[Psychiatrie] Le psy, le code et le juge

Il est deux manières de recevoir des soins dans un établissement psychiatrique. Soit en y entrant librement, soit sous la contrainte. Quelques rappels juridiques sur les droits des patients en soins contraints.

Par Patrick Communal (avocat retraité de droit social)

Photo JPB

Le code de la santé publique n’a rien à nous dire de particulier sur les droits du patient recevant librement des soins psychiatriques puisque ceux-ci sont les mêmes que ceux reconnus aux malades soignés pour une autre cause et énoncés par la loi Kouchner. En revanche, le code consacre trois chapitres aux procédures applicables à l’entrée du patient en soins contraints et un autre relatif aux droits du patient qui y sont associés. La règle fondamentale en matière de restriction des libertés en droit français a été définie de longue date par le Conseil d’état, c’est celle de la proportionnalité.

L’équilibre entre liberté et sécurité est affaire de circonstances

Les restrictions de liberté pour des raisons liées à la sécurité ou à l’ordre public ne doivent pas causer une atteinte disproportionnée aux droits. Mais la façon dont on conçoit, au niveau de l’État et dans la société civile, l’équilibre entre liberté et sécurité est aussi affaire de circonstances. Depuis les attentats de novembre 2015, celles-ci ont plutôt fait pencher la balance dans le sens de la sécurité. L’article L3211-3 du code rappelle ce principe en prescrivant que lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis.

En soins contraints, le droit commun est de deux certificats médicaux

Le législateur distingue trois modalités d’entrée en soins contraints dans un établissement psychiatrique. La première vise l’admission aux soins à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent, la seconde, l’admission sur décision du représentant de l’état, la troisième concerne l’admission des personnes détenues. On retiendra que ces trois modalités se distinguent principalement par le nombre de certificat médicaux exigées pour l’admission dans l’établissement psychiatrique habilité.

Le droit commun est de deux certificats mais un seul peut être requis en cas de péril imminent. Le directeur d’établissement informe sans délai le représentant de l’État et la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) de toute décision d’admission. Le préfet, peut, lorsque les troubles mentaux compromettent la sécurité des personnes ou portent une atteinte « grave » à l’ordre public, prononcer par arrêté l’admission en soins psychiatriques sur le fondement d’un seul certificat médical. Pour des troubles mentaux attestés par un avis médical, en cas de danger imminent pour la sécurité des personnes, le maire, et à Paris les commissaires de police, sont habilités à prendre les mesures provisoires nécessaires. Il doit en être référé, dans les vingt-quatre heures, au représentant de l’État qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’admission en soins psychiatriques. En l’absence d’une telle décision, les mesures provisoires sont caduques dans les quarante-huit heures. S’agissant des personnes détenues, on opère à l’identique entre hospitalisation libre et soins contraints, si ce n’est que les unités de prise en charge sont, en principe, adaptées à la qualité de détenus.

Le patient doit être informé de la nature des soins qui lui sont prodigués

On va tenter de caractériser les mesures protectrices des droits du patient. On note en premier lieu que les soins contraints (isolement, contention) ne peuvent être pratiqués que dans des établissements spécialisés et habilités. Lorsqu’un patient hospitalisé dans un établissement qui ne l’est pas, requiert de tels soins, le transfert s’impose. De même lorsque le traitement est pratiqué en soins ambulatoires, hors les murs de l’hôpital, les soins contraints ne sont pas permis. En second lieu, dans la majorité des situations, le double certificat médical s’impose et les médecins qui signent ces certificats ne peuvent avoir de liens familiaux ou d’alliance avec le patient. En revanche, lorsqu’il s’agit de suspendre les mesures de contrainte, un seul certificat est suffisant. Des obligations d’information sont requises auprès du représentant de l’état, de la CDSP, de la famille, de la tutelle ou de la personne de confiance. Le patient, dans toute la mesure du possible doit être informé de la nature des soins qui lui sont prodigués. Il peut à tout moment faire appel aux services de l’État, à la CDSP, à sa famille ou une personne de confiance, au contrôleur des lieux de privation de liberté, à un avocat, au juge des libertés et de la détention (JLD). Les mesures de contraintes sont toujours limitées dans le temps et leur renouvellement est soumis à des procédures de contrôle.

La Justice aura-t-elle la capacité d’assumer ces nouvelles obligations ?

Le 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel censurait la nouvelle loi de 2016 qui encadrait les mesures d’isolement et de contention dans les hôpitaux psychiatriques. Le ministère de la santé demeurait très réticent à cette injonction et le nouveau texte proposé par le gouvernement était de nouveau censuré. Le texte, finalement voté le 22 janvier 2022, impose au directeur d’établissement de saisir le JLD avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées. Le juge statue dans un délai de vingt-quatre heures avant l’expiration de ce terme.

La Justice, déjà débordée, aura-t-elle la capacité d’assumer ces nouvelles obligations ? Pour mémoire, en 2018 on décomptait 121 000 placements à l’isolement et 33 000 mesures de contention…

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