« Tre Piani » de Nanni Moretti, la vie comme elle va à tous les étages

Sortie en salles ce mercredi 10 novembre 2021 du nouveau film de Nanni Moretti Tre Piani (Trois Étages). La caméra du cinéaste italien nous fait entrer dans la vie d’un immeuble de Rome à la rencontre de quatre familles. Un grand cru à voir et revoir, sans modération.

par Sophie Deschamps

Affiche du film Tre Piani de Nanni Moretti, cinéma les Carmes, Orléans. Photo Sophie Deschamps

Nanni Moretti (68 ans) continue de creuser son sillon intimiste auquel il nous a habitués depuis La Chambre du fils (Palme d’or à Cannes en 2001) et plus récemment Mia Madre (Ma Mère) en 2015. Mais cette fois, il élargit un peu sa focale en nous faisant découvrir l’intimité non pas d’une mais de quatre familles vivant dans un immeuble chic et austère de la banlieue résidentielle de Rome. Mais de la ville, nous ne verrons rien. Seules importent trois tranches de vie réparties sur une dizaine d’années. Pas de scénario original non plus mais l’adaptation du roman éponyme d’Eshkol Nevo. 

Sans être un huis-clos, cet immeuble est un concentré de la société actuelle où les générations se croisent, s’entraident mais aussi s’affrontent, parfois violemment et souvent sans se comprendre. La première scène du film,  “fracassante”, plante le décor. En pleine nuit, tandis qu’une jeune femme, Monica, qui semble partir en voyage mais va en fait accoucher seule, une voiture surgie de nulle part fonce à toute allure en zigzaguant, renversant (mortellement) sur son passage une femme et finit sa course en explosant le mur en pavé de verres du rez-de-chaussée de l’immeuble, derrière lequel se trouve un bureau, heureusement vide à cette heure. 

Réveillés en sursaut, les habitants se retrouvent dehors : on fait alors connaissance avec Vittorio, juge et sa femme Dora, parents du jeune Andréa qui, ivre, vient de provoquer l’accident mais en ressort seulement blessé.

Un juge qui impose à sa famille un carcan étouffant, tout droit sorti d’un patriarcat obstiné et qu’il résume par cette formule : « C’est notre façon de vivre » alors qu’il s’agit seulement de la sienne. Sara, Lucio et leur fille Francesca vivent au rez-de-chaussée. Lucio étouffe lui aussi sa famille mais en agissant à l’inverse en père surprotecteur. A l’étage au-dessus vivent Giovanna et Renato, les « grands-parents » de la maison, bientôt dépassés par les évènements car Renato va être accusé d’être un pédophile. Leur petite-fille Charlotte va elle semer le trouble dans l’immeuble. Monica enfin élève seule sa petite fille Béatrice alors que son mari est absent de longues semaines à cause de son travail. Elle se perd alors dans sa solitude et n’a d’autre choix que de partir pour se retrouver. 

Toute la force de ce film est là.  La caméra nous fait pénétrer dans l’intimité des personnages. Mais pas de voyeurisme chez Nanni Moretti. Il nous tend un miroir et nous pousse à nous questionner : je ferais quoi moi à la place de telle ou telle personne ? Il est également facile de s’identifier à certaines situations du quotidien : vie de couple, maternité, paternité, rapports avec nos aîné(e)s….

Une œuvre servie par des interprètes de grand talent. À commencer par Nanni Moretti lui-même qui loin des facéties de sa jeunesse campe un juge implacable, froid et incapable de la moindre compassion, qui impose à sa femme un choix cruel et impossible.

Margherita Buy, impeccable de justesse et de finesse en femme du juge qui peu à peu se libère et donne une note optimiste à la fin du film. Une actrice que l’on avait déjà vu chez Nanni Moretti notamment dans La Chambre du fils et Mia Madre. Riccardo Scamarcio en papa poule angoissé est épatant tout comme Alba Caterina Rohrwacher, très émouvante en mère fragile et esseulée qui perd peu à peu pied avec la réalité.

La jeune génération n’est pas en reste. Alessandro Sperduti incarne avec sensibilité et retenue Andrea, jeune homme égaré qui trouve son salut en repartant de zéro. Sans oublier Denise Tantucci, toute de grâce et de beauté mais aussi et manipulatrice par moments.

Bonne séance.

A lire aussi: “Mia Madre”, mort et cinéma

Tre Piani de Nanni Moretti aux cinéma les Carmes à Orléans :

Samedi 13 novembre 2021

13h 55    17h30     21h30

Dimanche 14 novembre 2021

13h25    18h00

Lundi 15 novembre 2021

11h05      15h30     20h40

Mardi 16 novembre 2021

13h20     19h35 

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