MOBE, avec un « B » comme Biodiversité

Après 7 ans de fermeture et 17 millions d’euros d’investissements, l’ancien Muséum des Sciences Naturelles d’Orléans a rouvert en mai 2021 sous le nom de MOBE, Muséum d’Orléans pour la Biodiversité et l’Environnement. Avec 3553 visiteurs le week-end inaugural du 3 octobre dernier, ce lieu de partage scientifique plonge le visiteur dans une découverte inédite du vivant.

Par Estelle Boutheloup

Non, ici les girafes n’ont pas de prénom. Dès l’accueil, le MOBE fait une petite leçon d’anthropomorphisme au visiteur. Photo Estelle Boutheloup

À vue de nez, dans les 5 mètres de haut. Peut-être plus… À l’entrée du MOBE, l’accueil est de taille. Sophie ? Non, cette girafe n’est pas Sophie. Pas plus que Gertrude ou Zoé d’ailleurs. Elle ne se prénomme pas : « Les girafes n’ont pas de prénom, prévient d’emblée le MOBE sur un écriteau. Nous, humains, avons tendance à attribuer des pensées et des réactions humaines à d’autres espèces. Pourtant, les girafes ne se donnent pas de prénom, même si elles se reconnaissent autrement. Dans le parcours du MOBE, nous avons voulu éviter cet anthropomorphisme. » Voilà pour l’entrée en matière. Exit donc les mascottes de tout poil. Ici, replacer l’homme dans son environnement en lui donnant les clés pour comprendre ce qu’est la biodiversité est l’un des enjeux du nouvel établissement. Le tout au gré d’un parcours jalonné de vitrines où sont exposées 1200 pièces issues des 435 000 des collections du MOBE, de bornes tactiles, de pupitres interactifs multimédias, de microscopes, et de maquettes à manipuler.

« Biodiversité » en façade : une première

Et un enjeu qui s’affiche. « En 2009, le mot « biodiversité » était peu connu et écrit en petit caractère. Douze ans plus tard, le MOBE est le premier endroit de France où il est écrit en gros sur la façade d’un bâtiment : les choses bougent !, lâchait le jour de l’inauguration, Bernard Chevassus au Louis, président du Comité scientifique du MOBE. Et pour parler « biodiversité », trois approches. Didactique d’abord, à travers « Les Mécaniques du Vivant » : il s’agit de plonger le visiteur dans l’apparition et l’évolution du vivant sur Terre depuis 3,8 milliards d’années. Un cheminement dans l’obscurité qui nous conduit du microscopique au plus gros. « Comment tous les êtres vivants se débrouillent dans la nature : comment ils se reproduisent, se nourrissent, se déplacent, se cachent… ? Comment chacun a traité les mêmes problématiques et avec quelle option ? ici, une vitrine égal un défi. »

Ouvert depuis le mois de mai, l’inauguration officielle du MOBE n’a eu lieu que le 3 octobre par Serge Grouard, maire d’Orléans, entouré de Marc Gaudet, président du Département du Loiret,
et de Anne Besnier, vice-présidente à la Région Centre-Val de Loire. Photo Estelle Boutheloup

Le « tube » des baleines

De vitrines en pupitres, on écoute, on sent, on observe, on manipule, jusqu’à voir comme une mouche ou un serpent pour tout comprendre des interactions des espèces entre elles et leurs milieux. « Les signaux que les animaux échangent entre eux, c’est l’internet du vivant. Il faut y être sensible car on ne les perçoit pas forcément. Par exemple, les oiseaux chantent plus fort en ville qu’à la campagne pour se faire entendre à cause des bruits environnants. Et quand un oiseau revient à la campagne on le reconnait : il parle comme un dialecte. » Même chose chez les baleines : « Des chants de baleine sont repris par d’autres pour communiquer, se déplacer, échanger, attirer des partenaires… Ils sont repris parce qu’ils ont été éprouvés et qu’ils fonctionnent mieux que d’autres. C’est le tube des baleines. », s’amusait à dire le scientifique.

