. Les poumons et les reins participent également aux rejets.

Des mécanismes ancestraux expliquent la résistance au jeûne de l’espèce humaine

Jeûner, c’est vivre sans consommer d’aliments, en utilisant les réserves de graisse stockées dans le corps. Ce mécanisme d’adaptation à la restriction, voire à l’arrêt total de la prise alimentaire est un processus de survie. Il semble que ce soit un reliquat adaptatif du temps où l’homme subissait de longues périodes de disette, en particulier durant l’hiver, où la chasse et la pêche étaient aléatoires et qu’il n’y avait plus de possibilité de cueillette. Ces mécanismes ancestraux expliquent la résistance au jeûne de l’espèce humaine et ont permis sa survie à travers les âges.

Un effet psycho-stimulant recherché par les ascètes

Le stockage énergétique est constitué essentiellement par les graisses sous cutanées (triglycérides). Les réserves en sucres (glucides), contenues dans le foie, sont faibles. Au tout début du jeûne, le foie fournit ses glucides aux tissus et en particulier au cerveau qui ne peut fonctionner qu’avec du glucose. Lorsque ses réserves sont épuisées, le foie démarre la néoglycogénèse à partir des muscles et des graisses. Il existe alors une fonte musculaire rapide. Au bout de 3 à 5 jours, si le jeûne se prolonge, une adaptation se met en place. Ce sont les triglycérides du tissu adipeux qui prennent le relais. A partir de ces graisses, le foie produit des corps cétoniques que le cerveau peut utiliser comme carburant alternatif. La sensation de faim s’arrête, la réduction musculaire baisse. Cette fonte musculaire diminue d’autant mieux qu’une activité physique persiste. Le contrôle du stress par la méditation pourrait permettre également de limiter la perte musculaire… Les corps cétoniques donnent une haleine très particulière, souvent des céphalées et des nausées. Ils s’accompagnent d’un sentiment d’euphorie qui entraîne un regain d’énergie et une plus grande facilité à se concentrer. Cet effet psycho-stimulant, recherché par les ascètes, apparait vers le quatrième jour et permet de tenir sans manger pendant longtemps (40 à 50 jours). Ensuite, les carences d’apports se traduisent par des troubles de l’humeur (anxiété, état dépressif), des troubles du sommeil et de la pensée puis des défaillances métaboliques, cardiaques et de l’immunité conduisant à la mort par cachexie.

Il n’y a pas d’études probantes pour le jeûne thérapeutique

Il existe plusieurs finalités au jeûne :

  • le jeûne du sportif est pratiqué préférentiellement dans les sports ayant des catégories de poids (boxe, judo, MMA,…),
  • le jeûne à visée politique avec les grèves de la faim qui constitue une liberté individuelle exprimée par l’article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme,
  • le jeûne spirituel et religieux (Ramadan, Yom Kippour, Carême,…) parfois entaché de dérives sectaires comme avec le respirianisme,
  • le jeûne thérapeutique, sous surveillance médicale, pratiqué à l’étranger puisque le jeûne hydrique encadré médicalement n’existe pas en France. Il aurait des effets positifs (polyarthrite, diminution de l’obésité, diabète de type 2) mais il n’y a pas à ce jour d’études probantes sur l’intérêt médical du jeûne thérapeutique.

Une porte d’entrée dans des processus d’emprise mentale

Tous les séjours de jeûne, souvent associés à de la randonnée et diverses prestations, plus ou moins fantaisistes, se font sans contrôle avéré. En plus du délestage pécuniaire, ils entraînent une perte de poids, annulée après l’arrêt du jeûne. Elle est quasi constamment associée à une perte de masse musculaire préjudiciable même si ces cures de « jeûne détox » s’adressent, a priori, à des personnes en bonne santé physique.

Le jeûne n’a aucun intérêt préventif ou thérapeutique mais, décidé librement et effectué dans le respect de la physiologie, il peut être, pour certains, un chemin de spiritualité. Malheureusement les séminaires de jeûne peuvent être une porte d’entrée dans des processus d’emprise mentale. Ils sont alors particulièrement délétères surtout lorsqu’ils sont proposés comme alternative thérapeutique pour des maladies graves et accompagnés de discours d’abandon de toutes formes de suivis ou de soins conventionnels.

Jean-Paul Briand

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