“Le genou d’Ahep”, un regard à vif sur Israël

Nadav Lapid, l’enfant terrible du cinéma israélien était, vendredi dernier, de nouveau de passage aux Carmes à Orléans pour présenter son film Le Genou d’Ahep, prix du Jury au dernier Festival de Cannes. Visiblement, Nadav Lapid aime la France puisqu’il était déjà venu présenter son film précédent Synonymes, film qui reçut un Ours d’Or à Berlin à la grande fierté du public israélien, quelque peu dépité quand ce dernier découvrit quelques semaines plus tard à la sortie du film que Nadav Lapid racontait l’exil volontaire d’un étudiant fuyant son pays devenu insupportable…

par Gérard Poitou

Nadav Lapid aux Carmes cl GP

Autant Synonymes était un film pensé et maîtrisé formellement, autant Le Genou d’Ahep est un cri, une sorte de ciné tract tourné dans l’urgence politique de dénoncer une dérive autoritaire de l’état de droit israélien. Et le personnage autobiographique du cinéaste, joué par le chorégraphe Avshalom Pollak, réussit le tour de force de donner une dimension humaine à la colère de Nadav Lapid. Le film débute par une séquence intense à la Fellini Roma: un motard fonce sous la pluie à Tel Aviv, cinéaste courant pour le casting d’un projet de film sur la jeune protestataire palestinienne, dont un député du parlement israélien a regretté publiquement qu’elle n’ait pas reçu une balle «dans le genou». Le décor politique est sitôt posé que le réalisateur va le quitter pour fuir au désert, trouver dans un village reculé et tranquille, un temps de réflexion sur son engagement, quand la politique le rattrape avec ce nouveau document d’allégeance au gouvernement israélien qu’on lui impose en tant qu’artiste…

La loyauté de la culture ?

Nadav Lapid dénonce avec force l’amenuisement de la liberté d’expression dans son pays* avec cette loi de 2018 pour «la loyauté de la culture», qui interdit le financement d’une œuvre d’art jugée infidèle à l’État, mais au delà de cette dénonciation, c’est toute la société israélienne qui se voit questionnée dans son rapport au monde, société assiégée qui ne choisit plus qu’entre “des mauvaises solutions”. Comme avec ce récit de ce commando militaire, encerclé, qui décide de se suicider, allusion à la mythique bataille de Massada contre les Romains, parabole d’un conditionnement collectif aveuglant que vont illustrer les souvenirs militaires du réalisateur/cinéaste.

Un film à vif, à la plasticité déroutante sur une bande son dont l’éclectisme ne nuit pas à la qualité, loin de la «lenteur de la vérité» dont parle Nadav Lapid comme lui fit remarquer un spectateur à l’issue de la projection, mais un film provocant, au delà d’Israël, sur le devenir de nos démocraties gangrenées par l’autoritarisme.

*Le Genou d’Ahed a reçu une aide du ministère israélien à hauteur de 1,4% de son budget

Le Genou d’Ahed

de Nadav Lapid
Par Nadav Lapid, Haim Lapid
 
Avec Avshalom Pollak, Nur Fibak, Yoram Honig
 
1 h 49
 
Sortie: 15 septembre 2021

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