Quand requins et pachydermes vivaient en Val de Loire

Au troisième niveau, c’est une découverte immersive des paysages qui attend les visiteurs, une plongée dans les archives terrestres, comprendre comment se façonnent les paysages, fonctionnent les milieux et les interactions entre l’homme et son environnement. Les milieux à travers les temps géologiques avec une grande fresque « paléo » comme l’appelle Jérémi, médiateur au MOBE. « C’est la région il y a 20 millions d’années, du temps où pachydermes et requins géants vivaient dans un climat tropical, et où la Loire se jetait dans la Manche… »

Le jour de l’inauguration, les membres du Comité scientifique du MOBE étaient présents pour parler biodiversité et assurer des ateliers avec le public, comme ici Bernard Chevassus au Louis avec Théo. Photo Estelle Boutheloup

Côté zones humides et bords de Loire, Christian Gauberville du CNPF (Centre national de la propriété forestière), avait lui aussi en ce jour d’inauguration, des connaissances à partager. « Il y a beaucoup d’espèces sur la Loire car il y a beaucoup d’habitats. Résultat de l’évolution de différentes successions écologiques qui se sont réparties sur deux à trois siècles. » Des oiseaux migrateurs au retour de la loutre et du castor, en passant par l’apparition de nouvelles espèces comme l’Aspe il y a 10 ans, ou la fragilité d’espèces en danger comme l’anguille et la lamproie, le forestier passait les vitrines en revue. « Le saumon aussi paie un lourd tribut : c’est à cause du silure, plus gros prédateur de Loire introduit pour les pêche sportives. Quand il ouvre la bouche, il siphonne tout jusqu’aux saumons de 40 cm. »

Une fourmi boulangère

Enfin, le 4 Tiers (dernier étage) est l’occasion pour le public de découvrir les sciences participatives, mais aussi de s’informer sur les actualités scientifiques. L’occasion de découvrir l’étonnante fourmilière installée au Muséum depuis 7 ans. À grosse tête et aux énormes muscles au niveau des mandibules, c’est Messor Barbarus, une fourmi moissonneuse, granivore. « Un vrai moulin vivant, annonce Jonathan Romiguier, du CNRS de Montpellier, également présent le jour de l’inauguration. Elle broie et réduit les graines en farine qu’elle mélange à sa salive pour faire du pain. Un pain qui va nourrir toute la colonie. C’est une espèce méditerranéenne que l’on appelle ici dans le Centre-Val de Loire, Messor Structor. Elle vit dans les jardin, les plaines, les milieux ouverts… »

Depuis 7 ans, le muséum abrite une fourmilière d’un genre surprenant que présente ici Jonathan Romiguier, du CNRS de Montpellier. Photo Estelle Boutheloup

Bref, un nouveau temple de découverte de la biodiversité et de la culture scientifique dont la nouvelle identité a su, visiblement, séduire les visiteurs comme ces anciens Orléanais venus le week-end inaugural : « Nous sommes surpris par la transformation du muséum. Avant, ça faisait plus catalogue de collections les unes à côté des autres. Là, c’est plus sympa et l’obscurité permet de nous plonger tout de suite dans les vitrines. » Ou encore Marie-France de Chécy qui apprécie le fait « d’être passé dans un autre type de musée avec ces questionnements sur la vie, sur un ensemble qui évolue. » Un bémol toutefois : « C’est si riche que l’on en perd un peu le fil conducteur. On a du mal à voir la structuration. » À chacun sa perception et son mode d’appréhension. Mais quoi qu’il en soit, ce muséum, qui fêtera ses 200 ans dans 2 ans, nous transporte dans une dimension émotionnelle inédite : une immersion dans une version scénographique réduite digne de la Grande Galerie de l’Évolution à Paris.

Visite gratuite jusqu’au dimanche 17 octobre inclus. Pass musées, valable un an,15€/pers., accès illimité à tous les musées d’Orléans.

Commentaires

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  1. MOBE, ça m’empêchera pas de penser à la Mob’ de mon adolescence, et et je suis pas le seul… Et qui se souviens des panaches bleus aux odeurs d’huile brulée qui les suivaient, aura des doutes sur le bien fondé du “B” de biodiversité qui rime avec l’écologie…
    Les décisions des jeunes technocrates en matière de Com’ sont parfois des com’…rient

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