[Sexisme ordinaire] Pourquoi pas l’égalité réelle ? [Tribune]

Tribune de Monique Lemoine, présidente de Mix-Cité 45

Colloque Sorcières 2020, Monique Lemoine, Mix-Cité 45. Photo SD

Pourquoi Mona Chollet écrit-elle « notre imaginaire amoureux est fondé sur des femmes dominées » ? Pourquoi chaque année en France plus d’une centaine de femmes sont tuées par leur ex-amoureux ? Pourquoi ne pouvons-nous changer ce système de misogynie qui pénalise et les femmes et les hommes et ne rend personne réellement lui-même ?

Alors les femmes ont-elles des raisons de se rebeller ? Contre qui, contre quoi ? 

Une femme doit-elle être considérée et assignée à certains rôles en fonction d’abord d’un corps différent de celui d’un corps d’homme ? Les essentialistes le pensent. Pourtant à la naissance si je suis un petit garçon ou une petite fille je n’y suis pour rien. Mais l’éducation reçue dans sa famille et l’environnement de la société sont bien ce qui permettra à l’enfant de se construire. Comme le dit Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme on le devient. » Il en va de même pour les hommes. Comme l’a écrit Christiane Rochefort en 1971 dans La complainte, le refrain dit :  « Une femme c’est fait pour souffrir », mais la conclusion dit : « Personne n’est fait pour souffrir».

En France, en 1970, des femmes décident de se réunir et créent le Mouvement de Libération des Femmes MLF. Elles refusaient la mixité car il y avait toujours un homme qui savait mieux que quiconque ce qui était juste pour elles. Faut-il contester les réunions non-mixtes en 2021 ? Nos vies changent, nos vies bougent, mais des hommes continuent de dicter aux femmes ce qu’elles doivent faire. Le bon pape François interdit toujours l’avortement. Une femme papesse pourrait-elle en dire autant ? Que penser de celles et ceux qui revendiquent le droit d’importuner les femmes ou d’être importunée en réaction au mouvement #MeToo ? L’émancipation des femmes dans nos sociétés interdit-elle réellement une vie amoureuse accomplie ou est-ce le système de domination masculine qui interdit cette vie amoureuse égalitaire ?

Lire aussi : Les sorcières de passage à Orléans pour deux jours

Il ne s’agit pas d’accuser, ni de demander la repentance, il s’agit bien d’être correctement informé sur ce que depuis des siècles les femmes vivent. Si je parle de domination, de souffrance et de recherche du profit, vous penserez que je parle de l’esclavage. Je parle des femmes qui à des niveaux différents et sur des continents différents subissent ces mêmes situations toujours et encore. 

Antigone est enterrée vivante en punition de sa rébellion contre l’injustice qu’exerce le roi Créon au pouvoir. Accepterons-nous longtemps encore que dans de nombreux pays les femmes soient non seulement opprimées, mais également exploitées ? Je pense aux Afghanes persécutées par les talibans au pouvoir. Et aussi à toutes les femmes dans le monde au destin d’esclave domestique comme l’ont raconté Djaïli Amadou Amal dans Les impatientes (Editions Emmanuelle Collas 2020) et Ngono Aba Marie-Maurin dans Le secret de la maison de briques (L’harmattan 2010). Faut-il se rebeller ou accepter cela sans rien dire au nom de la libre détermination des peuples ?

Dans notre métropole comme ailleurs, nous côtoyons des hommes convaincus que le corps des femmes ou le corps des enfants sont leur propriété, comme des jouets qu’ils peuvent collectionner ou casser. Ces corps au pouvoir érotique qui peut coûter si cher à leurs propriétaires. Qu’il s’agisse de harcèlement ou de meurtre, les femmes paient chaque année le prix fort en y laissant la vie. Comment ne pas se rebeller contre ces assassinats d’une femme tous les deux jours et demi dans notre beau pays des droits de l’Homme ? Quelle hypocrisie de penser que c’est en mettant en garde les victimes que l’on va arrêter la main des auteurs de féminicides et de pédophilie !

« Le silence imposé aux femmes est culturel en Afrique comme ailleurs », Monique Lemoine

L’espoir ne doit pas nous abandonner. Les modèles existent, les femmes agissent, les femmes réagissent. Le féminisme africain veut changer les normes sur le corps des femmes. Nos sœurs africaines luttent contre les pratiques traditionnelles néfastes et insoutenables, luttent contre les violences faites aux femmes et luttent pour l’égalité. Lire Nous sommes tous des féministes de Chimamanda Ngozi Adichie (Éditions Galllimard 2015) est éclairant. Le silence imposé aux femmes est culturel en Afrique comme ailleurs. Les femmes ont honte de ce qui leur arrive comme l’explique la philosophe Camille Froidevaux-Metterie.

L’éducation à l’égalité fait des merveilles sur les filles et les garçons. Lorsque j’écoute une bonne partie de la jeunesse qui ne veut plus être asservie à un rôle stéréotypé selon leur sexe, lorsque je regarde les nouvelles déclarations de nombreux jeunes je trouve que tout peut changer. Ils et elles se déclarent non binaires. Ils et elles refusent notre monde embrigadé par des préjugés, des stéréotypes, des habitudes que tout le monde pense comme des vérités. Ils et elles se regardent et veulent vivre comme des égaux. Ils et elles ont raison. Soyons jeunes dans nos têtes et nos idées, même si nos artères n’ont plus 20 ans ! 

Des femmes différentes, des corps différents, mais des droits égaux. Des hommes différents, des corps différents mais des droits égaux. C’est simple et cela peut changer le monde si nous en sommes conscients et éduquons nos enfants dans cet amour de l’égalité. Trop d’hommes et de femmes sont encore encartés dans un système de domination sans en être conscients. La mue de l’égalité est une libération ! N’attendons plus, œuvrons là où nous vivons. Toutes les cultures sont nos meilleurs apprentissages. Soyons à la hauteur des attentes de notre jeunesse. C’est elle l’avenir.

                                                                       

Commentaires

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  1. Très bel article qui remet en place la position des femmes et celle des hommes !
    Il est encore et toujours temps de lutter pour gommer les inégalités dûs aux différences de sexe!

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