Le Cercil : la mémoire d’une histoire française

Le Cercil, musée mémorial des enfants du Vel d’Hiv célèbre ses trente ans. Une exposition retrace les grandes étapes de la création de ce centre d’études et de recherche sur les camps d’internement du Loiret dans ses locaux orléanais de la rue du Bourdon Blanc. Et un documentaire fixe lui sur la pellicule ce combat contre l’oubli des « camps de la honte ».

Par Sophie Deschamps

Le Cercil fête ses 30 ans avec ses deux fondatrices, Éliane Klein et Hélène Mouchard-Zay , photo Sophie Deschamps

Cet anniversaire est surtout l’occasion de rappeler la ténacité et la volonté de deux femmes : Eliane Klein, présidente du CRIF et Hélène Mouchard-Zay, alors conseillère municipale d’Orléans de créer un lieu qui rappelle l’existence des camps d’internement de Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Jargeau, dont il n’est resté aucun vestige sur place après guerre. Mais il y a eu très vite des commémorations. Eliane Klein se souvient : « J’étais trop petite pour comprendre mais je savais que depuis 1946, j’avais alors 4 ans, mes parents allaient tous les ans quelque part et que ma mère pleurait en revenant. Quelques années plus tard, ils m’ont tout expliqué. Parce que personne n’en parlait et surtout pas à l’école. Mais moi je savais qu’il s’était passé des choses terribles et qu’une partie de ma famille était passée par les camps de Pithiviers et de Beaune-La-Rolande. Et quand mes parents ont disparu, j’ai pensé très vite qu’ici dans le Loiret, il n’y avait rien donc j’en ai parlé à des amis… Jean-Pierre Sueur était le maire d’Orléans à l’époque (1991)et surtout je connaissais bien Hélène Mouchard-Zay qui était conseillère municipale, donc tout s’est enchaîné comme ça.»

Hélène Mouchard-Zay, Serge Klarsfeld et Nathalie Grenon ( ex-directrice du Cercil, à gauche) expo 30 ans Cercil, photo SD

Hélène Mouchard-Zay, présidente du Cercil retrace le contexte de l’époque : « Il y a eu des évènements en amont : les attentats de la rue Copernic (1980), de la rue des Rosiers (1982) et puis la profanation de tombes juives à Carpentras (1990) qui pour des gens de ma génération ravivaient un antisémitisme qu’on pensait interdit de séjour ou en tout cas d’expression. Donc ça a été vraiment un choc dans tout le pays. Et puis il y a eu en 1990 cet article d’Eric Conan dans l’Express « enquête sur un crime oublié », inspiré par Serge Klarsfeld et qui rappelait l’histoire de ces camps, totalement absents de la mémoire locale et nationale. Il y avait une mémoire des victimes et des habitants de ces communes mais elle était enfouie. D’où l’idée de la création d’un lieu spécifique ».

Un projet qui a suscité au départ de nombreuses réserves rappelle Hélène Mouchard -Zay : « Mais pourquoi vouloir raviver tout ça, il faut tourner la page. Et moi je répondais oui peut-être mais si on veut la tourner il faut non seulement l’avoir lue mais aussi l’avoir écrite ! Or, tout restait à faire. Il n’y avait pas d’ouvrages, pas d’expositions, rien ».

Simone Veil inaugure la première exposition du CERCIL

Première exposition du Cercil en 1992 à la mairie d’Orléans inaugurée par Simone Veil, photo Sophie Deschamps

L’association du CERCIL est donc créée, non sans mal, en 1991 avec l’accord de trois élus : Jean-Pierre Sueur, maire d’Orléans qui racontera plus tard avoir reçu des pressions y compris de proches pour ne pas créer ce lieu, Henry Berthier, maire de Pithiviers et Edmond-Camille Sutin, maire de Beaune-la-Rolande. Celui de Jargeau, François Landré où des tsiganes ont été internés les rejoindra plus tard, ayant été mis en minorité par son propre conseil municipal sur ce sujet. 

On alloue alors au jeune CERCIL un petit local dans les murs de la mairie d’Orléans et elle se met tout de suite au travail comme le raconte  Hélène Mouchard -Zay : « Il y a eu en 1992 la fabrication de la première exposition, un peu dans l’urgence car on voulait absolument la sortir pour les 50 ans de la rafle du Vel d’Hiv. Donc on a beaucoup travaillé avec l’aide bien sûr de Serge Klarsfeld (fondateur en 1979 de la FFDJF, Fils et Filles de Déportés Juifs de France) et d’Henri Bulawsko, président de l’association des anciens déportés juifs de France, internés et familles de disparus. 

Un nouveau lieu en 2011

Un peu à l’étroit dans ses locaux de la place Saint-Pierre-le-Puellier et pas du tout adaptés à l’accueil du public, le Cercil devra toutefois attendre début 2011 pour emménager dans les murs d’une ancienne école maternelle (tout un symbole!) rue du Bourdon Blanc. Un lieu inauguré en grande pompe le 27 janvier en présence une nouvelle fois de Simone Veil, mais aussi Jacques Chirac, Serge Klarsfeld, Serge Grouard, maire d’Orléans, pour ne citer qu’eux.

Le Cercil, Musée-Mémorial des enfants du Vel d’Hiv comme on l’appelle désormais présente une exposition permanente qui retrace l’histoire des camps, un Mémorial en hommage aux  4400 enfants déportés mais aussi un centre de ressources et une salle d’activités pédagogiques et culturelles. Dans la cour du Cercil, le visiteur découvre le fragment d’une baraque du camp de Beaune-la-Rolande, que le Cercil a souhaité faire classer monument historique. Un lieu vivant qui propose régulièrement des expos temporaires et des conférences.

Un documentaire de 50 minutes pour la mémoire

Un documentaire sur l’histoire du Cercil, photo SD

Ce lieu si particulier méritait aussi que son histoire soit gravée sur la pellicule. C’est chose faite grâce à l’association orléanaise Cent soleils qui a réalisé un documentaire de 50 minutes. Ce film Sortir de l’oubli donne la parole à tous les acteurs encore vivants de l’aventure de ce lieu de mémoire. Et comme le dit Eliane Klein : « J’avoue que je n’aurais jamais pu imaginer qu’il y aurait un lieu comme celui-là avec tout ce qui a été réalisé. C’est ce qui me semble extraordinaire, vraiment. Ce qui est aussi très bien c’est que l’on parle de cet antisémitisme ancien et de celui d’aujourd’hui. On parle aussi des tsiganes bien sûr mais aussi du Rwanda par exemple donc c’est un lieu ouvert.»

Le documentaire s’achève toutefois avec cette mise en garde de Primo Lévi : « C’est arrivé, cela peut donc arriver de nouveau : tel est l’essentiel de ce que nous avons à dire ».

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