Hela Mujtaba est une jeune femme afghane âgée de 29 ans, originaire de la province de Paktia située en bordure de la zone tribale du Pakistan. C’est une région de montagnes peuplée d’une population rurale, majoritairement pachtoune, fonctionnant également en mode tribal. Très dangereuse, la province a servi de refuge au réseau Haqqani proche d’Al Qaida et les affrontements avec les forces américaines et l’armée nationale d’Afghanistan y ont été nombreux et meurtriers.
Par Patrick Communal
Hela Mujtaba DR
Hela Mujtaba a fait ses études à l’université de Kaboul où elle a obtenu un master de droit et de sciences politiques, elle est également diplômée de l’institut d’études diplomatiques placés sous la tutelle du Ministère afghan des affaires étrangères.
Après ses études, elle regagne sa province de Paktia, militante du droit des femmes, elle collabore avec une chaîne de radio et de télévision où elle diffuse reportages et chroniques, de 2017 à 2020, mais elle est également nommée procureure générale de justice, fonctions qui l’amènent à requérir des condamnations d’hommes ayant commis des violences contre les femmes (violences domestiques et crimes sexuels) mais aussi de talibans ayant fomenté des actes de terrorisme. Elle exercera simultanément les mêmes fonctions dans la province voisine de Paktika et ensuite à Kaboul.
En 2018, elle se présente comme candidate indépendante aux élections législatives dans la province de Paktika ; au cours de sa campagne électorale, une mine artisanale explose sur la place ou se tenait un de ses meetings, Hela Mujtaba a déjà quitté les lieux au moment de l’explosion, mais de nombreuses personnes sont tuées, ses gardes du corps et des militants sont blessés. Si elle est très entourée, ses proches sont très inquiets de sa démarche politique et professionnelle dans le contexte d’une province sous forte influence des talibans et qui demeure en permanence très dangereuse.
Lors de ses déplacements, elle est constamment menacée. Un jour où elle rentre chez elle, un homme fait stopper son véhicule, bat sauvagement son chauffeur et profère des menaces de mort à son encontre.
Le 3 juillet 2019, Hela Mutjaba organise un rassemblement de protestation à Kaboul contre la corruption et la fraude électorale, près de Zambaq square, à proximité des services administratifs de la présidence. Un individu déclenche une attaque suicide à la bombe, les participants au rassemblement sont blessés mais personne n’est tué.
Hela Mujtaba à droite
Hela Mujtaba doit également faire face à des menaces de mort en lien, non seulement avec son combat féministe et pour les droits de l’homme, mais aussi avec son activité de procureure générale. Au cours de leur reconquête du pays, les talibans ont libéré les détenus et beaucoup veulent se venger des magistrates qui les ont fait condamner. Parmi les personnes libérées figurait notamment Mohammad Gol accusé de planification d’attentats-suicide. Hela Mujtaba avait accumulé les preuves et obtenu une condamnation à vingt ans de détention. Quelques jours après la prise de Kaboul par les talibans, Mohammad Gol l’a appelée au téléphone et lui a indiqué qu’il allait se venger et qu’elle ne pourrait se cacher nulle part. Le magazine BBC News a réalisé un reportage sur les femmes juges afghanes qui sont nombreuses à être menacées de mort, certaines ont déjà été assassinées, et la situation de Hela Mujtaba y est évoquée sous le pseudonyme de Farishta, pour des raisons de sécurité, l’article ayant été publié au moment où elle était encore en Afghanistan.
Très active sur les réseaux sociaux, sa page facebook est suivie par 124 718 personnes, Hela Mujtaba continue de s’exprimer sur la situation politique afghane, sur les droits sociaux, le droit des femmes et elle reçoit également en retour, de très nombreuses menaces. Après la prise de Kaboul par les talibans, avec un petit groupe de personnalités, elle a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle rompt le silence face à la multiplication des atteintes aux droits des femmes afghanes.
Elle a obtenu le soutien, en France, du syndicat national des journalistes (SNJ).
Face à la multiplication des menaces, de plus en plus précises et localisées, elle s’est réfugiée une semaine chez sa sœur, puis est partie se cacher en province. Hela s’est finalement enfuie au Pakistan qu’elle a atteint, par la voie terrestre, le 6 octobre 2021, avec quelques membres de sa famille. Elle a saisi le consul de France d’Islamabad afin de demander un visa et la protection de la France. Hela Mujtaba n’est pas en sécurité au Pakistan, les services de l’ISI (services secrets pakistanais) ont formé, soutenu et armé de longues dates les talibans et procèdent à des enlèvements et assassinats ciblés d’opposants.
En contact permanent avec Hela Mujtaba, je l’ai aidée à préparer son dossier transmis au Consul de France, sollicité le soutien de parlementaires orléanais, je sollicite aussi celui des lecteurs et lectrices de Magcentre et les invite à adresser un courrier au Ministre de l’Intérieur et au Ministre des affaires étrangères afin qu’elle obtienne un visa pour la France où elle demandera l’asile. Vous pouvez aussi partager cet article sur les réseaux sociaux.
