Orléans : Cinq femmes clowns rendent visible la farine de l’air

Invitée par la Scène nationale d’Orléans, la compagnie Dorée, basée à Montpellier, s’installe au théatre pour quatre représentations. Cinq femmes clown mises en scène par une sixième femme. Avec comme point de départ cinq pingouins qui dodelinent sur la glace, leur spectacle Dans la farine invisible de l’air se construit sur la poésie et l’émotion. Magcentre a rencontré Laurence Dubard, l’une des cinq clowns. Elle nous parle de ces personnages mystérieux que sont les clowns, qui nous emmènent très loin juste avec leur corps, leur apparence, leur silhouette.

Propos recueillis par Bernard Cassat

Comment se forge-t-on un personnage de clown ?

Laurence Dubard : Ça se fait tout seul. A force de travail, quelque chose se déploie de nous-même. Ensuite, Sandrine, la metteuse en scène de la compagnie, nous aide à tirer certaines ficelles, ou en tout cas à déployer ce qu’elle pense être vraiment notre personnage, notre métamorphose. Là où on est à la fois dans la jubilation et la tranquillité. Il y a, évidemment, une grande adéquation entre notre personnalité et notre personnage.

Et à cinq sur scène ?

LD : Chaque clown va déployer sa charge émotionnelle, l’univers qu’il trimbale en lui. Monter ce spectacle avec cinq clowns, c’était un peu une gageure. On vient d’univers différents, mais on travaille vraiment ensemble au quotidien. L’intérêt, c’était comment ensemble on va pouvoir faire un groupe, et comment à l’intérieur de ce groupe, chaque animal va pouvoir vivre. Comment ensemble, il va se passer quelque chose.

Pour la Farine, qu’est ce qui s’est passé ?

LD : On a travaillé dans la continuité de ce qu’on a déjà réalisé sur un univers spécifique, onirique, en dehors du quotidien. Et puis après, Sandrine nous a amené des matières, des objets. On s’en est emparé, ou pas. Ensuite, on a fait des choix.

Avec la musique ?

LD : Oui. On a travaillé avec Fixi. Compositeur, arrangeur, accordéoniste, il avait déjà travaillé avec nous sur la précédente création. Il avait écrit la musique quand le spectacle était quasi fait. Pour la Farine, on voulait une écriture croisée. Il est donc venu tout de suite aux répétitions. C’est une partie prenante du travail de la pièce. Le sixième personnage. Il a un univers sonore très fort qui a vraiment porté les clowns.

Cinq clowns femmes sur scène. Vous aviez décidé ça ?

LD : Oui et non. Sandrine et moi, on mène la compagnie et on travaille avec des femmes depuis longtemps. Mais ce n’est pas une volonté au départ. Pour “la Farine”, on a à Montpellier un lieu de training de clown. Les hasards des rencontres qui ont suivi, les gens pour qui on s’est dit que ça pouvait fonctionner, il n’y avait pas de garçon.

Un moment du spectacle. Photo Marc Ginot

Ça change ?

LD : Oui, bien sûr ça change. Humainement c’est différent, relationnellement c’est différent, sur le plateau c’est différent. Certaines femmes clowns déploient un univers spécifiquement féminin. Ce n’est pas notre cas. Mais le fait qu’on soit des femmes créé une autre sensibilité, une autre émotion. Forcément !

Que représente l’espace de la scène ?

LD : Les clowns traversent quelque chose. Et au fur et mesure, ils s’enrichissent de ce qui se passe, des rencontres, des objets, de ce qui se déploie, ils ne sont pas les mêmes à l’entrée et à la sortie du spectacle. C’est un voyage. Pas seulement géographique.

Différence avec le théatre ?

LD : Le théatre se base sur un texte, la parole est première. Nous, les clowns, c’est le corps. Une autre inventivité, une autre approche du monde dans notre sensibilité. Et puis un autre rapport au public. Les clowns ne vivent qu’à travers le public, à travers ce qu’il leur renvoie. Ils jouent leurs propres difficultés, leurs propres empêtrements, leur ras le bol. Et c’est ça qui est touchant chez eux, qui nous fait rire ou qui nous fait pleurer. On se voit à travers eux. Tout cela par le corps. Comment le corps parle. C’est le plus important chez les clowns. Chaplin par exemple : de quoi se souvient-on de lui ? De sa démarche, de ses chaussures, de sa canne. De sa silhouette.

Photo Marc Ginot

Et la proximité avec les circassiens ?

LD : On a en commun le risque. Chez eux, c’est très physique. Nous, on vient chercher l’endroit de risque, de déséquilibre. Il faut accepter de perdre pieds pour voir ce qui va passer. Trouver ça. Cet endroit où on se perd. On passe notre temps à chercher le déséquilibre. S’il n’y a pas ce risque, il n’y a pas de clown.

Le clown fait forcément rire ?

LD : Oui, le clown fait rire, mais pas que. La première chose pour moi, c’est l’émotion. Diverses émotions. Il peut y avoir dans la salle des gens qui rient et à coté, des gens qui sont tellement émus qu’ils en ont les larmes aux yeux. Ca va toucher chacun à un endroit différent. Les enfants ne rient pas aux mêmes endroits que les adultes. Un pied qui bouge, un objet, une parole, une manière de regarder. On est touché, ou pas. Et le rire en fait partie. Mais le clown n’est pas réduit au rire. Pour revenir à Chaplin, on ne rit pas toujours. On est émerveillé, on est transporté.

Alors la Farine et les enfants ?

LD : Les enfants aiment beaucoup nos personnages, il n’y a rien de violent, rien de vulgaire. Ils aiment l’absurdité, même s’ils sont parfois impressionnés. C’est un monde possible, irréel mais possible. Les clowns renvoient chacun à son enfance. Donc les enfants, ça les renvoie à eux mêmes. Ca leur plaît bien de voir des grandes personne qui font des grosses conneries. Nous, ça nous convient d’être des femmes de liberté. Il y a beaucoup de petites filles qui, quand elles savent qu’on est des femmes, se disent que c’est une possibilité de liberté. Et je crois que c’est important qu’on leur dise cela. Qu’il y a d’autres possibles.

Dans la farine invisible de l’air

Jeu Hélène de Bissy, Laurence Dubard, Nathalie Galoppin, Eve Jouret, Patricia Nisenbaum

Mise en scène Sandrine le Métayer

Scénographie Sophie Morin

Création costumes Emmanuelle Grobet

Création lumières Mathieu Zabé

Régie son Frédéric Maury

Accessoires Roger Miche

Création musicale Fixi

Représentations mercredi 6 octobre 17h, jeudi 7 octobre 19h, vendredi 8 octobre 20h30

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