Théâtre d’Orléans : Un très grand soir de danse

La Scène nationale d’Orléans propose A Quiet Evening of Danse. Le chorégraphe américain William Forsythe, qui a fait toute sa carrière en Europe, y rassemble plusieurs pièces de son répertoire. On comprend rapidement en quoi il est un chorégraphe majeur de son époque : les gestes totalement maitrisés se montrent dans toute leur force, surtout sur la musique de Rameau qui lui permet d’allier classicisme et totale nouveauté.

Par Bernard Cassat

Deux moments du spectacles de William Forsythe. Photos capture écran

La scène est grande et nue. Dans le silence, deux danseurs commencent à bouger les bras, à onduler, à se froler dans des gestes d’une précision presque maniaque et pourtant sans contraintes apparentes. Les respirations rythment leurs mouvements, qui reviennent, passent de l’un à l’autre avec un léger décalage, se retrouvent ensemble quelques secondes pour à nouveau se séparer. Extrêmement prenant, ce « prologue » donne le ton de toute la soirée. Le « catalogue » qui suit est une sorte de répertoire de gestes qui fondent la danse de Forsythe. Deux danseuses aux jambes presqu’immobiles dansent avec leurs bras. Ils délimitent des espaces, un cadre, se portent à droite, à gauche. Là encore pas forcément en même temps et pourtant ensemble. S’opére vite une sorte de magie : ces bras qui dansent fascinent, comme s’ils indiquaient des points stratégiques, épaules, hanches. Travail incroyable des deux danseuses qui n’ont aucun repère sonore auquel se raccrocher, et qui pourtant sont impeccablement synchro. Toute la première partie, presque muette, est aussi intense. La danse sans musique est un exercice vain ? Eh bien non ! Un événement prend forme. Les costumes simples mais étudiés, les gants blancs qui montent jusqu’à l’épaule, les gestes qui reviennent d’un danseur à l’autre, d’un morceau à l’autre, déroulent une sorte de cérémonie joyeuse et enlevée qui célèbre la beauté du geste, son intelligence, son émotion.

L’allégresse de Rameau transposée en gestes. Capture écran

La deuxième partie démarre très fort, sur la musique de Rameau. Trois danseurs dans les mêmes costumes modernes, avec les mêmes gants montants mais colorés, nous font vivre soudain la féérie des fêtes galantes. Les gestes sont royaux, les bras levés dans des présentations majestueuses collent tellement à la musique qu’ils deviennent le rythme qu’on entend. Classicisme épuré, ballet baroque totalement moderne. C’est dans l’adéquation des gestes aux sons que nait une puissante émotion. Les morceaux de Rameau s’enchainent, rapides ou plus lents, et les danseurs continuent, par deux, par groupes puis tous ensemble, à mélanger leurs gestes, à dessiner des arabesques dans l’air, à se froler, à se lier puis se délier pour se retrouver en ligne de salut sur la mesure finale. Totalement emballant, époustoufflant. On se dit, en pensant aux Indes Galantes de Cogitore, que Rameau est vraiment propice aux street dances. Les danseurs de Forsythe ne sont pas des danseurs de rue, mais ils leur empruntent quelques gestes et invitent l’un d’eux à leur festin. Ils ont tous, visiblement, de solides bases de danse classique (chassés, sauts). Et Forsythe n’a jamais caché que son travail part de là. Mais tous, chorégraphe comme danseurs, s’en amusent pour développer une gestuelle très riche et joyeuse. Comme le classique, elle repose sur une rigueur très stricte, dont les danseurs de la troupe, impressionnants de savoir-faire, se jouent avec bonheur. Une très grande soirée de danse !

A Quiet Evening of Danse

Sadler’s Wells London
Chorégraphie William Forsythe
Co-créateurs Brigel Gjoka, Jill Johnson, Christopher Roman, Parvaneh Scharafali, Riley Watts, Rauf “RubberLegz” Yasit, Ander Zabala
Interprétation Roderick George, Brigel Gjoka, Jill Johnson, Brit Rodemund, Riley Watts, Rauf “RubberLegz” Yasit, Ander Zabala
Musiques Morton Feldman, Jean‐Philippe Rameau
Costumes Dorothee Merg, William Forsythe
Lumières Tanja Rühl, William Forsythe
Création sonore Niels Lanz

Lundi 6, mardi 7 décembre 20h30 − Salle Barrault

Ce spectacle a remporté le Prix Fedora – VanCleef & Arpels pour le Ballet en 2018

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