Les médecins croates au chevet d’Orléans, malade de ses médecins

A défaut d’une coopération avec Tours, la ville s’est tournée vers Zagreb qui veut ouvrir une antenne de sa faculté de médecine. Une initiative surprenante, dénoncée par les milieux universitaires mais validée presque unanimement par le conseil municipal de jeudi soir.

Par Jean-Jacques Talpin

Le CHR d’Orléans. DR

Tous les élus, de tous les bords, tous les universitaires et les acteurs locaux ne cessent de le répéter : Orléans est malade, de la crise du CHRO au bord de la rupture, du manque de médecins généralistes et spécialistes mais aussi d’infirmières et de professionnels paramédicaux. Une grande partie du conseil municipal de jeudi soir a donc été consacrée à cette question existentielle. « Il faut changer de dimension, a expliqué le maire, définir une politique globale et si besoin mettre un coup de pied dans la fourmilière. » Certes la santé n’est pas une compétence municipale – « Où est l’État ? », se sont interrogés William Chancerelle et Ghislaine Kounowski – mais ne pas intervenir serait alors de la « non-assistance à personne en danger ».

C’est pourquoi la ville a décidé de prendre cette question à bras le corps en mobilisant de nouveaux outils : création d’une nouvelle maison de santé aux Blossières, transformation d’une partie de la maison de santé de l’ancien hôpital en centre de santé municipal avec des médecins salariés, aide à l’installation (15 000 euros maximum pour les médecins et 10 000 euros pour les sages-femmes).

La guerre avec Tours ?

L’autre pilier de cette politique orléanaise sera l’ouverture à la rentrée prochaine d’une antenne de la faculté de médecine croate de Zagreb avec une cinquantaine d’étudiants. L’annonce de la signature d’un protocole d’accord a été suivi selon le maire « d’une salve de critiques, de la volonté d’empêcher l’accord, d’une désinformation choquante avec un soupçon d’arrogance ». Florent Montillot y voit même une « pointe de mépris, un soupçon de racisme », à tel point que le président de la République croate devrait même écrire à Emmanuel Macon. Bref une affaire d’État…

La ville a d’autant plus mal accepté ces critiques qu’elles venaient du milieu universitaire et notamment des présidents des universités d’Orléans et de Tours. Sans le nommer Serge Grouard vise notamment Tours et du peu d’efforts de la faculté de médecine pour rayonner sur la région. Pour ceux qui douteraient de la qualité de l’université de Zagreb, Florent Montillot aligne des chiffres a priori éloquents : dans le classement de Shanghai l’université croate pointerait au 500e rang et Tours au-delà de la 800e place. Bien plus, la fac de médecine de Zagreb occuperait la 174e place au palmarès mondial et Tours la 206e.

« Certains ont voulu saboter le projet, s’énerve Serge Grouard, mais ils ne proposent rien, ce sont des polémiques stériles, absurdes et lamentables. Tout le monde s’en fout, alors on agit !». Et cela alors que la formation dispensée à Orléans serait « de haut niveau », entièrement bilingue et sans aucun financement public hors Orléans.

Mobiliser pour un CHU

Après un effet de sidération consécutif à cette annonce, le groupe de gauche s’est ressaisi avec une position plus « raisonnable ». Baptiste Chapuis (PS) a ainsi regretté « le manque de concertation » du maire avec ses élus mais aussi avec les universitaires et les acteurs du territoire. Sans dénoncer l’initiative, il s’est contenté de poser des questions concrètes sur le coût de la formation (8 à 12 000 euros), les stages au CHRO, le déroulement des études, les passerelles avec d’autres formations. Il souhaite surtout que l’université de Tours « ne prenne pas prétexte de cet accord pour refermer une porte entr’ouverte avec Orléans ». Le responsable socialiste souhaite pourtant aller plus loin en mobilisant tous les élus autour d’un projet de centre hospitalo-universitaire (CHU) à Orléans. Il propose pour cela à Serge Grouard (qui l’accepte) de populariser cette revendication auprès de tous les candidats aux prochaines élections.

« On aurait fait la même chose ! »

Même tonalité chez Jean-Philippe Grand (EELV) qui « refuse la polémique car on aurait peut-être fait la même chose si on avait été élus. Il faut trouver des solutions et Zagreb est une des solutions ». Lui aussi appelle à une « mobilisation générale » et à « faire le siège des ministères » pour obtenir un CHU à Orléans. Ghislaine Kounowski revient sur la politique municipale globale en matière de santé : le salariat des médecins : « Pourquoi pas, j’espère que ça marchera », la coopération avec Zagreb : « Une des solutions possibles », l’aide à l’installation des médecins : « Attention aux chasseurs de primes !». Cette pharmacienne de la Source plaide notamment contre la libre installation des médecins, véritable cause de la désertification médicale.

Face au malade un quasi consensus s’est donc manifesté, un semblant d’union nationale municipale mais qui aurait peut-être du mal à résister aux prochains combats politiques…

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Commentaires

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  1. Ça ne vous gêne pas plus que ça, le coût des études dispensées par Zagreb? Étonnant quand même de penser qu’à coup de fric, des étudiants refusés ici, pourront faire ici des études organisées avec le concours d’une municipalité qui y voit probablement le moyen de se faire mousser !
    Si l’on accepte de renoncer aux règles, de façon de surcroit totalement inégalitaire, je ne donne pas cher de notre système de santé qui est éthiquement-aussi- très fragile

  2. Mon dentiste est bien roumain d’origine, parlant un français impeccable avec ce petit accent sympa, alors ou est le problème, car lui m’a pris dans sa clientèle, quand des secrétaires orléanaises prétentieuses de dentistes qui ne le sont pas moins (la voix de son maître) m’ont refusé catégoriquement un rendez-vous, j’en avais fait une dizaine avant d’arriver chez lui.
    En plus il est très compétent et ses secrétaires 100 % “made in France” très sympathiques (bon patron, bon accueil) !

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